Mais qui sont ces gens ?

Sérieusement. Quel était le sens de cette étrange rencontre avec Zelensky dans  le Bureau ovale ? Est-ce ainsi que se déroulent les rencontres diplomatiques ? Reprocher au méchant petit garçon de ne pas être assez reconnaissant. De n’avoir pas encore dit merci ! Mais de quoi parlons-nous ? d’affaires d’État ? L’enjeu n’est-il pas, pour les États-Unis, un accord commercial d’une valeur de plusieurs milliards de dollars ? Pour l’Ukraine, d’une aide militaire indispensable et de garanties de sécurité face à un adversaire puissant et acharné ? Non ! Parlons politesse. « Vous manquez vraiment de reconnaissance. Après tout ce que nous avons fait pour vous – d’ailleurs ce n’était pas très bien car ce fut fait par le précédent qui n’a jamais rien compris à rien – mais quand même toute l’aide que nous vous avons donnée, avez-vous dit « merci » ne serait-ce qu’une fois !!? »

Quel était le but de cette humiliation publique ? Pourquoi faire venir Zelensky à la Maison blanche ? Pour signer un accord ? Mais de cet accord Trump n’a nullement besoin. Poutine lui a publiquement promis l’accès aux métaux rares qu’il convoite et une grande partie de ceux-ci sont dans les territoires occupés par la Russie. Alors à quoi rime toute cette mise en scène ? Pourquoi faire avaler aux Ukrainiens un accord dicté sous contrainte et sans justification ? Et cela, après qu’ils l’aient rejeté sous sa forme originelle, pour tenter de le négocier à nouveau. Était-ce pour voir jusqu’où ils étaient prêts à s’abaisser pour recevoir une aide indispensable? Apparemment ils n’étaient pas prêts à s’abaisser suffisamment. « Comment osez-vous venir ici pour discuter publiquement de nos politiques ! » lui a jeté brulement Vance. De quoi s’agissait-il exactement, quel crime lui reprochait-on ? Zelensky voulait parler des garanties de sécurité avant de signer l’accord, alors que la position américaine était : « Signe, on discutera ensuite ».

Pourquoi cette réunion était-elle publique? Il y avait là quelques politiciens choisis et surtout les médias qui rediffusaient la scène. Zelensky était invité à reconnaître publiquement son incapacité à survivre sans le soutien des États-Unis. Il fallait qu’il s’humilie en abandonnant toutes garanties de sécurité, qu’il accepte de faire une confiance aveugle à celui qui ne serait son protecteur qu’à ce prix. Ce qu’il a refusé de faire. Quel était le but de l’humiliation publique de Zelensky qui s’ensuivit ? L’humilier publiquement rien d’autre. C’était déjà le sens du traité qu’on lui imposait, dont le seul but était qu’il s’humilie publiquement, qu’il reconnaisse la grandeur et surtout son entière dépendance envers Trump qui allait l’aider (ou pas) par pure générosité. C’est-à-dire comme un maître tout-puissant.

Pourquoi ? Tout simplement parce que Zelensky est un héros mondial. Un phare. Un exemple de courage et de rectitude morale qu’admirent tous les hommes et les femmes politiques d’Europe, d’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni. C’est-à-dire de tous les pays qui comptent pour Trump et que pour cette raison même, il déteste. Il fallait détruire l’image grandiose de ce petit morveux. Car qui est Trump ? Le président des États-Unis? Un vulgaire homme d’affaires, sans classe et sans culture, dont se moquent tous les politiciens des démocraties occidentales. Ils rient de lui dans son dos. Il ne peut pas discuter d’égal à égal avec eux, car il n’est rien. C’est pourquoi il les a humiliés, de même que l’Ukraine, une première fois, en disant qu’ils n’avaient rien à faire à la table de discussion avec la Russie.

