L’enfer mimétique

LES RESEAUX SOCIAUX LIBRES

C’est le monde d’Elon Musk et de Donald Trump, celui des réseaux sociaux compulsifs, des infox et de la rumeur méchante et permanente. Dans ce monde virtuel mais très actif, la raison et le simple bon sens ont été remplacés par la comparaison, la compétition (combien de likes ?), la rivalité agressive, le harcèlement systématique, la dérision mordante : tous les visages de la violence pure ! Selon nos critères girardiens, il s’agit là d’une crise mimétique aiguë, semblable à celles qui disloquaient les sociétés primitives avant qu’elles n’aient recours au bouc émissaire, c’est-à-dire à l’évacuation de la violence par la violence qui s’abat sur un seul et débarrasse la communauté du mal sortie d’elle.

Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de victime émissaire disponible, malgré des tentatives, ici ou là, de dénonciations nominales très violentes (avec appel, parfois, au passage à l’acte). Tout le monde peut, à tour de rôle, prendre la place de l’émissaire, et subir dénigrements, calomnies, ou réelles menaces physiques. Cette » bouc-émissarisation » fait encore quelques vraies victimes, mais globalement la recette est épuisée.

Quand on parle de régulation, voire de simple modération, Elon Musk et ses sbires ressortent « le 1er amendement de la Constitution des États-Unis » et le droit sacré à la « libre expression ». Est-ce que la libre expression inclut le blasphème, l’injure, l’insulte sexiste et raciste et autres offenses ? D’après les libertariens, il semble que oui. Nous voyons ainsi monter la menace de l’indifférenciation généralisée, assortie d’aucune protection sacrificielle traditionnelle. Même la morale puritaine, encore bien accrochée dans les pays anglo-saxons, a cédé la place au déchaînement sans frein de la méchanceté. Au nom du noble droit à « la liberté d’expression » …

LES RESEAUX SOCIAUX SOUS CONTROLE

Là où la morale chrétienne n’a jamais eu cours, les choses sont bien pires. En Chine, qui est le pays le plus athée de la planète depuis longtemps, le contrôle des individus ne se fait pas par leurs pairs (avec la lutte classique des égos égaux) mais par un « pouvoir central » omniscient, omnipotent, un pouvoir absolu qui s’est arrogé tous les attributs de Dieu. Attributs que nul ne peut lui contester puisque Dieu a été éliminé comme alternative ou contre-pouvoir. Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir central à proprement parler (l’abus de langage fait partie de l’enfumage répressif), mais d’un pouvoir vertical, très autoritaire, qui « tombe du ciel comme l’éclair ». Dieu n’ayant pas droit de cité, c’est bien Satan qui est à la manœuvre. C’est l’enfer garanti.

On avait imaginé l’enfer, autrefois en Occident, comme un lieu de désordre affolant (si bien représenté par Jérôme Bosch) ; il est en réalité très policé, très calme ; tout le monde y applaudit le chef suprême en même temps et sur le même rythme. Il n’y a pas d’ordre plus implacable et plus fascinant.

 Curieusement, les deux mondes qui s’opposent, celui du désordre absolu de la « libre expression » et celui de l’ordre imperturbable de la censure totale, se ressemblent comme deux jumeaux mimétiques.

Tik Tok et X, même monde carcéral !

3 réflexions sur « L’enfer mimétique »

  1. Le nazisme est revenu, en Chine comme aux USA mais il est aussi chez Poutine, et insidieusement en Europe, la machine à décerveler par la surconsommation et les idoles fonctionne à plein régime, le fast-faschion chinois est un chevalde Troie. Mais les droits de l’Homme sont allègrement éliminés par la commission européenne quand elle invoque l’opinion publique pour justifier l’IVG, l’euthanasie, etc…Mais la lumière naît de l’apocalyspe.

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  2. En Chine, qui est le pays le plus athée de la planète depuis longtemps,… Depuis combien de temps? Peut-être faut-il lire: – ‘Moïse ou la Chine; Quand ne se déploie pas l’idée de Dieu’ de François Jullien, – si on cherche un véritable dialogue interculturel. Je le propose après un trentaine de voyages et rencontres en Chine.

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  3. « Le même monde carcéral » : il faudrait peut-être préciser que dans la réalité, les prisons sont des « mondes » où cohabitent d’une part une discipline, des horaires, des contraintes, enfin un certain « ordre » imposé à l’individu de l’extérieur, sous la surveillance de gardiens, et cet ordre est plus ou moins violent selon les sociétés, et d’autre part une anarchie qui autorise le règne de la loi de la jungle, ce qui fait que la prison perpétue l’ordre mafieux et est souvent accusée d’être davantage un poison qu’un remède au désordre social.

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