par Jean-Marc Bourdin, le 30 juin 2017
René Girard s’était beaucoup intéressé, au terme de ses recherches, aux preuves archéologiques de son anthropologie religieuse, notamment à Çatal Höyük, dans l’actuelle Anatolie. Il avait notamment donné une conférence au collège des Bernardins le 22 novembre 2008 à ce sujet dont l’enregistrement est disponible sur le site de l’ARM : http://www.rene-girard.fr/57_p_44801/catal-hoyuk.html. Ayant participé aux recherches de Ian Hodder, le responsable des fouilles sur le site, Benoît Chantre a fait le 24 février 2016 un point sur « Le sacrifice à l’aube de la sédentarisation » lors d’une conférence prononce à l’Ecole des chartes : http://www.rene-girard.fr/57_p_44799/introduction-et-bibliographie.html.
Le Monde se fait l’écho d’une nouvelle publication scientifique concernant le site de Göbekli Tepe, jusqu’à présent le plus ancien sanctuaire monumental connu (11 000 ans avant l’ère commune). Nous savions que ce sanctuaire avait précédé la sédentarisation des hommes et la domestication des animaux et des plantes, fait qui vient à l’appui de la thèse de René Girard selon laquelle le religieux (ou le sacré) précède et enclenche à partir d’exigences rituelles les développements de la culture. Tout à l’opposé de l’idée d’une cléricature inventant la religion et ses rites pour asseoir son pouvoir, véhiculée à partir des Lumières et toujours très en vogue.
L’article du Monde indique qu’une analyse de fragments de crânes retrouvés sur place « a révélé que les modifications artificielles de leur structure ont été effectuées peu après la mort des propriétaires de ces crânes, au moyen d’outils en pierre. […]. Il pourrait s’agir d’un rituel de vénération des ancêtres, ou bien d’une mise en scène élaborée des crânes d’ennemis. Se pourrait-il enfin que les morts aient été sacrifiés sur l’autel d’une divinité disparue pour étancher sa soif de sang ? Nul ne le sait, mais il semblerait que ces anciens hommes étaient obsédés par les crânes. Le site contient en effet de nombreuses représentations (sculptures et reliefs) de têtes séparées de corps et d’individus sans tête. »
L’article du Monde : http://www.ulyces.co/news/le-plus-vieux-temple-du-monde-etait-dedie-a-un-mysterieux-culte-du-crane/#more-464275
Cet article fait référence à une communication scientifique (en anglais) publiée le 28 juin 2017 dans ScienceAdvances. Elle est intitulée « Modified human crania from Göbekli Tepe provide evidence for a new form of Neolithic skull cult ».
Lien : http://advances.sciencemag.org/content/3/6/e1700564.full.
Voici ma traduction d’une partie de la conclusion de cet article : « Les trois crânes modifiés de Göbekli Tepe représentent une toute nouvelle catégorie de découvertes, qui atteste de l’interaction entre la vie et la mort dans cet important centre rituel du début du Néolithique. Ces crânes, le plus probablement prélevés […] dans le cadre de rites funéraires secondaires, témoignent d’un traitement post mortem particulier de certains individus à Göbekli Tepe. Le statut spécial de ces individus pourrait avoir été manifesté par l’application d’éléments décoratifs sur les crânes qui furent ensuite montrés (et également suspendus) à des points déterminés du site. […] »
Ce qui est surprenant avec cette illustration d’urbanisme néolithique c’est l’absence de « rues » et l’inhumation au pied du mûr nord des habitations de corps de défunts. Compte tenu de la disposition originale et originelle de cet « établissement » comme le nomme René Girard les lieux de vie domestiques étaient pris en « sandwich » entre les mûrs nord et sud d’habitations mitoyennes et leurs morts respectifs. Ceci a sans doute fortement contribué a lié les habitants de cette cité.
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