
par Jean-Marc Bourdin
Se voulant une anthropologie générale valable pour toutes les cultures et depuis les débuts de l’hominisation, soit une aire spatio-temporelle immense, la théorie de René Girard ne pouvait éviter quelques impasses majeures. Si René Girard avait traité des mythologies de la péninsule indienne en 2003 lors de conférences à la Bibliothèque Nationale de France, qui furent publiées sous le titre Le sacrifice, et avait évoqué en quelques occasions le monde arabo-musulman, il s’était contenté de quelques allusions à l’œuvre de Marcel Granet qui lui semblait conforter ses analyses pour ce qui concernait le sous-continent chinois.
Emmanuel Dubois de Prisque vient combler magistralement cette lacune en publiant au éditions Odile Jacob un essai intitulé La Chine et ses démons. Il nous donne sur cette aire géographique si importante pour l’histoire de l’humanité une vision anthropologique qui prend ses racines dans la mythologie et se poursuit à travers l’histoire jusqu’aux derniers développements de l’histoire intérieure et internationale de la Chine. Bref, il donne un exemple concret et convaincant de cette “science des rapports humains” que René Girard appelait de ses vœux, appliquée à un sujet certes immense mais néanmoins suffisamment délimité pour rester pertinent.
Il vous faut absolument lire cet ouvrage. Je n’en ferai donc pas une recension. Sachez simplement que dans une société qui a largement échappé à la christianisation jusqu’à présent, les boucs émissaires et les rituels sacrificiels, dans une civilisation confrontée à la rivalité mimétique, restent omniprésents, preuve, s’il en était besoin, de la puissance interprétative de la théorie mimétique.
Voici comment son éditeur présente l’ouvrage :
“La gouvernance de plus en plus totalitaire du régime chinois se voit aujourd’hui fortement contestée, notamment en Occident. En revanche, la Chine, en tant que civilisation, fait l’objet d’une étrange complaisance.
Et pourtant, le « système de crédit social », la volonté de « siniser » les religions, de « rééduquer » les peuples non hans comme les Ouïghours, l’obsession de la « pureté » idéologique, la lutte contre le « démon » de la pandémie ne se comprennent que si nous acceptons de regarder sans pudeur la culture chinoise et la façon dont elle imprègne la Chine contemporaine.
C’est précisément ce que fait Emmanuel Dubois de Prisque dans ce livre. S’inspirant des travaux de René Girard, il montre que la politique chinoise obéit à des rites sacrificiels dont le souverain est à la fois le grand prêtre et la victime potentielle – des premiers empereurs jusqu’à Mao Zedong ou Xi Jinping.
Ce faisant, il éclaire la part d’ombre de la Chine et en souligne les risques alors que cette dernière paraît bien décidée à imposer au monde ses propres normes culturelles face à un Occident affaibli et englué dans sa propre culpabilité.”
Bref, en lisant Emmanuel Dubois de Prisque, vous accéderez à des clés de compréhension jusqu’à présent non disponibles.
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L’Association Recherches Mimétiques organise, le samedi 17 décembre prochain à 15 heures 30, une vidéo-conférence lors de laquelle Emmanuel Dubois de Prisque commentera lui-même son ouvrage. Cette conférence est libre et ouverte à tous ; voici le lien pour s’y inscrire :
Une réflexion sur « L’histoire et l’actualité de la Chine éclairées par la théorie mimétique »