Hold up déjoué

par Hervé van Baren

Le film Hold-up, récemment diffusé en ligne, défend les positions des opposants aux mesures contre le COVID 19, confinement, port du masque, fermeture des magasins, etc. Nous ne traiterons pas ici du film proprement dit mais du témoignage de Christophe Cossé, paru dans France-Soir (1), dans lequel il explique ce qui l’a motivé à produire le film. Tentons d’en analyser le langage et la rhétorique pour déterminer s’il défend bien, comme le prétend son auteur, la vérité et la liberté.

Le manifeste de Cossé commence par une citation de Kierkegaard : « Il s’agit de comprendre ma destination, de voir ce que Dieu veut proprement que je fasse. Il s’agit de trouver une vérité qui soit vérité pour moi, de trouver l’idée pour laquelle je veux vivre et mourir». L’auteur avoue donc d’emblée être plus dans une quête existentielle, une saga héroïque, que dans la recherche d’une vérité objective, démarche dont il va pourtant se réclamer tout au long du texte.

Cossé cite aussi le roman dystopique de George Orwell, 1984, par l’intermédiaire de Michel Onfray :

« Michel Onfray le rappelait dans son ouvrage « Théorie de la dictature », en rapprochant notre monde actuel de celui de 1984 : « On peut citer aussi l’inversion systématique du sens des mots, par exemple, la guerre c’est la paix, la haine c’est l’amour… qui reformate complètement les cerveaux » ».

La citation exacte d’Orwell : « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force », résume parfaitement le langage du film, caractérisé par une grande confusion entre les vices prêtés aux accusés et les méthodes utilisées par l’accusation. La violence de la charge cherche à passer pour vertueuse, la liberté revendiquée enferme dans des prisons mentales, paranoïaques et imperméables à toute critique, et surtout, le rejet de toute analyse sérieuse et objective au profit de prises de position les plus polémiques signalent la capitulation de la raison. Le reportage est violemment à charge.

Ce genre de discours a toujours existé. En temps de prospérité et de croissance, il reste marginal. Pourquoi connaît-il un tel succès en temps de crise ? Il faut reconnaître que Cossé est très lucide à cet égard. Sa description de la crise est, à mon avis, plutôt juste. Mais comment faire le lien entre cette crise (dont le COVID n’est qu’un des aspects) et la réciprocité violente qui, un peu partout, s’empare du dialogue entre les structures traditionnelles de pouvoir et les citoyens ? Lorsque Cossé écrit : « Nous sommes en fin de cycle, tout va très vite et se radicalise », il est lucide ; mais quel indétectable virus lui interdit de voir que par sa propre radicalisation, il participe activement au phénomène ?

Apprécions la pertinence d’Hannah Arendt lorsqu’elle écrit (également cité par Cossé) : « Par des techniques de manipulation bien connues de la PNL (programmation neurolinguistique) comme la double contrainte, l’injonction paradoxale, l’ingénierie sociale, le saupoudrage, le discours ambiant associe manipulation, désinformation, et hypnose conversationnelle. Le piège fonctionne». De fait, mais dans le cas qui nous occupe, qui le tend, ce piège, et qui tombe dans ses filets ?

Dans Le Bouc émissaire, Girard affine son analyse des crises mimétiques en répertoriant les formes que prennent les récits de persécution. Le second chapitre du livre nous frappe par sa dimension prophétique. On dirait une analyse de la crise que nous traversons. Girard nous rappelle que la crise enclenche invariablement le mécanisme victimaire. Pouvons-nous reconnaître l’accusation stéréotypée des textes de persécution dans le manifeste de Cossé ?

« La recherche des coupables », nous dit Girard, « donne fréquemment dans le thème du poison ». D’après Cossé : « Le deuxième pas vers l’euthanasie a été franchi ; sa légalisation a été effective par le décret du 28 mars, autorisant les médecins à utiliser le Rivotril pour « accompagner » les patients ».

