L’émissaire fait son cinéma

Nous aimons tous un cinéma dans lequel la qualité du spectacle s’associe à la richesse des messages. Certains films dépassent ainsi les impératifs commerciaux pour illustrer ce que René Girard appelait la « vérité romanesque ». En voici un choix établi par les contributeurs du blogue.

Vous y trouverez des œuvres bien connues des cinéphiles, interprétées dans cette perspective. Et bien sûr des œuvres oubliées ou méconnues, mais d’une indéniable valeur.

Bonnes séances.

N’hésitez à proposer des films que vous aimez et à les commenter . Ainsi vous contribuerez à enrichir cette petite anthologie.

NOUS ENVOYER VOS SUGGESTIONS

Lien vers les séances enregistrées du ciné-club « La Caméra du philosophe »

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Petite anthologie du « cinéma girardien »

(Les films sont dans l’ordre alphabétique des titres en Français)

Apocalypto

Mel Gibson,  avec Rudy Yougblood, couleur, 2006

Le film nous plonge au sein d’une tribu de chasseurs-cueilleurs dans le Yucatan. Surgissent des Mayas ; ils s’emparent de victimes pour alimenter leurs sacrifices rituels. Mais la cérémonie va s’enrayer, et conduire à une course poursuite saisissante. Elle prendra fin avec l’une des plus étonnante surprise du cinéma, un « deus ex machina » sublimé. Certaines séquences peuvent malmener les âmes sensibles (Mel Gibson est à la caméra).

Le cas Richard Jewel

Clint Eastwood, avec Paul Walter Hauser et Kathy Bates, couleur, 2019

En 1996, aux Jeux d’Atlanta, Richard Jewell, un agent de sécurité, juge un sac suspect et alerte les autorités : à juste titre, car le sac est piégé et son intervention va permettre de limiter les dégâts. D’abord adulé par les médias et l’opinion publique, la situation se retournera très vite dès lors que le FBI, bien aidé par certains médias, trouvera en Jewel le coupable idéal (ou le bouc émissaire parfait).

Le lien vers l’analyse de Didier Desrimais : https://emissaire.blog/2020/04/20/le-cas-richard-jewell/

Chaînes conjugales

Joseph Mankiewicz, avec Linda Darnell et Kirk Douglas, noir et blanc, 1949

Chef d’œuvre un peu daté (les relations hommes-femmes ont changé) mais à cause du génie de son réalisateur, intemporel comme le désir mimétique ! Ce sont trois histoires de couples et de la première à la dernière, on creuse le sujet : en lutte avec le désir selon l’autre ou les autres, où les victoires sont des défaites, on voit poindre le désir d’aimer, contagieux aussi.

Décalogue 6 : «Tu ne seras pas luxurieux»

Krzysztof Kieslowski, avec Grazyna Szapolowska, couleur, 1988

Un jeune homme épie une femme. Il entre par effraction dans sa vie, en vient à la rencontrer et lui avoue tout. La femme est piquée de curiosité et l’invite chez elle. L’aventure amoureuse se termine abruptement, et le jeune homme tente de se suicider. C’est alors la femme qui épie son retour. Le film met en scène le caractère mimétique du désir, et place les deux personnages principaux dans une réversibilité bien mimétique elle aussi.

Lien vers les entretiens de René Girard et la conférence d’Yves Vaillancourt

Les deux Papes

Fernando Meirelles, avec Anthony Hopkins et Jonathan Pryce, couleur, 2019

La passation de pouvoir entre Benoît XVI et François, vus au départ comme rivaux pour la conduite de l’Eglise catholique. Tout sépare ces deux hommes, qui incarnent le schisme larvé entre traditionalistes et progressistes, jusqu’à ce qu’ils se rencontrent dans l’intimité. Au lieu de voir dans l’Autre le rival, ils se confient mutuellement leurs doutes et leurs blessures et deviennent amis.

