
En nous privant de rencontres directes avec nos semblables et d’interactions langagières informelles facilitées par le contact physique, la pandémie nous oblige à explorer plus systématiquement le pouvoir des images et des sons transmis par nos écrans et à découvrir des aspects insoupçonnés de la mimesis.
En voici deux exemples frappants.
En Corée du sud, un étudiant s’est filmé en train de lire ses manuels scolaires pour prouver à ses parents qu’il préparait sérieusement ses examens. Diffusée sur Youtube par la chaîne « The man sitting next to me », la vidéo a été vue par des milliers d’étudiants qui se sont aperçus qu’ils pouvaient trouver là une réelle incitation à travailler. Selon l’Express du 28 février, le concept serait en plein essor à travers le monde, y compris depuis peu en France, la chaîne américaine « The Strive studies » comptant plus de 320 000 abonnés et cumulant quasiment 20 millions de vues. Selon la sociologue Catherine Lejealle, citée par le journal, « on n’a besoin pas forcément d’un coach, mais de quelqu’un qui va s’entraîner avec vous pour tenir sur la longue durée. Ceux qui réussissent, c’est ceux qui ont travaillé avec les autres. Et l’aide des autres, ici, c’est regarder ces vidéos ou en poster ». Pour plus de détail sur le « gongbang » (c’est le nom de cette nouvelle pratique), voir :
Autre exemple, le « yoga du rire ». Tout part du constat que le corps ne fait pas la différence entre rire spontané et rire simulé. On obtient dans les deux cas les mêmes avantages physiologiques et psychologiques (via notamment la diminution, scientifiquement prouvée, du niveau d’hormones de stress dans le sang). Mais ce n’est pas tout : l’autre point fondamental est que le rire simulé est aussi contagieux que le rire spontané ! Sur la base de ces deux constats, Madan Kataria, un médecin de Mumbai, a lancé le premier club de rire en 1995. Le phénomène est aujourd’hui mondial, avec des milliers de clubs de rire recensés (2020) dans plus de 105 pays. Pour une brève démonstration, voir par exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=5mPDb-7UYtE
Ce qui est remarquable dans ces deux exemples, c’est qu’ils mettent en évidence le fait que la contagion mimétique opère de manière quasi automatique en l’absence de toute communication verbale et de tout contact physique, voir un visage et entendre une voix suffisent pour activer les neurones miroirs. Dans les deux cas, la pandémie a eu pour effet d’accélérer la diffusion d’une pratique préexistante, rendue possible par le développement des communications numériques. Nul doute que beaucoup de choses restent à inventer dans ce domaine, pour le meilleur et pour le pire.