Il fallait maintenant que le médiocre acteur comique qu’ils célèbrent comme un héros reconnaisse qu’il n’est rien ni personne, et qu’il ne peut survivre sans Trump. Et comme il a refusé de le faire, refusé de signer les yeux fermés, alors qu’on le lui avait bien dit, on lui a montré qu’il n’était rien. On a fait voir au monde entier qu’il n’est pas le représentant d’une nation, mais un petit garçon ingrat et mal élevé, dont le pays est déjà en partie occupé par la Russie. Un moins que rien qui n’a réussi à s’accrocher à ce qui reste de son pays que parce que ce vieux fou de Joe l’a bêtement aidé. Et Trump de se féliciter à la fin de la rencontre : « Cela va faire de l’excellente télévision ! »

Trump est le plus parfait héros mimétique. Il ne vit que dans les yeux des autres. Il n’existe que par l’image de lui qu’ils réfléchissent. Bouc émissaire de tous les maux de la planète sur qui nous sommes trop heureux de rejeter la responsabilité de tous nos échecs. C’est avec un savoir-faire sans faille que Trump dès le début s’est offert comme la cible de nos ressentiments. Depuis la crise climatique, en passant par l’inégalité économique croissante, jusqu’aux conflits d’Ukraine et de Gaza, dans tous les cas il s’est placé là où convergent tous les regards. Il s’est donné à la fois comme la solution universelle et le méchant par excellence. Exécré par les uns, divinisé par les autres, Trump, source de tous les biens et de tous les maux, cumule les deux vertus opposées de la victime émissaire.

Il suffirait que nous regardions ailleurs pour qu’il disparaisse comme une baudruche qui se dégonfle, mais cela supposerait que nous soyons prêts à voir le monde tel qu’il est, ou à dire la vérité, ce que nul ne veut vraiment faire. Pour l’instant, il est encore trop utile. La haine qu’il accumule sur lui est par trop libératrice. Son projet grotesque et monstrueux pour Gaza a d’un coup presque fait disparaître du discours public la guerre elle-même, son origine et son développement. Et tous ceux qui hésitaient à critiquer Israël alors qu’ils désapprouvaient la destruction systématique de Gaza ont trouvé enfin un libre objet d’opprobre. Et maintenant, quoi qu’il arrive en Ukraine, ce sera la faute de Trump.

Il nous permet de penser soit qu’un monde sans lui sera à peu près en ordre, soit qu’il le deviendra bientôt par lui. Ce réconfort est tel que ni les uns ni les autres ne changeront d’avis. Celui qui se donne ainsi comme un modèle au centre de l’attention de tous n’est pas lui-même sans médiateur. Son médiateur interne fut Obama, puis ce fut surtout, et c’est toujours jusqu’à un certain point, Joe Biden. L’homme qui a gagné les élections contre lui. Disparu, rejeté par son parti qui en fait le bouc émissaire de son échec, restent les accomplissements de Biden qu’il convient d’effacer. Ce que de nombreux décrets se sont immédiatement chargé de faire. En politique étrangère aussi, il fallait plus que rompre, il faudra proprement faire disparaître tout ce qu’il a fait.

Pendant toute la durée de la guerre, Biden a fourni à Israël une aide militaire sans précédent et s’est par là rendu complice de la destruction systématique de Gaza. Comment peut-on effacer cet effacement, anéantir cet anéantissement? En construisant là où l’autre a détruit et en transformant la guerre qu’il a soutenue en une magnifique occasion de faire des affaires. Pour l’Ukraine, la situation, nous l’avons vu, est plus compliquée, d’autant plus qu’elle concerne au premier chef le médiateur externe de Trump : Poutine.

Trump n’est ni l’agent, ni l’allié de Poutine : le président russe est son modèle, son médiateur. Trump désire ce que ce modèle désire. Être l’homme fort de son pays, celui que tous écoutent et à qui tous obéissent. Le mépris de Poutine pour le droit et l’ordre international n’est pas, selon Trump, un signe de faiblesse, mais un admirable témoignage de sa force. En envahissant l’Ukraine Poutine a simplement privilégié les intérêts de son pays. Russia first ! Il n’y a là rien à critiquer, c’est comme cela qu’il faut faire et c’est très exactement le programme de Trump. America first ! Quand le maître et le disciple entreront-ils en conflit? Il faut encore qu’ils se rapprochent un peu. Poutine reste transcendant. Plus brutal et audacieux. Il demeure un modèle et n’est pas encore tout à fait un rival.