Les Diaboliques

Henri-Georges Clouzot, avec Simone Signoret, Véra Clouzot et Paul Meurisse, noir et blanc, 1955

Un classique à revoir sous l’angle des jeux relationnels décrits par Stephen Karpman. Le personnage incarné par Simone Signoret illustre à merveille les changements de rôle entre bourreau, victime et sauveur. Un directeur de pensionnat tyrannise son entourage, tout le monde souffre : élèves, professeurs, épouse et maîtresse. Les deux femmes échafaudent un plan pour échapper à leur persécuteur. Mais ce plan se révélera bien différent de ce que le spectateur imagine…

Les Dieux sont tombés sur la tête

Jamie Uys, avec Marius Weyers, Sandra Prinsloo, N’Xau, couleur, 1983

Chez les bushmans, il n’y a pas de désir parce qu’il n’y a pas d’objets. Un jour, une bouteille de coca tombe du ciel. Malheureusement, le cadeau du ciel étant le seul objet à convoiter, la vie dans le village devient rapidement un enfer… La tribu charge Xi de ramener l’objet maléfique aux dieux. Dans son périple, Xi découvrira des communautés humaines largement pourvues, elles, en objets désirables…

L’étrange Incident

William Wellman, avec Henry Fonda, noir et blanc, 1943

Il aurait pu s’intituler l’étrange Western, tant le scénario et la réalisation prennent à rebours les codes du genre. Il s’agit du lynchage d’un innocent. La lecture posthume de sa dernière lettre en fait, sinon un prophète, au moins l’artisan d’une révélation. Le témoin impuissant de toute l’action (le personnage joué par Henry Fonda) va ainsi sortir de son errance mimétique, présentée par les premières scènes, et trouver un sens à son existence.

La famille Jones

Derrick Borte, avec Demi Moore et David Duchovny, couleur, 2010

Le mimétisme est mis au service de la vente, sous une forme très originale. La « famille Jones » en sera l’instrument. Mais la spirale consumériste qu’elle engendre dans le quartier tournera mal pour l’un des voisins. Sans se libérer totalement des conventions de la comédie américaine, ce film est la dénonciation consciente d’une exploitation consciente de la force mimétique.

Le faux coupable

Alfred Hitchcock, avec Vera Miles et Henri Fonda, noir et blanc, 1956

Le film raconte l’histoire vraie d’un contrebassiste accusé à tort d’un braquage. Son  identification erronée par une employée devient contagieuse et d’autres vols lui sont attribués. Son épouse est déstabilisée par cette unanimité, et bascule dans une paranoïa délirante. Hitchcock réalise la mise en scène de façon à faire vivre au spectateur ce qu’a vécu le musicien. Il montre également, par la trajectoire de l’épouse, comment l’unanimité conduit un innocent à intérioriser une culpabilité qui n’est pas la sienne.

Pour les anglophones, une analyse girardienne de ce film, par David Humbert, professeur-assistant à l’université de Sudbury au Canada :

https://garydavidstratton.com/2012/11/27/hitchcock-and-the-scapegoat-rene-girard-violence-and-victimization-in-the-wrong-man/

Fury

Fritz Lang, avec Sylvia Sydney et Spencer Tracy, noir et blanc, 1936

Premier film américain de l’auteur de « M. le maudit », ce film nous fait participer en direct au processus du mécanisme victimaire, depuis le hasard  qui « choisit » la victime jusqu’au lynchage final en passant par la contagion de la haine.  La beauté de ce chef d’œuvre est de refuser le manichéisme et de surprise en surprise, de nous confronter à nous-mêmes.

Présentation du film par Christine Orsini au Ciné Club de l’ARM :

CinE9-club+Fury

Un Homme irrationnel

Woody Allen, avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey, 2015

Le campus de la petite ville de Newport trépigne d’impatience. Le célèbre Abe Lucas, professeur de philo dépressif, misanthrope et alcoolique, vient y enseigner. Les rumeurs vont bon train. On le dit totalement déprimé depuis que sa femme l’a quitté, à moins que ce ne soit depuis que son meilleur ami journaliste a été tué en Irak. On dit surtout qu’il entretient des liaisons avec ses élèves.

Lien avec l’article de Bernard Perret dans La Croix du 7 décembre 2015, du « Woody Allen, René Girard et le terrorisme »

L’Homme qui tua Liberty Valance

John Ford, avec James Steward, John Wayne et Lee Marvin, noir et blanc, 1962

Une petite ville de l’Ouest américain vit sous le joug d’un pistolero sadique. Arrive un jeune avocat, qui entend établir le droit et la justice, sans recourir à la gâchette. Il n’y parviendra cependant pas sans l’aide providentielle d’un de ses amis. Ce classique du western présente tous les volets de la théorie mimétique, mais intégrés avec une suprême habileté dans les canons du genre.  C’est un chef d’œuvre.

