par Thierry Berlanda
Selon le nouveau classement PISA, notre Éducation Nationale atteint tout juste la moyenne mondiale. Pas brillant ! Certains vous diront qu’il faudrait en augmenter le budget (vous savez, les braves gens qui pensent qu’on fabrique les billets de banque comme ceux de Monopoly). Or le budget de l’éducation nationale tourne déjà autour des 70 milliards d’€, ce qui en fait l’un des plus importants budgets publics mondiaux (en valeur relative bien sûr). Alors, comme on ne peut pas augmenter un budget déjà colossal, et qui bien que colossal ne donne pas d’excellents résultats, que peut-on faire ? D’abord, admettre que le rêve d’une école universelle ne sera réalisé (et sans doute doit-il l’être) qu’à la condition suivante : admettre que tous nos enfants ne deviendront pas Einstein ou Pic de la Mirandole. Beaucoup seront, ou devraient être, boulangers, plâtriers, horticulteurs ou menuisiers. Ce qui compte, ce ne sont pas les médailles ou les brevets, mais bien faire ce qu’on sait faire, ne pas prétendre à autre chose qu’à soi, et bien se convaincre qu’entre un mathématicien de génie et une repasseuse qui sait faire un pli impeccable, ou qu’entre Edith Stein et un maçon qui sait construire une voûte qui ne vous tombera pas sur la tête, il n’y a aucune différence de dignité, aucune présomption de supériorité de l’un ou l’une sur l’autre, ni donc aucune raison que les parents croient encore que la réussite de leurs enfants ne serait appréciée qu’au nombre de palmes universitaires assorties.
Quant à la référence girardienne, elle me semble limpide : quel médiateur constitue donc le troisième sommet d’un triangle dont le premier serait l’estampille académique, et le second notre vanité ? Il est non pas seulement, contrairement à ce que prétendait Hegel dans la Phénoménologie de l’Esprit, la soif de reconnaissance (Anerkennung)[1], ni même le démon de l’appartenance (si opératoire en ces temps de doute généralisé et de repli identitaire), mais plus encore la recherche à tout crin de l’élection, c’est-à-dire de l’exception : être absolument différent des autres, mais paradoxalement être reconnu comme tel par eux. Véritable parousie à laquelle l’humanité aspire… jusqu’à avoir entendu résonner (et raisonner) la parole qui révèle que c’est en s’humiliant qu’on se grandit. Qu’est-ce à dire ? Que c’est en étant boulanger quand on est joyeux de l’être que nous atteignons la pleine puissance de notre vie, et non pas en la passant grimpée sur d’illusoires échasses. On ne fait pas pousser l’herbe en tirant dessus, dit la sagesse des nations. Et nul ne peut ajouter une coudée à sa propre vie [2], parfait l’évangéliste, en un sens qu’il ne faut pas restreindre à la seule durée de la vie, mais l’estimer selon son ampleur.
[1] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, chapitre 4, Sur la Conscience de soi (das Selbstbewusstsein)
[2] Mathieu, 6 : 27 ; Luc, 12 : 25