Girard encore : « La foule tend toujours vers la persécution car les causes naturelles de ce qui la trouble […] ne peuvent pas l’intéresser. […] elle ne peut pas agir sur les causes naturelles. Elle cherche donc une cause accessible et qui assouvisse son appétit de vengeance ». Pour Cossé, le coronavirus est un non-événement qui sert de paravent à de sombres complots : « Sous le prétexte de cette épidémie dont seuls les messagers de l’idéologie sanitaire autoritaire martèlent son danger, il convient de nous surveiller, de nous diriger, de nous contraindre à une société de surveillance et de soumission ».

Girard repère dans les accusations diverses une caractéristique commune : les crimes « s’attaquent aux fondements même de l’ordre culturel ». Pour Cossé, « Les valeurs humanistes sont menacées d’implosion, on ne parle plus d’éthique, de morale ou de respect, mais d’obéissance, de protocole, de menaces et de peurs ». Ou encore : « Il faut bien se figurer que la privation de nos droits, de nos libertés, de nos choix est un hold-up. Nous aurions pu [l’] intituler [le film] « Coup d’Etat » ». Bref, le gouvernement utilise le virus pour nous imposer un état liberticide et totalitaire.

Le plus étonnant dans cette démarche, c’est qu’elle prétend de bonne foi être au service de la liberté et de la vérité, alors que les grands penseurs – ceux-là mêmes cités par Cossé à l’appui de ses thèses ! – nous ont assez appris qu’elle prépare le totalitarisme. Ce sabordage est, on s’en doute, inconscient, preuve s’il en fallait encore que le mécanisme victimaire ne peut fonctionner que dans la méconnaissance profonde de ses rouages.

(1) https://www.francesoir.fr/culture-cinema/hold-film-en-sortie-nationale-11-novembre-pourquoi-jai-produit-ce-film-par-christophe

11 réflexions sur « Hold up déjoué »

  1. Que Cossé « par sa propre radicalisation, participe activement au phénomène » de rivalité mimétique, c’est probable. Mais qui peut prétendre être en dehors du jeu? Ne sommes-nous pas tous pris, d’une manière ou d’une autre, dans le faisceau de l’économique dont le primat ne cesse de se renforcer avec la généralisation du numérique ? La montée de la violence « ordinaire » induite par le passage au capitalisme de surveillance (voir l’exposé magistral de Shoshana Zuboff, professeure émérite à Harvard dans son livre « L’Âge du capitalisme de surveillance ») n’épargne personne…

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  2. Analyse très pertinente.
    Cependant pour faire une bonne rivalité mimétique, il faut être deux. Et effectivement le discours officel tend aussi à faire des « complotistes » des boucs-émissaires. Les campagnes anti-masque sont présentés comme une des causes de la seconde vague, comme les campagnes anti-vaccin seront présentés comme une des causes de la troisième si elle a lieu. De plus, la réponse à ces théories complotistes suppose habituellement une déficience mentale, ce qui aussi d’après René Girard une marque du mécanisme victimaire.
    Cependant, il n’y a pas rééllement de symétrie puisque les moyens de l’Etat sont sans commune mesure avec ceux des réalisateurs de Hold-up. Le discours du premier reste donc modéré quand les seconds montent aux extrêmes.
    On ne peut donc probablement pas renvoyer dos-à-dos les deux rivaux comme le suggère Jean-Louis Salasc dans son précedent article (excellent au demeurant), mais on peut néanmoins craindre un emballement de la rivalité mimétique.
    https://emissaire.blog/2020/12/16/des-complots-partout/