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Auteur : blogemissaire

Le Blog émissaire est le blog de l'Association Recherches Mimétiques www.rene-girard.fr

18 réflexions sur « Mais qui sont ces gens ? »

  1. Cher Paul,

    Tel que tu le décris, Trump me fait penser à cette forme mythologique particulière du bouc émissaire qu’est le trickster, ou le décepteur tel que le nomme Lévi-Strauss.

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    1. Dumouchel: Politique ubuesque du ressentiment, profondément sacrificielle,Boucs émissaires à revendre. Quant au trickster, non, car celui-ci trompe la violence, ne l’exerce jamais, jamais.

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    2. Après un échange avec Paul, je vous communique ce sui m’avait penser au trickster :

      Dans Le bouc émissaire (chapitre VII Les crimes des dieux), René Girard consacre de longs développements à la figure du trickster, aussi appelé dieu fripon ou farceur ou encore par Claude Lévi-Strauss, le décepteur, se référant au sens initial du mot déception, celui qui trompe, qui trahit.
      “Parmi les variantes de la faute minimisée, il faut compter les activités du trickster nord-américain et de tous les dieux « décepteurs » un peu partout. Ces dieux sont des boucs émissaires comme les autres. Leurs bienfaits se ramènent tous à un pacte social ressoudé aux dépens de la victime. Ils sont invariablement précédés de méfaits perçus comme indubitables et justement châtiés. C’est donc comme partout le paradoxe du dieu profitable parce que nuisible, facteur d’ordre parce que fauteur de désordre. Au sein d’une représentation mytho-persécutrice encore intacte, le problème des intentions divines, à la longue, ne peut manquer de se poser. Pourquoi le dieu met-il en fâcheuse posture ceux qu’en dernière analyse il veut aider et protéger, pourquoi se met-il lui-même, de ce fait, en fâcheuse posture ? A côté des dieux qui font le mal parce qu’ils ne savent pas qu’il est le mal et des dieux qui le font parce qu’ils y sont irrésistiblement poussés, on va forcément inventer une troisième solution, le dieu qui fait le mal pour s’amuser, le dieu mauvais plaisant. Il finit toujours par rendre service mais il adore les mauvais tours, et il ne cesse d’en jouer. C’est en les jouant qu’il se fait d’abord connaître. Il pousse la plaisanterie si loin qu’il n’en maîtrise plus les conséquences. Il est l’apprenti sorcier qui met le feu au monde en allumant la moindre flamme et qui, de son urine, inonde toute la terre. Il justifie donc toutes les interventions correctives et c’est toujours en vertu de celles-ci, comme toujours, qu’il se transforme en bienfaiteur.

      Le trickster passe tantôt pour tellement malin, tantôt, au contraire, pour tellement stupide et gauche dans l’accomplissement de sa mission, que des accidents se produisent, involontaires ou voulus, qui compromettent le résultat cherché et du même coup assurent ce résultat en refaisant contre le maladroit l’unanimité nécessaire à la bonne marche de toute communauté. Il faut reconnaître dans le trickster la mise en système d’une des deux grandes théologies qui surgissent du bouc émissaire sacralisé, la théologie du caprice divin. L’autre théologie est celle de la colère divine, elle constitue une autre solution au problème que pose aux prisonniers de la représentation persécutrice l’efficacité réconciliatrice de celui qui fait figure à leurs yeux de coupable réel. S’il ne paraissait pas tel, si les bénéficiaires du mécanisme pouvaient mettre en doute la causalité du bouc émissaire, il n’y aurait ni réconciliation ni divinité.

