Viridiana

par Benoît Hamot

L’œuvre de Luis Buñuel est associée au surréalisme, et les scènes oniriques sont habituellement mises en avant. Elle n’en comporte pas moins une dimension réaliste, qui puise ses racines dans une appréhension fine des rapports humains sous l’influence du christianisme. En témoignent l’attention portée sur la pauvreté extrême, – voir notamment Terre sans pain et Los olvidados – sur l’innocence livrée à la perversité, sur le délitement de la Chrétienté dans le monde moderne. Ces multiples facettes peuvent être mises en avant dans le filmViridiana, sans doute son œuvre la plus aboutie formellement, et peut-être la plus personnelle.

Viridiana est une novice que sa mère supérieure pousse à rencontrer son oncle Don Jaime, avant de prononcer ses vœux et sa claustration définitive. La mère supérieure insiste, parce que ce riche propriétaire terrien a payé ses études et sa dot. Don Jaime est veuf, son épouse est morte pendant la nuit de noces (sic). Ce détail est le seul élément surréaliste du récit : il invite le spectateur à imaginer la scène, dont rien ne sera révélé, à l’exception du profond sentiment de culpabilité et de frustration qui finira par submerger Don Jaime. Le non-dit, le mystère qui entoure l’évènement exerce un effet plus puissant que son dévoilement. Don Jaime a peur du regard des autres, peur de trahir sa fixation érotique sur la virginité, et sur des objets – les habits de noce de son épouse – qu’il porte dans l’intimité.

Considérant la ressemblance frappante entre Viridiana et sa défunte épouse, et après lui avoir vainement demandé de l’épouser, Dom Jaime lui demande, lors de leur dernière soirée, de porter les habits de la défunte. Ce caprice, il le dit innocent. Peut-être même le croit-il ? On peut en effet considérer la perversité comme une faculté à ne pas considérer l’existence de l’autre, sinon comme objet manipulable, par définition. Avec la complicité de la servante, il endort sa nièce à l’aide d’un somnifère. Il se retient de la violer pendant son sommeil, mais lui fait néanmoins croire, à son réveil, que l’acte a été vraiment accompli, afin de la dissuader de retourner à son couvent et de la forcer à rester auprès de lui. Le départ de Viridiana, qui ne lui pardonne rien, signe l’échec de son projet.

Toute son assurance ne tient qu’au regard de l’autre, et c’est aussi pour cela que Don Jaime a besoin de la complicité de Ramona, sa servante, pour préparer le piège destiné à sa nièce et pour justifier ses actes devant celle qu’il sait entièrement soumise à sa volonté. Mais quand il lui affirme le lendemain ne pas avoir abusé de sa nièce, Ramona répond qu’elle ne sait que croire : « Tout est si bizarre… ». En laissant percer un doute, la servante précipite sa décision de se pendre.

Néanmoins, Don Jaime réussit, par son suicide, à retenir Viridiana dans le domaine, dont elle hérite conjointement avec le fils naturel de l’oncle. Mais ce nouveau venu, Jorge, appartient à un monde nouveau, qui ne partage aucunement le sentiment de culpabilité et le dolorisme religieux dominant. C’est un homme moderne, sûr de lui et de sa capacité de séduction. Jorge s’installe dans le vaste domaine avec sa maîtresse du moment, à l’écart de Viridiana, bien décidé à jouir de tout ce qui lui est donné. De son côté, Viridiana, qui a renoncé au couvent, décide d’accueillir généreusement tous les mendiants du village. Elle croit ainsi poursuivre son idéal de sainteté, réparer la souillure subie en exerçant une mission charitable. Son mysticisme initial, représenté par l’adoration dans le secret des clous et de la couronne d’épines du Christ, se tourne publiquement vers les œuvres.

Don Jaime est parvenu à infuser à Viridianaun sentiment de culpabilité et de souillure à travers son mensonge. Son incapacité à jouir de ses proies débouche sur une vengeance inavouée, une Schadenfreude d’autant plus insatisfaisante qu’elle a pour effet d’aggraver sa faute. Afin de purger ce poison, l’adoration mystique pratiquée de son côté par la novice se compromet dans l’action sociale ; transposé sur un plan collectif, c’est l’institution catholique qui se transforme en une ONG. C’est aussi le plus sûr moyen de se perdre, car Viridiana se retrouvera isolée, alors qu’elle était précédemment protégée par l’ensemble du couvent et par une puissante tradition.