Lien vers La Caméra du Philosophe, la conférence de Camille Riquier du 8 avril 2019

Incendies

Denis Villeneuve, avec Lubna Azabal et Rémy Girard, couleur, 2010

Adapté de la pièce éponyme de Wajdi Mouawad, Incendies raconte la quête d’une mère séparée de son enfant à sa naissance sur fond de guerre civile dans un pays du Moyen-Orient. Elle se prolonge par une enquête que doivent mener ses deux enfants pour découvrir un père et un frère dont ils ignoraient l’existence, afin de respecter son testament. Ce récit aborde plusieurs questions fondamentales : la montée aux extrêmes de la violence, tant familiale, religieuse que politique ; la nécessité de privilégier le point de vue des victimes et l’intrication victime/bourreau ; la spécificité de la promesse par rapport au désir ; l’exceptionnalité de l’amour maternel et même grand-maternel.

Mademoiselle de Joncquières

Emmanuel Mouret, avec Cécile de France et Edouard Baer, couleur, 2018

Le film met en (très belles) images un récit de Diderot. Mais quand ce dernier légitime la  vengeance d’une femme trahie, Emmanuel Mouret souligne plutôt une double « rédemption » : celle du pseudo Don Juan et celle de la courtisane, utilisée comme instrument de cette vengeance. Ce choix est très girardien, René Girard n’ayant cessé de dénoncer la spirale de la réciprocité violente, qui ne fait que des victimes.

Lien vers l’article de Christine Orsini :

https://emissaire.blog/2018/10/14/le-regard-dun-ange-dans-un-film-depoque/

The Leftovers (série télévisée)

Damon Lindelof, avec Amy Brenneman, Liv Tyler et Justin Theroux, couleur, 2014-2017

Cette série est tirée d’un roman de Tom Perrotta, « Les Disparus de Mapleton ». Un jour, deux pour cent de la population mondiale disparaît subitement sans laisser de traces. Pour ceux qui restent, les « leftovers » précisément, comment vivre avec le poids de ce mystérieux événement ? Certains se sentent coupables, d’autres s’attendent à l’Apocalypse : de quoi déstabiliser la communauté de la petite ville de Mapleton. Cette série a inspiré une lecture girardienne à Guillaume Dulong, agrégé de philosophie et spécialiste du cinéma.

Le lien vers l’analyse de Guillaume Dulong : https://journals.openedition.org/tvseries/4371

Les Liaisons dangereuses

Stephen Fears, avec Glenn Close, John Malkovich, Michelle Pfeiffer, Kenau Reeves et Uma Thurman, couleur, 1988

Un amour véritable pris dans l’étau des conventions sociales de l’aristocratie : le chef d’œuvre de Laclos est un traité complet du désir mimétique. La somptueuse adaptation Stephen Frears en préserve le sens ; une vraie réussite, car il est difficile de porter à l’écran tout ce que peut exprimer un roman par lettres. L’échec de « Valmont », le film concurrent sorti l’année suivante (tiens, tiens, rivalité mimétique ?) en témoigne ; Milos Forman, le metteur en scène, a reconnu lui-même ne rien comprendre aux personnages.

Les Liaisons dangereuses ont fait l’objet de plusieurs analyses girardiennes ; citons Jean-Pierre Dupuy dans « La Jalousie. Géométrie du désir » et Olivier Maurel dans ses « Essais sur le mimétisme ».

Mon oncle d’Amérique

Alain Resnais, avec Nicole Garcia, Roger-Pierre et Gérard Depardieu, couleur, 1980

Les trajectoires de trois personnages bien différents dont les destins se croisent. Le déroulement de l’action est entrecoupé de commentaires du professeur Henri Laborit. Il compare les comportements des personnages à ceux de souris de laboratoires. La vision est très mécaniste. Pourtant, de petites séquences montrent comment les actes des protagonistes sont guidés par des modèles : Jean Gabin pour le personnage de Gérard Depardieu, Jean Marais pour celui de Nicole Garcia. Les souris n’ont pas de modèles…

Oui, mais…

Denis Lavandier, avec Emilie Dequenne et Gérard Jugnot, couleur, 2002

Voici un film pédagogique. Une jeune fille sort de l’adolescence ; elle découvre la complexité des relations humaines et leurs jeux psychologiques, parfois toxiques. Un conseiller bienveillant l’aidera à les comprendre, ce dont les spectateurs bénéficient également. Au centre de ces jeux, le triangle de Karpman (bourreau, victime et sauveur), qui peut être interprété comme une configuration particulière du triangle mimétique (cf. https://emissaire.blog/2021/06/29/les-trois-masques-du-persecuteur/)

