
Le phénomène « Zemmour » est d’une brûlante actualité au moment où je rédige ce billet et il est probable qu’il le restera quelque temps : la campagne électorale ne fait que commencer et, grignotant à vive allure des points dans les sondages, le personnage attend son heure pour se déclarer officiellement candidat à la présidence de la République. Pour certains, c’est une « divine surprise » ; pour la plupart, dont je suis, c’est une surprise tout court, un véritable événement. En écrivant des best-sellers érudits, en répondant avec plus ou moins de précision aux questions incisives des journalistes, en argumentant longuement ses convictions face à un adversaire hostile (Jean-Luc Mélenchon) (1) ou amical (Michel Onfray) (2), Eric Zemmour ne fait pas qu’occuper l’espace médiatique, il devient « homme politique » face aux politiciens de tous bords, qu’il désigne comme des « gestionnaires » et dont il dénonce la malfaisance ou l’impuissance. Jusqu’où ira-t-il ? On se pose la question qu’il doit se poser lui-même, alors qu’il devance Marine Le Pen dans les intentions de vote et que la droite républicaine peine et tarde à choisir son candidat.
Zemmour ne veut pas apparaître comme « polémiste ». Il revendique d’être habité par des « idées », dont il est persuadé qu’elles sont vraies, qu’elles correspondent à une réalité historique et contemporaine. Et ce sont ces « idées » qui font polémique. Parmi elles, la plus provocante est l’assimilation de l’Islam à l’islamisme, d’où il ressort que la France, avec des « concessions » faites par un Etat affaibli à des ennemis déclarés (ce sont les territoires perdus de la République) et un climat de violence et d’insécurité croissantes, est menacée dans son existence même. Zemmour s’attaque au « politiquement correct » qui recouvre cette réalité d’un voile mensonger et son attaque, parce qu’elle sonne juste, est sans doute une des raisons de son succès. Mais Zemmour n’existerait pas s’il n’était pas révélateur, non seulement de la montée en puissance de l’opinion selon laquelle l’immigration incontrôlée menace notre civilisation, mais aussi d’une réalité occultée : le ressentiment grandissant des Français à l’égard d’eux-mêmes et de ceux qui prétendent les représenter ou les gouverner, ressentiment décrit de façon saisissante dans la nouvelle de Dostoïevski « Le sous-sol ».
Parmi plusieurs entrées possibles pour une interprétation girardienne du phénomène Zemmour, j’ai choisi la « vérité romanesque » selon Dostoïevski. Cela peut paraître anecdotique, mais il y a des traits de ressemblance entre le portrait que le romancier dresse de son personnage, l’homme du souterrain , et l’image qu’Éric Zemmour donne de lui: un homme dont le regard sur le monde émerge de son rêve ou d’un idéal, un éternel étudiant d’une brillante intelligence, un intellectuel investi dans un milieu (les médias) qui le fascine mais qu’il méprise ; à force d’être provoqué par une réalité qui contraste trop avec son idéal pour ne pas lui paraître un cauchemar, il est devenu un provocateur, un « polémiste » dont on devine qu’il a dû affronter quelques humiliations avant de prendre toute la lumière et d’en être à la fois ébloui et galvanisé.
Et pourquoi prend-il toute la lumière ? Là, on n’est plus dans l’anecdotique, on entre dans la réalité du « sous-sol ». Ce que le romancier russe désigne ainsi résulte, à l’ère démocratique, d’une lutte entre les consciences, lutte souterraine parce que chacun ne peut affirmer sa singularité sans se rendre secrètement dépendant de modèles qui la lui contestent ; le monde moderne est un monde où l’on ne peut faire croire à l’autonomie de son désir sans se régler, souterrainement, sur le désir des autres. Nos « modèles » deviennent des rivaux, ils ne peuvent être vénérés sans être en même temps profanés. En se démocratisant, « la culture qui permettait d’admirer sait de moins en moins empêcher de haïr. » (3) Le bicentenaire de la mort de Napoléon a illustré cette réalité : le fondateur de l’Etat moderne, pour avoir rétabli l’esclavage, est devenu, en particulier aux yeux de la jeune génération, un « modèle-obstacle », voire un obstacle tout court. Pour se venger d’un passé gangrené par la colonisation, on répudie l’histoire, on pratique la « cancel culture » : on a déboulonné à Rouen ces jours-ci la statue de Napoléon pour la remplacer par celle de Gisèle Halimi. Nous détestons les Américains quand ils se glorifient, nous les imitons servilement quand ils se détestent. Le sous-sol, c’est dans l’Occident moderne que ses propres habitants chargent de tous les maux, la haine de soi, entretenue par l’orgueil et le souci morbide de l’autre. Réputé « égoïste », l’individu moderne a le souci des victimes, il pratique en réalité l’altruisme, mais un altruisme vengeur et haineux.