Don Jaime et Viridiana appartiennent tous deux, quoique de façon opposée, au monde ancien, dans lequel l’Église catholique dominait les corps et les esprits jusque dans leur intimité, dans leurs rituels les plus secrets : adoration de la couronne d’épine et des clous symboles de la Passion ou des habits de noce d’une épouse restée vierge. La culpabilité relève également de la superstition, dont le ressort magique est mimétique : ainsi, la corde à sauter offerte par Don Jaime à la fille de la servante – son plaisir vaguement coupable consistant à la regarder depuis sa fenêtre –, cet objet qui lui servira à se pendre est brusquement enlevé à la fillette par le vieux serviteur de Don Jaime, alors qu’elle continue à s’en servir sous le même arbre ; son terrain de jeu où s’est produit le suicide par pendaison. « Gare à tes oreilles si tu ne respectes pas les morts (…) s’il arrive malheur ce sera de ta faute. »

Il suffit d’inverser la flèche du temps pour voir comment la fillette est implicitement accusée de provoquer la mort de Don Jaime. Il est possible que le vieux serviteur ait eu conscience de la situation ambigüe qui précédait le suicide, mais il préfère accuser une innocente. Cette métaphysique relève d’une « loi de cause à effet » qui dirige la pensée superstitieuse, et débouche sur un mécanisme de bouc-émissaire [1].

Il n’est pas anodin que la fillette ait été témoin des comportements secrets des adultes, en les espionnant à travers les fenêtres de leurs chambres. De son coté, Don Jaime aimait à regarder jouer la fillette à travers la fenêtre de la sienne. Dans un sens littéral, son voyeurisme peut être qualifié de pédophile, mais le« passage à l’acte » se réalise à travers son suicide : tout désir est fondamentalement désir d’être (Girard), aspiration à occuper la place de l’autre désiré. Poursuivant le rituel du travestissement à la fin, Don Jaime est parvenu au plus près possible de cette position impossible à tenir. Il se pend sous cet arbre, entouré de la corde même qui encadrait le corps désiré de la fillette au cours de son jeu solitaire.

En 1961, il aurait été irrecevable de figurer un prêtre catholique ou un membre de l’Opus Dei, à la place de ce rentier célibataire chaste, mais torturé par sa sexualité interdite. Il est possible que ce soit à ce type de prélat que Buñuel fasse implicitement référence, et nous savons désormais que cette option serait réaliste. Mais la figure du rentier oisif était, et reste admise pour incarner le vice : Buñuel connaît suffisamment la censure pour savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Les perversions fétichistes de Don Jaime n’en font pas un violeur pour autant, car toute sa sexualité s’exprime dans le fantasme. Son désir relève d’une aspiration vers l’innocence et la virginité incarnées par Viridiana et la fillette, qui entre naturellement en opposition avec la sexualité.

Le vieux serviteur superstitieux décide ensuite de quitter le domaine. Il comprend qu’il n’a plus sa place dans la modernité qui s’installe sur deux fronts apparemment opposés, suite à la mort de son maître. Viridiana, défroquée, se voue à l’action sociale d’un côté, Jorge dirige des travaux de modernisation et de mise en culture de l’autre : le contraste entre ces modes d’irruption de la modernité est exprimé au montage, par l’alternance syncopée des scènes où l’angélus est récité dans les champs, par Viridiana entourée de ses protégés agenouillés, et des scènes du chantier de rénovation mené par Jorge, à grand renfort de mortier projeté et de poutres sciées.

C’en est trop pour lui. Pressent-il le drame ? Sous le comportement des miséreux logés dans la riche propriété, dociles et reconnaissants en apparence envers leur « sainte protectrice », couve un profond ressentiment. Le groupe commence par s’unir contre un bouc émissaire, accusé d’être un lépreux, et que Viridiana entoure de sa bienveillance. De son côté, Jorge fait également preuve de bienveillance : le parallèle entre la scène du chien tenu en laisse sous une charrette, et racheté à son maître par Jorge afin de le délivrer, et la délivrance par Viridiana du « lépreux » à qui on a attaché une « crécelle », montre une forme de connivence entre ces deux porteurs d’avenir.Car le personnage de Viridiana établit formellement le passage entre le monde ancien – Don Jaime et le couvent – et la modernité – Jorge et le domaine reconverti –, mais la novice ne le sait pas.