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  3. Bonsoir.
    Vous dites..Hold-up déjoué ?..
    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous..n’en déplaise.
    Si, par le fait, il semble, et je dis bien..il semble..ou..semblerait que « Hod-up » eut été ou a été déjoué, c’est que l’Etat a tout fait pour, pour une partie, et toutes les médias comme chaînes télévisées pro..politiques et acquises à la cause de Macron et LREM y a joué un jeu non négligeable dans ce sens..
    COVID 19 : Hold-up..Le documentaire qui dérange !..
    http://janus157.canalblog.com/archives/2020/11/11/38645172.html
    COVID 19 : Hold-up..Le documentaire qui dérange !..
    COVID 19:Dictature sanitaire !..
    http://janus157.canalblog.com/archives/2020/12/05/38689690.html
    COVID 19 : Dictature sanitaire !..
    Après avoir appelé à « l’insurrection civique » à l’antenne, Ivan Rioufol quitte subitement le plateau de CNews
    L’éditorialiste de « L’heure des pros » s’est écharpé hier soir avec Pascal Praud.
    Des propos dangereux. Hier soir, dans « L’heure des pros 2 » sur CNews, Pascal Praud est revenu avec son équipe de débatteurs sur les éventuelles mesures qui seront prises par le gouvernement et annoncées ce soir par Emmanuel Macron lors de son allocution. En plein débat, Ivan Rioufol, qui a son rond de serviette dans l’ensemble des tranches de CNews, a appelé à « l’insurrection civique » face aux restrictions imposées par l’Etat. Une déclaration qui a été lourdement recadrée par Pascal Praud.
    « Vous m’emmerdez ! »
    « Méfiez-vous de cette insurrection civique qui monte ! », a lancé Ivan Rioufol. Et d’être coupé par le présentateur : « Mais ça fait quinze fois que vous le dites ! On dirait que vous la souhaitez ! ». « Oui. Oui. Mais presque ! Ce serait une preuve de vitalité démocratique que de montrer que le peuple ne peut pas systématiquement se laisser dicter des décisions autocratiques », a poursuivi la plume du « Figaro », face à la colère de Pascal Praud qui lui martelait qu’il ne pouvait pas tenir ses propos à l’antenne : « L’instant est grave… ».
    Ivan Rioufol s’est alors emporté : « Arrêtez ! Laissez-moi terminer ! Vous m’emmerdez ! ». « Mais vous voulez l’insurrection civique maintenant ! Vous êtes fou ! Vous ne dites pas ça sur un plateau de télévision », a lâché l’animateur de « L’heure des pros ». « Mais j’aimerais pouvoir finir des phrases ! Taisez-vous ! Je dis ce que je veux ! », s’est emballé le débatteur. « Et bien non ! Je ne le tolère pas. Je ne peux pas tolérer ça ! », a souligné Pascal Praud, provoquant le départ du plateau de son interlocuteur.
    « Ivan Rioufol s’en va… S’il s’en va parce qu’il ne peut pas dire sur un plateau qu’il veut l’insurrection civique… », a enchaîné le présentateur, désemparé. Et d’ajouter : « Revenez ! Mais on ne peut pas laisser dire ça sur un plateau. Dire ce type de choses… On peut avoir un esprit critique ! Mais il ne faut pas aller jusqu’à des mots comme ceux-là ». Par la suite, l’éditorialiste n’est pas revenu dans l’émission pour s’expliquer. puremedias.com vous propose de visionner la séquence.
    Après avoir appelé à « l’insurrection civique » à l’antenne, Ivan Rioufol quitte subitement le plateau de CNews..
    Bonne soirée à vous, respectueusement..Denis.