Nous pouvons comprendre maintenant pourquoi Eric Zemmour prend si bien la lumière. En face des autres candidats, tous politiciens, il pourrait s’exclamer, comme l’homme du souterrain : « Moi, je suis seul, eux ils sont tous ». En effet, dans le climat actuel de défiance à l’égard des élites, des gouvernants et des institutions, sa solitude exerce un attrait puissant ; sans autre ambition que d’être « réaliste » en appelant les choses par leur nom et donc de « dire la vérité », il se livre à cet exercice, par ses livres et par son verbe, avec une vraie sincérité et beaucoup de conviction. Son vrai tour de force est de ne pas apparaître comme « l’homme du ressentiment » en lequel son public pourrait seulement se reconnaître, mais comme « l’homme de la situation », celui qui fait le bon diagnostic et dont la radicalité des propositions symbolise une puissance d’agir (de sauver la situation) à laquelle plus personne n’osait croire. Il n’a pas l’arme de l’éloquence, comme Mélenchon, qui sait émouvoir, il a celle de la culture historique grâce à laquelle un schéma un peu simpliste (le duel que se livreraient l’Orient et l’Occident depuis les guerres de la Grèce antique contre la Perse jusqu’à la colonisation actuelle de la France par l’Islam) prend les allures d’un « grand récit », bienvenu dans ces temps de division et de profond désenchantement.
La guerre des civilisations est une idée qui enchante : elle donne de la consistance à la peur de l’avenir en même temps qu’elle redonne du sens à l’histoire, au roman national, et du coup, de l’espoir en l’avenir. Elle donne de l’élan à tous les « oubliés » de la mondialisation ainsi qu’à ceux qu’exaspèrent ces pseudo-guerres que se feraient les races, les sexes ou les genres, les mémoires, les générations, et même les victimes entre elles ; elle redonne aux nostalgiques d’une France forte leur dignité, le sentiment que leur guerre à eux serait une « juste guerre ». Les électeurs du Front national, bien sûr, mais aussi la « bourgeoisie patriote » voient en Zemmour un sauveur ! Quant au diagnostic de l’invasion et du « grand remplacement », il a sans doute le mérite de tenir compte du « ressenti » d’une population trop vite accusée d’islamophobie, il aurait surtout celui de « nous faire entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les Croisades sont beaucoup plus proches de nous que la Révolution française et l’industrialisation du Second Empire. » A la fin de son dernier livre(4), historique et apocalyptique, René Girard semble prophétiser la « pensée » de Zemmour. Nous allons voir qu’il n’en est rien et pas seulement parce que de toute évidence, Zemmour n’est pas un penseur.