Panique

Julien Duvivier, avec Viviane Romance et Michel Simon, noir et blanc, 1946

Une femme est retrouvée morte dans un terrain vague à la périphérie de Paris. Le meurtrier, Alfred, est l’amant d’Alice, qui vient de prendre une chambre au Petit Caporal. Monsieur Hire, un homme solitaire et misanthrope, la voit de sa fenêtre et devient irrésistiblement attiré par cette femme sensuelle. Alfred n’aura aucun mal à le faire suspecter. La dernière scène du film est d’une stupéfiante cruauté et met en relief l’effet de groupe, le désir grégaire de mise à mort et de lynchage. Un des très grands films de la cinématographie française.

L’analyse de Didier Desrimais :

Les Panneaux de la vengeance

Martin McDonagh, avec Frances McDormand, couleur, 2017

Film violent sur la violence, mêlant tous les genres, un chef d’œuvre absolu. L’actrice a reçu un oscar, elle est inoubliable. Pour le lecteur de Girard, c’est, au-delà de ses qualités cinématographiques, un festival d’intelligence : le bien et le mal se mêlent, comme le tragique et le comique, le vrai est invraisemblable, comme l’est une conversion, mais …vrai !

Paulina (La Patota)

Santiago Mitre, avec Dolores Fonzi, couleur 2015

Pour une fois le titre français, le prénom de l’héroïne, reflète mieux le film que le titre original (patota signifie « bande », ce n’est pas le sujet du film). Le sujet, c’est Paulina, jeune femme bien née, destinée à une belle carrière d’avocate : son aventure est celle d’une femme libre qui pousse à l’extrême le refus de toute forme d’expulsion et de vengeance.

Plein soleil

René Clément, avec Alain Delon et Maurice Ronet, couleur, 1960

Philippe, un fils de milliardaire, désœuvré et capricieux, séjourne en Italie. Son père lui a imposé un jeune secrétaire, afin de modérer ses frasques. Ce jeune secrétaire est fasciné par Philippe, l’envie et s’identifie à lui. C’est le désir mimétique existentiel, commenté par René Girard dans « Mensonge romantique » : le sujet ne désire pas seulement ce que son médiateur lui désigne, il désire son identité elle-même. L’issue ne peut être que tragique.

Le Prestige

Christopher Nolan, avec Hugh Jackman, Christian Bale et Michael Caine, couleur, 2006

La rivalité entre deux prestidigitateurs va conduire au sacrifice d’une femme, au meurtre et pire encore. Le désir mimétique et le thème du double sont poussés à leur extrémité, dans un scénario grand public et fantastique.

Ridicule

Patrice Leconte, avec Fanny Ardant et Charles Berling, couleur, 1996

Au XVIIIe siècle,  les marais de la Dombes sont infestés de parasites qui affectent la santé des riverains. Un jeune aristocrate, Malavoy, projette de les assécher ; il se rend à Versailles, demander son aide au Roi. Il y découvre une Cour indifférente aux misères du peuple. Pour s’y faire entendre, il s’en approprie les codes. Ce ne sont que jeux rivalitaires, nourris par l’unique objet de leur désir commun : la personne du Roi.  Or, ce n’est plus à l’épée qu’on règle les différends, mais par de non moins cruels assauts de mots d’esprit. A cet exercice, Malavoy se montrera imbattable, prouvant ainsi que celui pour qui le mot d’esprit n’est qu’un moyen, peut triompher de ceux, les Ridicules, dont il est la finalité.

Rocco et ses frères

Lucchino Visconti avec Annie Girardot, Alain Delon et Renato Salvatori, noir et blanc, 1960

Rocco et ses frères ont fui la misère du pays natal au sud de l’Italie pour vivre à Milan, en plein essor industriel. Ce film en noir et blanc est plus sombre que lumineux ;  la dure réalité n’est que le cadre de cette tragédie en 5 actes ; le principal moteur en est cette forme d’orgueil ou d’idéalisme romantique,  familière aux lecteurs de Dostoïevski et de Girard,  qui entretient des liens fraternels avec le crime passionnel et la haine de soi.