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  4. Pas question de prétendre être « hors du jeu », même si l’on est tenté sur ce blogue girardien plus qu’ailleurs de constater la symétrie des accusations de « complot » de part et d’autre, le choix des mêmes textes de référence pour justifier qu’on est dans le camp de la vérité contre celui du mensonge : Tocqueville, Orwell, Arendt, Foucauld, et pourquoi pas Kierkegaard, pour une note d’héroïsme personnel teinté de mysticisme ? Pendant qu’on est dans les citations, cette formule de Nietzsche, répétée à l’envi, est tout de même terrible : « il n’y a pas de faits, seulement des interprétations ». De quoi renvoyer dos à dos le camp des pro-confinement et le camp adverse !
    L’interprétation de la crise sanitaire par M. Cossé (il la remet à sa juste place dans une crise plus générale du capitalisme qui l’englobe et plus exactement l’utilise) a beau être minoritaire, elle a droit de cité. Là où elle dérange, non comme une « vérité qui dérange », mais comme la négation de faits dérangeants, c’est quand elle fait du covid 19 « un virus pas plus offensif qu’un autre covid saisonnier ». Le docteur Raoult avait en effet prédit sa rapide disparition à l’été. Mais de fait, il s’est trompé. Et de ce fait, la thèse selon laquelle nous serions victimes non pas d’un virus (pas plus contagieux qu’un autre) mais « d’une incroyable et phénoménale entreprise de manipulation globale au service d’une sombre idéologie… » me semble raisonnablement suspecte. Juste pour cette simple raison, en effet, qu’elle ne respecte pas les faits. Elle est une interprétation d’interprétations.
    René Girard s’intéressait beaucoup aux interprétations mais avec la croyance tenace qu’ avec une méthode appropriée à son objet, elles pouvaient nous conduire jusqu’au réel. C’est ainsi qu’il s’est intéressé aux mythes, non pour le plaisir de la « démystification », très à la mode à l’époque, mais comme il s’était intéressé aux romans, pour le bonheur d’en tirer des connaissances nouvelles. : sur la réalité humaine et même en deçà et au-delà de celle-ci.
    Merci à l’auteur de ce billet d’avoir rappelé les analyses girardiennes du « bouc émissaire ». Cela ne fera pas changer d’avis ceux qui s’accusent mutuellement de « complotisme » : on peut utiliser ces analyses contre ses adversaires, puisqu’on ne voit jamais que les « boucs émissaires » des autres. Et puisqu’il n’est pas possible de « débattre » avec des accusateurs, cela fait du bien de prendre un peu de champ et, sans prétendre être « hors jeu », de « débattre » avec soi-même, de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises raisons qu’on a de choisir une interprétation plutôt qu’une autre.

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  5. Le discours du réalisateur de Hold-up ressort plus du »mensonge romantique » conscient ou non.
    Il est intéressant de comparer le succès public de ce documentaire à un autre documentaire Mal traités. Celui-ci a été qualifié abusivement de complotiste, mais l’ostracisme a cette fois fonctionné car l’autre camp n’a pu se mobiliser, en l’absence de thèse unique et extrême.
    C’est l’indice d’une radicalisation des rivalités mimétiques et une évolution du mécanisme du bouc émissaire.
    J’aurai pu écrire ce commentaire sur l’article précédent mais l’actualité politique des États-Unis me semble plus favorable pour sa compréhension.

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  6. Les faits, rien que les faits: je suis aussi de cette école. Mais il se trouve que les gens d’en face s’en réclament également. Ainsi les pro-Trump, sur la base de faits qui leur paraissent indubitables, accusent-ils les Démocrates d’avoir perpétré un coup d’Etat, leur renvoyant la monnaie de leur pièce. On n’est pas près d’en sortir.
    René Girard, évoquant les salons proustiens dans MRVR, écrit ceci à propos de leur clôture sur eux-mêmes : « Les faits ne pénètrent pas, nous dit Proust, dans le monde où règnent nos croyances. Ce ne sont pas eux qui les ont engendrées, ce ne sont pas eux qui peuvent les détruire. Les yeux et les oreilles se ferment lorsque la santé et l’intégrité de l’univers personnel sont en jeu ». Ce qui valait pour les salons vaut tout autant, me semble-t-il, pour leurs héritiers d’aujourd’hui, les réseaux sociaux.
    D’autre part, la profession de foi de Christophe Cossé, quant à elle, m’a paru de toute évidence relever de la logorrhée habituelle, sur le plan rhétorique et formel, du milieu de la fachosphère. Mais cette remarque, évidemment, qu’elle soit exacte ou pas, n’aurait d’autre résultat que d’encore radicaliser le débat, ce que déplore doctement Christophe Cossé, « producteur avec une formation en anthropologie sociale et psychologie clinique ».
    En revanche, le climat général de son texte, qui est celui d’une haine brûlante prenant comme d’habitude les habits classiques de l’indignation vertueuse, résonne davantage avec les remarques de Girard. En effet, celui-ci poursuit un peu plus loin à propos du salon Verdurin : « Les rites d’union y sont des rites de séparation camouflés. On n’observe plus ces rites pour communier avec ceux qui les observent pareillement [comme à Combray], mais pour se distinguer de ceux qui ne les observent pas. La haine du médiateur omnipotent l’emporte sur l’amour des fidèles. La place disproportionnée qu’occupent les manifestations de cette haine dans l’existence du salon [ aujourd’hui de ce salon numérique qu’est devenu l’internet] constitue le seul mais irrécusable indice de la vérité métaphysique [i.e. mimétique] : les étrangers haïs sont les véritables dieux ». La haine inexpiable que voue Mme Verdurin au clan Guermantes cache en réalité son adoration, et sa féroce envie toujours déçue de s’emparer de leur merveilleux pouvoir.
    Alors, est-il bien nécessaire de se demander qui donc peut être ce médiateur omnipotent à la fois haï et adoré par Christophe Cossé? Chaque lecteur du blog aura une idée, c’est sûr.