En effet, écrit Girard, « ce à quoi nous assistons avec l’islamisme est nécessairement plus qu’un retour de la Conquête, c’est ce qui monte depuis que la révolution monte, après la séquence communiste qui aura fourni un intermédiaire. Le léninisme comportait déjà certains de ces éléments. Mais ce qui lui manquait, c’était le religieux. » (5) On aura reconnu le totalitarisme et la « montée aux extrêmes » dont l’islamisme pourrait être le nouvel instrument, le nouveau visage. Force est de constater que le religieux, c’est ce qui manque aussi à la pensée de Zemmour. Il ne s’interroge pas, comme le fait Girard, sur cette religion nouvelle, par rapport au judaïsme et au christianisme, qui bénéficie de leur apport mais semble se situer avant le rejet judéo-chrétien du sacrifice. La question du sacrifice ne se pose pas pour Zemmour, parce qu’en confondant l’Islam et l’islamisme, il se place d’emblée, non sur le plan civilisationnel, mais sur le plan guerrier. Pour lui, c’est une question de vie ou de mort : il participe à la montée aux extrêmes, sur le modèle des djihadistes dont il a déclaré respecter le« sacrifice » (criminel et suicidaire). Pour lui, la France, déjà partiellement islamisée, c’est-à-dire conquise, le sera un jour totalement si l’on ne se réveille pas, si l’on ne veut pas voir que la guerre civile est déjà commencée et qu’il ne reste plus qu’une chose à faire : la gagner ! La pensée de Zemmour n’est pas une pensée, c’est un cri d’alarme et de ralliement.
Le débat entre Zemmour et Mélenchon a été d’un grand intérêt parce que tout oppose ces deux hommes, à commencer par leur idéologie, réactionnaire pour l’un et révolutionnaire pour l’autre. Mais s’il est vrai que « le rapport de rivalité tend irrésistiblement à la réciprocité et à l’identité » Zemmour et Mélenchon ne sont pas dans un rapport de rivalité mimétique. En effet Zemmour, par ses propositions « identitaires » se pose non en rival de Mélenchon ou de qui que ce soit d’autre, dont les revendications sociales, économiques ou écologiques lui sont parfaitement étrangères ; il se pose irrésistiblement en rival des islamistes et plus précisément de leurs guerriers, les djihadistes. De même que la haine du snob est un phénomène de snobisme, la haine du fanatisme est un phénomène de fanatisme et la haine du communautarisme est un phénomène de communautarisme.
Cependant, la posture « réaliste » de Zemmour en face d’un adversaire « idéaliste » relève plus d’une volonté de différer que d’une véritable différence. D’abord, le « réalisme » de Zemmour ne procède pas d’une méthode scientifique (comme le réalisme de la théorie mimétique), il consiste à croire, naïvement, que « les faits parlent d’eux-mêmes ». Dans une époque qui flirte avec le relativisme et l’idée nietzschéenne qu’il n’y a pas de faits, mais seulement des interprétations (l’ère de la post vérité), ce « réalisme » à contre-courant a de quoi séduire. Ensuite, le réalisme repose sur le même mensonge que l’idéalisme : l’affirmation, chevillée au corps de l’individualisme occidental, que nos désirs sont spontanés et autonomes. D’où chez Zemmour comme chez l’homme du souterrain, un mimétisme larvé, qui s’exprime à la fois par un désir de fusion avec ses modèles (jusqu’à la confusion, quand on voit qu’il veut à la fois sauver le pétainisme et être l’héritier du gaullisme) et par le repli sur soi de l’orgueil, avec la haine paranoïaque de l’Autre. Son patriotisme ressemble au chauvinisme du salon Verdurin (pour les lecteurs de Proust), une microsociété où les rites d’union sont secrètement des rites de séparation.
On pourrait s’attarder sur ce cas, d’un intérêt épisodique, peut-être, sur le plan politique mais très riche si on le rapporte à la théorie mimétique : on n’a rien dit du mécanisme victimaire dont même les journalistes qui n’ont pas lu Girard savent le rôle primordial qu’il joue en faveur du non-candidat : la désignation sans ambiguïté des « responsables » du déclin de la France jointe à l’extériorisation du mal qui nous ronge (il y a Nous et Eux comme il y a le Bien et le Mal), vise à rassembler un peuple profondément divisé. Face à cette stratégie, l’idéalisme de Mélenchon, qui veut croire à une « créolisation » spontanée et heureuse et à l’auto-construction naturelle d’un peuple, peut-il convaincre ? Soulignons, pour conclure, un paradoxe : en face d’un marxiste athée dont le contenu des propositions s’accorde parfaitement avec le message évangélique, le croisé réactionnaire défenseur des valeurs chrétiennes (et hostile aux droits de l’homme), a manqué de souffle pour en préciser le contenu. Cet homme qui s’est construit dans et par les livres discourt beaucoup mais ce qu’il sacralise ne se discute pas : la Tradition (selon Jacques Bainville) et la Force.
