Un président qui se désigne comme modèle souverain

Proposé par Jean-Marc Bourdin, le 18 mai 2017

Une analyse sémiologique publiée dans The Conversation France par Julien Longhi permet de mieux situer les ambitions d’Emmanuel Macron lorsqu’il dit vouloir être un président « jupitérien », revendique la « verticalité » du pouvoir ou ne rejette pas une « dimension christique » qui lui est attribuée, parfois pour mieux le railler. En écho à notre article « Elysée, élisez-moi », il adopte bien la stratégie du pseudo-narcissisme en revendiquant une position de modèle de nature à conforter sa souveraineté. Ce faisant, il recherche l’installation d’une médiation externe (contrairement à son prédécesseur qui, lui, aspirait à être un « président normal »), laissant à son premier ministre la médiation interne : la répartition des attributions des deux fonctions, telle qu’elle a été énoncée à l’occasion du premier conseil de ministres qu’il présidait ce jour, est  de ce point de vue particulièrement explicite. Il confirme ainsi un de ses écrits politiques antérieur où il présente les Françaises et les Français comme orphelins de leur roi dont ils n’auraient pas voulu le guillotinage.

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Élysée ? Élisez-moi !

par Jean-Marc Bourdin

Tout homme politique aspirant à une élection se doit d’utiliser la stratégie du « pseudo-narcissisme » pour convaincre ses concitoyens du bien-fondé de son ambition. Notre conseil : manifester en toutes circonstances une autosuffisance de nature à accréditer sa compétence.

Le pseudo-narcissisme est un concept forgé par René Girard dans Mensonge romantique et vérité romanesque (1961) : le recours au préfixe « pseudo- » traduit la supériorité de la compréhension du phénomène qu’en ont Proust et Dostoïevski face à celle de Freud (lequel a le premier forgé le concept de « narcissisme » dans un article intitulé justement « Pour introduire le narcissisme »). Si, chez Freud, la coquette – archétypale du comportement narcissique – fait preuve d’une souveraine autosuffisance et séduit par voie de conséquence, le pseudo-narcisse dostoïevskien ou proustien (se) donne seulement l’illusion de l’autosuffisance. Cela accroît, certes, son pouvoir d’attraction mais ne suffit pas pour autant à lui assurer un sentiment de plénitude : semblant se désirer lui-même, il reste dépendant du désir qu’il suscite chez les autres. Autrement dit, si le dandy ou la coquette fait croire aux autres qu’il / elle s’aime et polarise ainsi leurs désirs, il / elle ressent une insuffisance du même type que tout un chacun, sa manœuvre visant à la combler. Le dandy ou la coquette sera d’ailleurs raillé pour sa « suffisance », mot ironique qui semble être le contradictoire d’insuffisance mais est en pratique synonyme de vanité.

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« Moi, président ! »

par Thierry Berlanda

Les vœux télévisés de François Hollande, quel que soit le bilan que nous pouvons dresser de son mandat (il est d’ailleurs probable que sa politique ne fut pas aussi néfaste que ses adversaires de tous bords se sont acharnés à constamment le prétendre), avaient quelque chose d’émouvant, voire de pathétique. Non seulement parce que le président y a tenté une défense quasi désespérée de sa politique, mais aussi et surtout parce que le point d’énonciation du discours présidentiel, soit son principe même et sa structure idéologique, y apparaissaient clairement. Or ce sont ce principe et cette structure, d’ailleurs grandement commune à la gauche et à une partie de la droite, qui suscitent précisément le problème de la fameuse distance séparant le peuple de ses élites (politiques ou autres, en France et dans le monde). Or cet écart, qui fut longtemps nié, s’il est à peu près admis aujourd’hui, reste néanmoins mal compris, et notamment par l’actuel président.

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