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    1. Vous dites que les faits sont incontournables. Puis vous dites que les partisans du mensonge de Trump, (le dernier et sans doute le plus mémorable de ses mensonges, concernant le vol de son élection), font eux aussi appel aux faits. Lesquels, puisque les preuves n’existent pas ? Il me semble qu’on ne peut pas à la fois respecter les faits et ceux qui sont chargés de les établir en cas de dispute, ici des juges, et hausser les épaules en constatant que les partisans de Trump invoquent pour eux aussi des faits « irrécusables ». Lesquels ? Les faits ne pénètrent pas dans le monde où règnent nos croyances, voilà !! Pas besoin de mettre de guillemets parce que ceci n’est pas une audace girardienne, c’est une évidence cartésienne ! Et je n’ai aucun scrupule à dire que je fais confiance davantage à des juges qu’à des partisans pour établir la réalité des faits. Pas vous ?

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      1. Ah, moi ? Est-ce vraiment important ?
        Mais bien sûr que je suis de votre côté, n’en doutez pas.
        Et s’il s’agit de se compter- et je crois que vient toujours un moment où il faut se compter- je serai toujours du côté de ceux qui croient en la raison, et en une raison démocratique qui rejette toute montée aux extrêmes.
        Mais pour autant peut-on en rester là ?
        Oui.
        Et non.
        Me semble-t-il.
        Oui, parce qu’il est encore fécond, le ventre de la bête immonde, et que compter sur une conversion généralisée de type girardien ne paraît pas à l’ordre du jour, ni du siècle.
        Non, pour une raison liée à ma lecture des livres de René Girard et de quelques autres, peut-être fautive il est vrai.
        En effet, dans cette optique, se compter revient à se poser face à l’autre dans un rapport d’exclusion, et donc à relancer la chaîne des rivalités violentes. Et peut-être que parfois il n’y a pas d’autre solution. Mais également, placer l’autre dans la position du coupable – qu’il s’agisse des pro-Trump, pro-Raoult, pro-Hold-up, pro- tant d’autres- revient aussi à se placer soi-même dans la position de l’innocent. Et c’est là que je me méfie de moi-même et de mes propres aveuglements, car innocents nous ne le sommes certainement pas.
        Ainsi, par exemple, la décision des juges US constitue-t-elle de toute évidence un fait parfaitement objectif.
        Mais comment ne pas voir que le refus violent, sectaire, quasi fanatique de ce fait objectif par des dizaines de millions d’individus toutes classes sociales confondues, y compris les élites politiques les plus éduquées, en constitue un autre, tout aussi objectif ? Et peut-on le balayer du même geste négateur que le leur, pour le refuser ? Cela reviendrait, pour un responsable politique, à se placer dans une logique de guerre civile.
        C’est pour cette raison que j’ai le sentiment que nous entrons en territoire inconnu : les réseaux sociaux permettent aujourd’hui une sorte de retour du refoulé, un retour de cet irrationnel jamais parti et qui a toujours constitué le socle du comportement humain, jusqu’ici plus ou moins contrôlé et utilisé par les élites religieuses et politiques, et qui maintenant échappe à tout contrôle.
        Qu’il faille se compter, j’en suis convaincu. Reste à trouver pour quoi faire. Et je trouve ce blogue singulièrement précieux pour y réfléchir.