L’analyse de Christine Orsini :

Shutter Island

Martin Scorsese, avec Emily Mortimer et Leonardo di Caprio, couleur, 2010

L’action se passe sur une île, dans une prison psychiatrique où sont enfermés de dangereux criminels. Une détenue a mystérieusement disparu, et deux enquêteurs viennent élucider l’affaire. Mais petit-à-petit, l’hostilité monte contre le chef de la mission. La disparue réapparaît de façon inexplicable. Qui est coupable ? Où est la réalité ? Le clair-obscur ne se limite pas à la photographie, et Martin Scorsese propose au spectateur un exceptionnel rebondissement final.

Cari Myers est professeur-assistant à l’Université de Denver. Elle nous offre une analyse girardienne de Shutter Island, avec un résumé de la théorie mimétique et une étude d’ensemble des films de Martin Scorsese (pour les anglophones) :

https://garydavidstratton.com/2012/11/19/echoes-of-rene-girard-in-the-films-of-martin-scorsese-scapegoats-and-redemption-on-shutter-island/

Ci-joint une traduction française de la partie spécifiquement consacrée à Shutter Island :

Silence

Martin Scorsese, avec Andrew Garfield, Liam Neeson et Adam Driver, couleur, 2016

Il s’agit de la destinée de missionnaires jésuites, confrontés à l’inquisition japonaise au XVIème siècle. Celle-ci avait inventé un dilemme redoutable : les prêtres pouvaient éviter aux convertis japonais d’être torturés ou tués, à condition d’abjurer la foi chrétienne devant eux, en piétinant une icône ou en crachant sur un crucifix. Que peut-dire la philosophie girardienne à ce sujet ?

Lien vers l’article de Jean-Marc Bourdin :

https://emissaire.blog/2017/02/28/silence-parlons-en/

Souvenir

Bavo Defurne, avec Isabelle Huppert et Kevin Azaïs, couleur, 2016

Une ancienne candidate à l’eurovision est retombée dans l’anonymat. Un jeune homme la reconnait. Il est le fils d’un admirateur inconditionnel de la chanteuse ; il lui propose de relancer sa carrière, devenant son impresario puis son amant.  L’ex-mari de la starlette est musicien, il revient lui aussi dans le jeu. Qui désire quoi réellement ? Une romance inventive dans laquelle les ressorts mimétiques sont présents.

Serge Tisseron en a proposé une analyse girardienne, dont voici le lien : https://sergetisseron.com/chronique-de-cinema/souvenir-le-mimetisme-des-desirs/

Stalingrad

Jean-Jacques Annaud, avec Rachel Weisz, Jude Law, Joseph Fiennes, couleur, 2001

Trois thèmes s’entrelacent : la bataille de Stalingrad ; un duel entre deux tireurs d’élite, un allemand et un jeune russe ; une rivalité amoureuse. En effet, pour soutenir le moral des habitants de Stalingrad,  un commissaire politique utilise les exploits du tireur d’élite ; mais en faire un héros pour la ville en fait aussi un héros aux yeux de la fiancée du malheureux commissaire. Il découvre ainsi les pièges de la médiation et du triangle mimétique.

Vertigo

Alfred Hitchcock, avec Kim Novak et James Steward, couleur, 1958

Pour beaucoup, c’est le chef d’œuvre du maître anglais : comment métamorphoser une histoire policière en drame métaphysique. Un policier (James Steward) s’éprend d’une personne fictive, jouée d’après le modèle d’une femme morte. Le retour à la réalité sera impossible, tant pour la simulatrice que pour le policier ; le mimétisme n’abandonne jamais ses proies.

Jean-Pierre Dupuy conclut son ouvrage « La Marque du Sacré » (2010, collection Champs Flammarion) par une vertigineuse réflexion sur Vertigo.

Zelig

Woody Allen, avec Mia Farrow et Woody Allen, noir et blanc, 1983

Un homme caméléon traverse le XXème siècle. Ses aventures mettent en scène le mimétisme, sous forme visuelle et comique, jusqu’à l’aspect physique du héros. Woody Allen propose une explication sur l’origine de ce conformisme effréné. Mais le film lui-même est un objet mimétique, car il se présente comme une enquête documentaire : le modèle est évidemment  le « Citizen Kane » d’Orson Welles.

Olivier Maurel développe l’analyse de ce film dans ses « Essais sur le mimétisme », parus en 2002 chez L’Harmattan.