Dans le roman de Dostoïevski, l’homme du souterrain a une véritable fascination pour la force et même la brutalité. Humilié, un jour, dans une salle de billard, par un officier qui le prend par les épaules pour le déposer un peu plus loin, notre homme est obsédé par le désir de se venger. Il écrit des lettres dans lesquelles cependant sa haine se teinte d’une étrange attirance ; il éprouve pour son modèle-obstacle la vénération qu’impose à l’orgueilleux l’obstacle infranchissable, l’indifférence de l’Autre. Qui mieux que le djihadiste, le terroriste qui tire au hasard dans la foule peut incarner cet obstacle fascinant ? Un mensonge romantique ferait de Zemmour un héros prêt à prendre les risques qu’impose la situation. Mais il est la proie d’une obsession : le « souci morbide de l’autre » fait de haine et de fascination, qui est la vérité (souterraine, révélée par le roman) de la réaction nationaliste.
NOTES :
- https://youtu.be/IBZZAtCeH0k
- https://youtu.be/paPKnx4j-dk
- Benoît Chantre. Postface à Achever Clausewitz, Champs essais, p.370
- Achever Clausewitz, 2006.
- Ibidem, p.356
Je trouve votre article remarquable, Christine ORSINI.
J’ai découvert le débat avec Michel ONFRAY. Vous le qualifiez d’amical, mais, justement, le fait qu’il soit poussé à s’exprimer, sans être interrompu, fait apparaitre ce que vous écrivez: « La pensée de Zemmour n’est pas une pensée » et tout ce que vous soulignez ensuite…… guerrier……
Mais je me demande pourquoi vous insistez sur le débat entre Mélenchon et Zemmour, dont je n’ai vu que quelques extraits. Pour moi, leur rivalité mimétique n’est pas encore visible, et ils ont, pour l’instant, un intérêt commun, qui les empêche d’exprimer leurs véritables « pensées (fondamentaux, axiomes) ». J’avoue avoir du mal à suivre un tel débat. Il est vrai que ce type de débat, depuis le fameux duel Giscard/Mitterrand s’est imposé depuis 1974, conformément à l’anthropologie de la théorie mimétique.
Pour prendre l’exemple du sujet de l’article de JL SALASC sur le COVID-19, deux débats entre d’une part deux professeurs (ou ex) de l’IHU de Marseille (RAOULT vs FOUCHE, par exemple) et deux membres du conseil scientifique seraient, bien plus éclairants…
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Votre article nous éclaire : ce ressentiment mis en lumière ; Dostoïevski, Mélenchon, De Gaulle et Pétain; cela promet, la Comédie Humaine (vaste champ de Bataille des ambitions) se met en place pour 2022!
N’assistons-nous pas de manière plus profonde au ressentiment historique: Zemour est né à Constantine en Algérie (aujourd’hui Oran), toute sa jeunesse a dû être bercé par le paradis perdu et spolié, n’a-t-il pas eu cette fabuleuse formule : « L’antisémitisme on le tête à la mamelle? ».
L’inquiétant est surtout que ses idées sonnent justes: si ses thèses du grand remplacement et de la guerre civile larvée que nous vivons sont fausses, par ailleurs des faits lui donnent raison. La thèse paranoïaque est d’autant plus difficile à déconstruire qu’elle est censée précisément incarnée la clairvoyance la plus ultime. N’oublions pas que la paranoïa a le rôle très important de restaurer la pulsion narcissique du sujet, de lui redonner le sentiment d’une intelligence, lui qui est bafoué et non-reconnu. Il y a là comme une réparation historique à l’œuvre et le monde moderne construit une dé narcissisation car nous devenons interchangeable et remplaçable: Zemour entre dans une brèche avec un discours convaincant! Ce discours est en lui-même vecteur de guerre civile: la seule solution qu’il offre en sous-texte est la préparation à la guerre, la réappropriation de nos valeurs….