Viridiana incarne, à son corps défendant, un chemin semé d’embûches vers la modernité. Le corps de la novice occupe bien le centre de l’intrigue, et ce jusque dans la dernière scène, où l’on voit Jorge lui tenir la main pour couper le jeu de cartes. Ce corps sera sans cesse désiré, manipulé, contraint, dirigé par les autres. Alors que les deux héritiers se sont absentés, le groupe des miséreuxse déchaîne en improvisant un banquet somptueux dans la salle à manger bourgeoise, qui vire rapidement à l’orgie. Leur alter-ego bouc-émissaire est réintégré, quoique maintenu à courte distance : il se révèlera le plus violent d’entre eux. À leur retour, Jorge et Viridiana sont agressés par ceux-là mêmes qui paraissaient les plus reconnaissants, les plus respectueux envers leur protectrice admirée. La jeune femme subit une tentative de viol. Le bouc-émissaire a changé de place, ce n’est plus le mendiant accusé de la lèpre, le dernier des derniers, mais celle qui se trouve au sommet, la « sainte protectrice » admirée de tous : inversion des pôles bien connue des lecteurs de Girard.

Jorge parvient à les sauver de la situation. La dernière scène du film devait montrer Viridiana, désormais seule et déprimée, frapper à la porte de la chambre de Jorge, entrer, puis refermer la porte : mais elle a été refusée par la censure et Buñuel a dû la modifier. Ce qui lui a permis d’aller plus loin encore, en suggérant la naissance d’un couple à trois : Viridiana est invitée à se joindre au couple présent dans la chambre pour jouer aux cartes avec eux, car Ramona, la servante, est devenue entretemps la nouvelle maîtresse de Jorge. Sur le gramophone, un disque de rock n‘roll a remplacé le Messie de Haendel. Jorge installe Viridiana à la table de jeu et lui déclare : « La première fois que je vous ai vue, j’ai pensé, ma cousine Viridiana finira par jouer aux cartes avec moi ». C’est la dernière phrase prononcée dans le film, dont la banalité le dispute à son contenu prémonitoire.

À travers le parcours douloureux de Viridiana, Buñuel confronte les époques et les générations qui ont vu s’effondrer un monde. Le modèle doloriste, représenté par la couronne d’épines et les clous, disparaît littéralement, par le feu, au profit de la modernisation du domaine et des jeux de l’amour libre : on devine que la novice tentera d’oublier ainsi sa profonde déception.

Il est regrettable que le Vatican, en prononçant un anathème sur ce film, n’ait pas compris non seulement la pertinence de cette vision sociétale, à l’orée des années 60, mais aussi l’apologie du christianisme sous-jacente. Le personnage de Don Jaime est caractéristique de ce point de basculement, et de cette contradiction dominant une société conservatrice si souvent brocardée par Buñuel, où une sexualité refoulée, fantasmatique, alterne avec une culpabilité mortifère, induite par une forme pervertie du catholicisme. De même, le monachisme transformé en organisation de bienfaisance – ce que l’action sociale de Viridiana caractérise –Buñuel en perçoit toute la capacité de désillusion, de dilution de la sublimité mystique dans l’acide de la réalité.

L’insistance de Buñuel pour réaliser ce film en Espagne, malgré les protestations des républicains exilés comme lui, témoigne également de sa position surplombante par rapport aux positions des belligérants pendant la guerre civile. Il est remarquable en effet que les deux partis opposés aient partagé le même aveuglement, Buñuel étant accusé d’un coté de se ranger du côté franquiste en voulant tourner son film à Madrid, et de l’autre, de blasphémer : le film a été interdit sur le territoire espagnol jusqu’en 1977, et ce malgré l’avis de Franco qui n’y voyait rien de condamnable. Apparemment, le point de vue du Vatican s’est imposé.

