Petits sacrifices entre amis

Par Thierry Berlanda

Hier au diner, nous parlions de tout et de rien sur un mode badin. Au moment du dessert, la conversation roula inopinément sur Brigitte Bardot. Le ton changea aussitôt : de paisible, il devint acrimonieux. Ce fut ainsi que, comme c’est le cas depuis 60 ans, l’occasion de s’étriller fut involontairement donnée par la star à quelques personnes pourtant bien disposées les unes à l’égard des autres. Après que nous ayons rompu quelques lances, j’ai proposé à la petite assemblée la reprise girardienne que voici.

Ne vous apparait-il pas que les stars de cinéma déclenchent, à la fois ou alternativement, une excessive adulation et l’expression d’un considérable ressentiment ? De là, le nom d’idole qu’on leur prête n’est-il pas fort bien trouvé, qui souligne leur caractère sacré ?

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« Silence », parlons-en

 

par Jean-Marc Bourdin

Le dernier film de Martin Scorcèse, Silence est pour nous passionnant, à défaut de toujours séduire les cinéphiles. Le scénario souffre effectivement de faiblesses comme le parallèle un peu lourd à force d’être transparent entre la trahison de Judas et celle d’un Japonais au caractère faible qui alterne reniements et demandes d’absolution. Mais le plus important est ailleurs. Le titre évoque une situation où des hommes, confrontés aux violences les plus insupportables et dans l’impossibilité de faire un choix acceptable, se retrouvent confrontés au silence de Dieu. Scorcèse met en images brumeuses, pluvieuses et boueuses des événements historiques se déroulant au Japon au milieu du XVIIe siècle. Son film est adapté du célèbre roman éponyme (en japonais 沈黙 ou Chinmoku) écrit en 1966 par Shūsaku Endō, écrivain catholique japonais de grand renom.

Après des succès initiaux en particulier à la suite de Saint François Xavier, les missionnaires jésuites portugais sont bouleversés par l’annonce de l’apostasie de leur supérieur au Japon, le père Cristóvão Ferreira. Mise en place pour couper les racines de la christianisation des Japonais (et probablement aussi pour écarter les risques d’une colonisation culturelle, voire militaire), l’inquisition japonaise a en effet défini une procédure d’une efficacité redoutable dont il a été la victime : imposer aux prêtres une abjuration (matérialisée par la cérémonie du fumi-e, soit le piétinement d’une image pieuse et, si cette insulte symbolique ne paraît pas suffisante, le crachat sur le crucifix) comme condition nécessaire à la fin des tortures et des mises à mort de leurs fidèles. Le dilemme est insupportable pour un chrétien dont la vérité révélée le convainc de l’innocence des victimes persécutées en raison de leur croyance en Dieu. Le plus dogmatique des deux jésuites, le père Francisco Garupe, finira par se noyer avec des chrétiens clandestins jetés à la mer pour le faire abjurer : il y trouvera le martyre qu’il recherchait probablement. Quant au père Sebastião Rodrigues, convaincu par le prêtre déchu Ferreira, apostat et apparemment satisfait de son choix, il abjurera et sacrifiera son idéal de sainteté conférée par le martyre pour arrêter les tortures et les mises à mort dont sont victimes les Japonais fidèles à la foi chrétienne. Cette alternative vise à induire un doute chez le spectateur sur l’attitude la plus héroïque.

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