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Chers amis,
encore cette fois, je suis entièrement en accord avec Christine (le motif de la « haine de soi », proche de ce que Christine décrit, est en effet au cœur de ma propre pensée. C’est même ma hantise quasi permanente. Du coup, et pour une fois, j’aurais préféré n’être pas d’accord avec toi, chère Christine, mais ç’aurait été comme me mentir à moi-même. Par ailleurs, Zemmour est certes un symptôme, mais il nous faut comprendre que les médecins qui prétendent nous en guérir en sont hélas les premiers vecteurs.
Bien amicalement.
Thierry
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Je reposte mon commentaire car j’ai l’impression que j’ai fait une erreur de manipulation: le voilà.
Votre article, Christine, est un article de haut-vol, dont j’admire sincèrement l’ampleur, la solidité et la puissance de réflexion, mais aussi les constants bonheurs de formulation.
Vous avez fait, à mon avis, ce que tout analyste doit faire d’abord : prendre son objet au sérieux, et se donner la peine de l’écouter, avec l’empathie du professionnel de l’analyse, sans le condamner à priori. Cela vous permet de vous aventurer dans ses provocations et d’en comprendre la force de l’intérieur sans les cautionner : exercice difficile que vous pratiquez sans faillir. Je dois dire que, en ce qui me concerne, j’ai adopté jusqu’à aujourd’hui la position exactement inverse. Il se pourrait que les personnes comme moi s’en mordent un jour les doigts.
Du coup Jean Luc Melanchon fait un peu office de second couteau, et s’efface, un peu comme l’ancien monde. Mais, et c’est la force de la démocratie, la recherche de la majorité évite la montée aux extrêmes: pour l’instant, ni l’un ni l’autre ne peuvent y prétendre.
Je trouve enfin que votre intuition de ramener (ou de hausser ?) le personnage d’Eric Zemmour à une dimension dostoïevskienne rend compte de la drôle de situation ( peut-être comme on dit la drôle de guerre) que nous vivons aujourd’hui : Dostoïevski est souvent l’écrivain du malaise, et c’est aussi un malaise que suscitent, au moins en moi, les réactions que je perçois dans mon environnement.
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MERCI !!!
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A fascinating article. There are similarities with Trump, but the US is in a far worse place than France. I have noticed that in France politics is largely discussed in terms of policies which is what one would expect in a democracy. For many in the US conservative policy is merely a symbol of where they stand on the question of democracy. To be against or for X is to affirm the right of the white majority or some other equally factitious group to rule regardless of whether it wins the elections. The underground men are now armed and dangerous, no longer cowering in the « souterrain » like Dostoievsky’s hero. Perhaps we are in Peter Verkovensky’s territory.
Two phrases from the article amazed me.
Nous détestons les Américains quand ils se glorifient, nous les imitons servilement quand ils se détestent.
Soulignons, pour conclure, un paradoxe : en face d’un marxiste athée dont le contenu des propositions s’accorde parfaitement avec le message évangélique, le croisé réactionnaire défenseur des valeurs chrétiennes (et hostile aux droits de l’homme), a manqué de souffle pour en préciser le contenu.
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Oh! What a surprise ! Merci, Andrew, je suis très honorée de ta présence sur ce blogue. Merci de nous rappeler qu’il y a plus malheureux que nous. Mais enfin, depuis que Freud vous a apporté soi-disant « la peste », vous vous êtes bien vengés en appelant la vôtre, de peste, la « French theorie ».
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Dans cet espace de discussion, je dois préciser ma réponse allusive au professeur Feenberg : la « french theory » nous est revenue en boomerang des USA, chargée d’un militantisme universitaire qui s’est emparé de l’idée de « déconstruction » pour lancer les études de genre, les études post-coloniales etc. Le mouvement « Woke » et la « Cancel culture » s’en réclament. Je voulais donc souligner qu’en France comme aux Etats-Unis, l’extrême droite et l’extrême gauche, s’alimentant de leur haine réciproque pour réécrire l’histoire, sont co-responsables de l’affaiblissement de la démocratie dans des pays, la France et les USA qui ont été des initiateurs et des modèles en matière de démocratie.