La désintégration de la Chrétienté conquérante, dont l’Espagne porta longtemps l’étendard, est désormais achevée. Sur ces décombres,Viridiana, livrée à toutes les désillusions, se laisse entraîner par d’autres désirs. Un même processus de déréliction sera décrit dans Le journal d’une femme de chambre (1964), mais la dimension sociétale du drame intime aura pour cadre la montée du fascisme en France, l’avant-guerre, quand Viridiana se voit happée par une modernité sûre d’elle-même, tournant le dos au passé. « J’ai eu la chance de passer mon enfance au Moyen Age, cette époque « douloureuse et exquise » » comme l’écrivait Huysmans. Douloureuse dans sa vie matérielle. Exquise dans sa vie spirituelle. Juste le contraire d’aujourd’hui » [2].

Dresser le portrait d’un Buñuel conservateur et catholique serait un contresens : il s’engagea activement auprès des républicains en exil. Mais « athée grâce à Dieu » [3], il participe néanmoins jusqu’à la fin de sa vie à la procession pascale dite des « tambours de Calanda », son village natal, qui « commémorent les ténèbres qui s’étendirent sur la terre à l’instant de la mort du Christ, ainsi que les tremblements du sol, les roches précipitées, le voile du temple fendu du haut en bas [4]. » Buñuel habitait avec simplicité ce qui apparaît contradictoire aux yeux de beaucoup, parmi lesquels les défenseurs d’une certaine laïcité à la française, pour lesquels l’Espagne restera toujours un mystère.

Profondément imprégnée par le catholicisme, son message passe toujours par le corps. Buñuel se travestissait parfois publiquement en femme, en curé, en nonne, et il dormit à même le sol pendant le tournage de Viridiana. Le cinéaste invite le spectateur à endosser toutes ces positions paradoxales afin de mieux les comprendre, ce qui lui permet de suivre le parcours de son héroïne avec tant de respect et de pudeur. Buñuel constate le vide laissé par la guerre civile espagnole et ses suites, les conséquences des idéologies de « la table rase » et la médiocrité d’un monde désormais livré à la cupidité et au confort matériel. Sans doute la traversée de l’épouvantable guerre civile qui a déchiré son pays lui interdit-t-elle la facilité, la bêtise et la violence des polémiques et des anathèmes, qu’ils émanent de la droite ou de la gauche. Buñuel est un doux qui garde les yeux ouverts sur les violences du monde, et n’en justifie aucune.


[1] Voir mon article intitulé : Pourquoi le mal frappe les gens bien ? Car pour le fidèle serviteur, le maître fait forcément partie des « gens biens ».

[2] Luis Buñuel (1982) Mon dernier soupir, Robert Laffont, p. 26

[3] Ibid. p. 215

[4] Ibid. p. 27

Auteur : blogemissaire

Le Blog émissaire est le blog de l'Association Recherches Mimétiques www.rene-girard.fr

3 réflexions sur « Viridiana »

  1. Merci, Benoit, d’illustrer ce qu’un de vos homonymes démontre, la monture du bijou n’en est pas la gemme et l’Église en est à ce point de liberté où ce sont les poètes qui en incarnent la proposition de renversement complet des Institutions.
    C’est par le bois de la Croix que Dieu a régné, appartient désormais aux membres de l’Église universelle, cette mère indigne mais pas de nous de Illich et Bunuel, de toujours apprendre à lire l’Ancien Testament avec le Rabbi et à comprendre d’une manière nouvelle :