      Dans cette perspective, le dieu est foncièrement bon comme toujours mais il se transforme temporairement en dieu méchant. C’est pour mieux ramener ses fidèles dans le droit chemin qu’il les accable, pour corriger en eux des insuffisances qui lui interdisent de se montrer bénéfique sans plus attendre. Qui aime bien châtie bien. Moins gaie que la précédente, cette solution est plus profonde en ce qu’elle introduit l’idée rarissime chez les hommes que leur bouc émissaire n’est pas l’incarnation unique de la violence. La communauté partage la responsabilité de ce mal avec le dieu ; elle commence à devenir coupable de ses propres désordres. La théologie de la colère se rapproche de la vérité, mais elle se situe encore à l’intérieur de la représentation persécutrice. On ne peut pas échapper à celle-ci sans analyser le mécanisme du bouc émissaire, sans défaire le nœud qui referme la représentation mythologique sur elle-même.” 

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      1. Merci Jean-Marc! Et merci, comme toujours, j’ai plus à apprendre qu’à instruire en te lisant.J’avais oublié ces remaques de René sur le trickster.  Je pensais à celui-ci, comme à Panurge, farceur et badin de la farce (sacrificielle, s’entend);  comme au fou de roi, image invertie de sa gloire, c’est-à-dire le roi dans son rôle de victime sacrée. Tout ce que René dit du trickster ramène à cette ambiguité ou ambivalence envers la violence. Le fou est là pour se faire battre, ou abattre, à la place du roi. D’où  le sceptre qu’il n’a cesse d’agiter, comme pour troubler toute complaisance morale. Et il faut penser au fou du roi Lear, bien sûr. Soit au neveu de Rameau, qui se fait honnir de partout. Je pense aussi, à ce « Clown, “ras et risible, ”  chez Michaux . Gardeil, d’ailleurs, a bien repéré ce dialogue virtuel avec Girard.

        Andrew McKenna

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  2. « Zelensky est un héros mondial. Un phare. Un exemple de courage et de rectitude morale qu’admirent tous les hommes et les femmes politiques d’Europe, d’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni. »

    Pardonnez-moi, vraiment, c’est insupportable d’entendre ça. Nous parlons bien du comique russophone extravaguant (qui jouait l’hymne ukrainien sur un piano avec son sexe), c’est bien lui n’est-ce pas ? Cette marionnette de l’état profond étasunien placée à la tête d’un état failli, corrompu en diable, qui n’a eu de cesse de bombarder les populations de l’Est jusqu’à les pousser dans les bras de Poutine ?

    Nicolas de Cuges

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    1. Même si ce que vous dites est vrai, M. de Cuges, cela n’enlève rien à ce que Zelensky représente aujourd’hui : un chef d’État démocratiquement élu qui a osé s’élever contre la force brutale, l’envahissement non provoqué de l’Ukraine, un symbole pour son pays et pour celles et ceux qui chérissent le droit, la liberté, la démocratie. Ce que vous dites de lui ressemble à de la propagande haineuse, à laquelle je ne répondrai pas en cherchant à faire passer Zelensky pour un parangon de vertu. Il y a des destins qui transcendent ces médiocres discours. Zelensky restera dans l’histoire comme un résistant ; ses adversaires, comme des tyrans sans envergure.

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  3. Remarquable portrait de D. Trump. Je suis frappé aussi par ce manque d’être, de substance, qui l’oblige à phagocyter les autres pour se donner l’illusion d’être plein. Je n’oublie pas non plus que Trump est une vraie victime, pas mythologique pour un sou, son moi détruit à jamais par celles et ceux qui étaient chargés de l’aimer. On a avec la famille Trump un exemple tragique de la transmission intergénérationnelle de la violence.