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  7. Un remords me vient : je crois que je n’ai pas été suffisamment clair en rendant compte de l’analyse de René Girard. Cette haine-adoration du mediateur omnipotent et de sa puissance enviée et fantasmée n’est pas seulement secrète pour les autres, elle l’est surtout pour la, ou le principal(e) intéressé(e), aveugle à ses propres motivations.

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  8. Alain, vous citez Proust, à juste raison. De cette citation (et des autres dans votre article, ainsi que de la lecture de GIRARD) , vous pouvez déduire que les faits n’ont plus vraiment d’importance, lorsque les rivalités mimétiques sont au paroxysme (c.-à-d., quand l’objet du désir est oublié au profit de la rivalité). Vous pouvez déduire aussi, que participer à un débat entre deux rivaux (ou clans ….) ne sert qu’à rentrer dans la rivalité et participer à une montée aux extrêmes.
    C’est la raison pour laquelle, j’ai trouvé l’article de JL SALASC remarquable.
    Si j’ai cité les évènements du CAPITOLE aux USA, c’est qu’ils sont un signe plus visible de ce que je cherche à exprimer.
    Les faits sont connus. Mais l’important est le symbolisme…(j’y reviendrai). Plutôt que les faits, recherchons la raison de cet « envahissement » ( violent, immense…?peu importe car poser ces questions, c’est rentrer en rivalité d’interprétation). Autrement dit, cherchons l’objet du désir. C’est le Peuple, car dans une démocratie représentative, on l’oublie trop souvent, la concurrence entre postulants à l’élection- individus, partis- a bien pour objet la captation des voix de ce peuple.. TRUMP a été pendant 4 ans la cible (le bouc émissaire, pour certains?) du rival démocrate. Il a aussi cherché à détruire tout ce que ses prédécesseurs avaient mis en place (les visibles-accord sur le climat….. et les invisibles- nominations….). De façon symétrique, le résultat a été un record de participation et un record de votes pour l’un et l’autre des candidats. Ce record doit être capitalisé (garder -fidéliser- ce matelas). Et pour ce faire, quoi de mieux que de garder chacun son bouc émissaire (TRUMP le diable pour les démocrates, TRUMP la victime pour les Républicains). Les deux camps ont donc accepté cet envahissement (ceux qui croient que cet envahissement est dû à une faiblesse de la police devraient venir dans les manifestations, d’autant plus que celle-ci était annoncée officieusement certes, donc prévisible).

    Mais l’important est le symbolisme. Cette rivalité a oublié la transcendance (fondement, idole…) des ETATS-UNIS, magnifiquement illustré par un film, analysé en son temps sur ce blog: « L’Homme qui tua Liberty Valance ». C’est-à-dire le Droit. Peut-on « reboulonner » une idole déboulonnée? A observer, car les dangers nous guettent.

    Je me suis éloigné du sujet. Je ne le pense pas. Le débat sur HOLD-UP est une anticipation de 2022 et +…..

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  9. Le débat entre Alain et Christine ORSINI est passionnant. Le dernier commentaire montre l’impasse intellectuelle consistant à vouloir choisir un camp dans l’époque actuelle d’exacerbation des rivalités mimétiques et donc d’un affaiblissement de la Raison.
    Une recherche mimétique doit trouver l’objet caché de la rivalité ou des rivalités pour progresser. Et le temps nous est compté : La fin de la montée aux extrêmes est la chute des Dieux (faux ou idoles)… Et l’affaire d’ Hold-Up et du Capitole montre qu’en France et aux États-Unis nous en sommes proches.

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