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De quoi Zemmour est-il le nom ?
Le ressentiment morbide, voire maladif, la solitude impuissante, la nostalgie d’une gloire imaginaire qu’on n’a jamais connue, d’un empire seulement fantasmé, le désenchantement, la virilité en berne, le goût de la guerre que l’on n’a jamais faite, le rêve de piou-piou du 2 août 1914, l’illusion d’un passé sacralisé qui se prend pour un projet d’avenir, la peur, la peur viscérale qui tient lieu de pensée, la démesure du Moi devant l’incertitude de l’universel qui se construit sous nos yeux, le désir obscur de séparer tout ce qu’il est urgent d’unir sur notre planète étroite, le refuge dans l’archaïque méconnaissable, l’exaltation du communautarisme des siens dans la haine du communautarisme des autres, la chasse aux coupables sans conscience du mal que l’on commet soi-même, la défense d’un « christianisme » sacrificiel obsolète, l’anesthésie de la volonté compensée par un faux panache de combattant moyenâgeux, l’esprit de vengeance dévorant, la violence, la violence, la violence, la brutalité et la violence.
Comme un jeu vidéo trash, ça se vend très bien parce que le produit ne coûte pas cher.
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Merci chère Christine pour ce remarquable éclairage. Comme antidote je me suis auto-prescrit la relecture de Michel Serres, « c’était mieux avant », qui ironiquement pourrait servir de slogan de campagne à votre sujet d’analyse. Quel contraste ! Michel Serres, ouvert sur la différence, si libre dans ses idées et si étranger à toute forme de ressentiment. Dommage que ces qualités fassent rarement recette en temps d’élections, surtout de nos jours.
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Oui, Hervé, mais ce contraste me semble plus rassurant qu’inquiétant. Celui qui fait scandale capte toute la lumière mais vous connaissez mieux que moi les Ecritures « Malheur à celui par qui le scandale arrive ». Le rayonnement d’un grand esprit est moins visible que des vociférations d’actualité mais ses effets sont durables et même transmissibles : la preuve, jusqu’à présent l’ordre l’a emporté sur le désordre. Et en ce qui concerne les élections, il ne faut pas être trop exigeant puisque, selon Platon : ceux qui désirent le pouvoir ne sont pas dignes de l’exercer et ceux qui en seraient capables et dignes ne le désirent pas. Bon, c’est un peu radical, il y a des exceptions et aussi des propositions meilleures que d’autres!
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J’aime la teneur de tous ces commentaires qui mettent ton remarquable article encore plus en lumière, Christine. Merci pour ces exceptionnels moments de lecture.
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Aussi ne nous scandalisons pas que Zemmour et Onfray, ces clowns, ces intermittents du spectacle qui ne doivent leur succès qu’à avoir su utiliser l’entité médiatique, en viennent à envisager de pouvoir être élus, c’est le signe qu’ici, c’est la France, que tout pouvoir idolâtre est amené à s’apercevoir de ce qu’il est.
Merci à vous, madame, d’accéder à la littérature absolue, seule à même d’amener Verkovenski à la lumière et que son autonomie illusoire alors révèle qu’il est soumis à Stavroguine sans le savoir, courant au gouffre comme les porcs qui penseraient être démons, et de s’asseoir, ô sainte imitation, au pied du crucifié, possédé enfin apaisé.
Puisqu’ici, c’est la France, partageons donc avec Zemmour et Onfray notre amour de la patrie où tout finit par des chansons, accompagnons donc Nietzsche au spectacle qu’il adorait, sachons envisager le pire sans rien céder aux vents mauvais, goûtons à l’élixir du rire qui seul chasse les Zébulons, à l’insolence gauloise qui émancipe de tous les Jupiter, les rois de carnaval, les clowns tristes qui penseraient savoir gouverner, et allons tous en Crète contempler ce que l’idole en France saura toujours nous enseigner.
Musique, Maestro :
Allons bon !
Partir pour la Crète…
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