par Jean-Marc Bourdin
Tout homme politique aspirant à une élection se doit d’utiliser la stratégie du « pseudo-narcissisme » pour convaincre ses concitoyens du bien-fondé de son ambition. Notre conseil : manifester en toutes circonstances une autosuffisance de nature à accréditer sa compétence.
Le pseudo-narcissisme est un concept forgé par René Girard dans Mensonge romantique et vérité romanesque (1961) : le recours au préfixe « pseudo- » traduit la supériorité de la compréhension du phénomène qu’en ont Proust et Dostoïevski face à celle de Freud (lequel a le premier forgé le concept de « narcissisme » dans un article intitulé justement « Pour introduire le narcissisme »). Si, chez Freud, la coquette – archétypale du comportement narcissique – fait preuve d’une souveraine autosuffisance et séduit par voie de conséquence, le pseudo-narcisse dostoïevskien ou proustien (se) donne seulement l’illusion de l’autosuffisance. Cela accroît, certes, son pouvoir d’attraction mais ne suffit pas pour autant à lui assurer un sentiment de plénitude : semblant se désirer lui-même, il reste dépendant du désir qu’il suscite chez les autres. Autrement dit, si le dandy ou la coquette fait croire aux autres qu’il / elle s’aime et polarise ainsi leurs désirs, il / elle ressent une insuffisance du même type que tout un chacun, sa manœuvre visant à la combler. Le dandy ou la coquette sera d’ailleurs raillé pour sa « suffisance », mot ironique qui semble être le contradictoire d’insuffisance mais est en pratique synonyme de vanité.