    « Pour résumer, nous pouvons dire que toute l’histoire de Jésus, telle que le Nouveau Testament la raconte, du récit des tentations aux pèlerins d’Emmaüs, montre que le temps de Jésus, le « temps des païens », n’est pas le temps d’une transformation cosmique, dans laquelle les décisions définitives entre Dieu et l’homme sont déjà prises, mais le temps de la liberté. Dans ce temps, Dieu rencontre les hommes à travers l’amour crucifié de Jésus-Christ, afin de les rassembler dans une libre acceptation du royaume de Dieu. C’est le temps de la liberté, et cela veut aussi dire, le temps dans lequel le mal continue à avoir du pouvoir. Le pouvoir de Dieu est, pendant tout ce temps, un pouvoir de la patience et de l’amour, face auquel le pouvoir du mal reste efficace. C’est un temps de la patience de Dieu qui nous paraît souvent démesurée – le temps des victoires, mais aussi des échecs de l’amour et de la vérité. L’ancienne Église a récapitulé l’essence de ce temps dans la phrase : « Regnavit a ligno Deus » (Dieu a régné par le bois de la Croix ).
    En chemin avec Jésus à l’instar des disciples d’Emmaüs, l’Église apprend toujours à lire l’Ancien Testament avec lui et à comprendre d’une manière nouvelle. Elle apprend à reconnaître que c’est très précisément cela qui est dit par avance à propos du « Messie », et, dans le dialogue avec les juifs, elle doit essayer de montrer que tout cela est « conforme à l’Écriture ». C’est pourquoi la théologie spirituelle a toujours souligné que le temps de l’Église ne signifie pas l’arrivée au paradis, mais correspond à l’exode de quarante ans d’Israël dans le monde entier. C’est le chemin de ceux qui sont libérés. De même qu’il est toujours à nouveau rappelé à Israël que son chemin dans le désert est la conséquence de la libération de l’esclavage d’Égypte ; de même qu’Israël a toujours à nouveau voulu sur son chemin retourner en Égypte, car il n’était pas capable de reconnaître le bien de la liberté comme un bien, de même pour la chrétienté sur son chemin de l’exode : reconnaître le mystère de la libération et de la liberté comme don de la rédemption est toujours à nouveau difficile pour les hommes, et ils veulent retourner à l’état antérieur. Mais grâce aux actions miséricordieuses de Dieu, ils peuvent sans cesse réapprendre que la liberté est le grand don qui conduit à la vraie vie. »

    https://www.cairn.info/revue-communio-2018-5-page-123.htm

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  2. Merci Benoît de nous remettre en mémoire ce film qui pulvérise tous les trop bons et naïfs sentiments, et qui peut nous apparaître d’un pessimisme définitif.
    Mais pourtant, comme vous le mettez en évidence, Viridiana porte dans son nom même – le mot « viridis », nous dit Gaffiot, évoque le vert, la vigueur, la renaissance de la nature, et il existait aussi apparemment un dieu de la verdure nommé Viridianus – cette force inconsciente qui l’habite et qui lui permet de mourir à l’ancien monde et de renaître dans un monde nouveau où elle pourra enfin connaître le plaisir simple de jouer aux cartes, bien à l’abri dans la chambre à coucher avec des partenaires choisis. On peut en effet penser qu’un nouveau cycle va s’enclencher là.

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  3. Merci en retour à Alain et Aliocha. Oui, peut-être que jouer aux cartes peut aider à amorcer un nouveau cycle… les cartes doivent être redistribuées. Je n’y avais pas pensé, et il parait difficile de savoir si Buñuel y avait pensé en ajoutant cette scène finale (il s’est exprimé sur la dimension scandaleuse du couple à trois, subtilement suggérée par la gêne qui saisit les deux femmes, et la réticence de Viridiana à couper le jeu de cartes).
    « Lorsque la signification des cloches s’effrite et que leur carillon n’est plus qu’un son neutre, son timbre engendre d’abord la mélancolie, puis la perplexité. Qu’une perte soit subie ou saluée – en fin de compte, il reste tout simplement une case vide. (…) Devant de telles images, l’art perd son pouvoir d’interprétation. Il lui faudrait porter plus loin que le génie d’un Jérôme Bosch. Le surréalisme peut constater, mais non donner le sens. Il agit ex negativo, en faisant toucher du doigt le déficit et la déréliction, mieux que la photographie ne pourrait le faire. La lumière devient trop vive dans un lointain privé d’atmosphère, qu’aucun son ne parcourt plus. Les maisons de De Chirico sont vides, ce sont des caveaux béants, d’où le mort a disparu. Où peut-il bien se trouver ? Ce ne sont plus là demeures. » (Ernst Jünger, Sens et signification, § 39 et 42)
    Je lis ces lignes après avoir rédigé cet article, et elles m’ont puissamment évoqué ce film de Buñuel.

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