par Christine Orsini
La scène se passe dans un salon parisien, où l’on cause entre girardiens.
Personnages, par ordre d’entrée en scène : Cléanthe, énarque et docteur en philosophie politique. Léandre, homme d’affaires très branché. Arsinoé, retraitée de l’Education Nationale. Philinte, éminent phénoménologue, auteur de thrillers décapants. Maître Pierre, théologien.
Cléanthe : Mon cher Léandre, je peux vous le confier puisque nous sommes entre nous, jusqu’à ces jours derniers, j’ignorais à la fois l’existence et les turpitudes de ce type qui fait la une des journaux, Weinstein. Je ne fréquente pas le milieu du cinéma, comme vous.
Léandre : Oh, moi, c’est pour les affaires…
Cléanthe : Je n’en doute pas. Personne n’a encore cité votre nom. Mais enfin, je crois qu’on a ouvert la boîte de Pandore et qui peut savoir quand et comment on va refermer le couvercle ? Ne faut-il pas faire un état des lieux, en tant que girardiens spécialistes du mécanisme du bouc émissaire, nous allons être sollicités par les médias, non ?
Léandre : Pas sûr. Les médias citent le nom de Girard quand ils jugent qu’il s’agit d’un phénomène de bouc émissaire, pour faire comme s’ils en savaient plus que le vulgum mais ils ne veulent surtout pas en savoir plus ! Et là, personne ne parle de « lynchage », on estime que ce type a le sort qu’il mérite. D’accord, on a là un emballement médiatique et mimétique, mais pour la bonne cause, me semble-t-il.
Cléanthe : Oui, c’est ce que je pense : le bouc émissaire est un innocent qui prend pour les autres et là, on tient un coupable qui ne songe même pas à nier les faits. Ce cas fait tout de même réfléchir : l’unanimité de l’accusation ne serait pas toujours un argument en faveur de l’accusé ? Même pour l’affaire du Sofitel, les positions étaient moins tranchées, on parlait d’un complot…
On sonne à la porte d’entrée. Entrent Arsinoé et Philinte. Politesses d’usage.
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