    Il y a une contradiction dans l’article, pourtant. Paul Dumouchel décrit si bien la fascination que Trump nous inspire, pour ou contre. Une analyse aussi fine et juste est-elle en mesure de nous en extraire ? Ou au contraire, ne fera-t-elle que la renforcer ? Ne faudrait-il pas cesser, tout simplement, de s’attacher au personnage, ne plus orienter nos regards sur lui, comme le dit d’ailleurs l’auteur ? Le plus étonnant, dans le personnage Trump, n’est pas qui il est, c’est-à-dire rien, mais cette fascination que ce vide inspire à ses électeurs. Il y a 20 ans, Trump n’aurait pas fait un pourcent des voix. Il est le héros d’un pays en crise profonde. En suivant cette logique, il faudrait réorienter nos regards vers les partisans de MAGA. On risque fort, d’ailleurs, de trouver exactement la même chose : des esprits obnubilés par leurs rivaux, réduits à remplir leur être collectif par l’immolation d’un nombre toujours croissant de victimes émissaires.

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  4. Nos amis sont nos pires ennemis, dit la poupée télé-réelle à propos du médiateur européen qu’il partage avec la foule mondialisée, avant de s’enfermer au protectionnisme qui tente de ramener la puissance industrielle exportée par un capitalisme ivre de l’orgueil d’avoir abattu l’URSS, et s’aperçoit qu’il se retrouve comme l’Empire britannique en 1938, sauf que l’atelier des Anglais alors était localisé chez l’allié américain, tandis que celui des américains aujourd’hui se trouve chez l’ennemi chinois, éclairant que l’oncle Sam n’a plus les moyens de sa puissance dominatrice.

    La volonté de développement nécessaire aux équilibres mondiaux se retrouve donc confrontée aux désordres qu’un libéralisme sans régulation des voracités a engendré dans les classes inférieures occidentales délaissées.

    Trump et ses sbires délirants ne sont donc que le symptôme de cette méprise si banale à observer pour ceux qui sont dotés de l’appareil évangélique d’observation.

    La conscience historique européenne a, de par sa trajectoire de dominant déchu, l’expérience encore non assumée de l’impossibilité d’accorder l’échelle mondialisée de systèmes de gouvernance avec ce qui devrait les motiver, l’exercice micro-local de la liberté des individus, sans laquelle aucune organisation sociale ne saurait perdurer sans tomber dans l’un ou l’autre totalitarisme, qu’il est vain désormais d’accuser de communisme ou de nazisme, car ils se rejoignent dans ce qui les a toujours réunis, la volonté de domination.

    Ici apparaît ce qui a manqué à la mondialisation et qui provoque la crise que nous vivons, la non-exportation avec les investissements occidentaux de l’impérieuse nécessité d’une protection sociale indispensable à la paix civile, quand il n’y a que l’ordre fraternel qui puisse équilibrer les rapports de la liberté avec l’égalité, renoncement qui aboutit au fait que les barons de la tech n’ont d’autre choix pour garantir les ivresses de leur puissance que de s’aligner sur la norme sociale chinoise désormais dominante.

    Les quatre piliers de la table européenne rocardienne – économie de marché, au nom de la liberté notamment d’entreprendre, encadrée par la protection sociale, les droits de l’homme et la démocratie – sont les principes simples qui n’ont pas été respectés par la mondialisation, pourtant inscrits aux fondements de nos lois, et qui devraient permettre la mobilisation populaire des opinions en leur rétablissement, quand ce n’est plus la surpuissance du profit qui est la norme, mais son encadrement légal et pragmatique qui permettrait d’en éviter alors la chute inévitable au gré des crises successives.

    Est-ce seulement possible ?

    Cela dépendra du choix individuel de chacun en son investissement local et déterminé à réclamer de l’État la protection de ce constat lucide, reconnaissant qu’il n’y a jamais eu que la foi à même d’accomplir la loi, que là réside l’espoir d’un consensus qui donnerait la parole à ceux qui, à mon avis, sont majoritaires mondialement et seraient alors prêts aux efforts nécessaires à la paix, pour mieux éduquer leurs enfants.

    Sinon et c’est hélas ce que nous observons, les délires réciproques de surpuissance n’aboutissent qu’à la démission démographique qu’on observe, quand la folie libertarienne n’a plus que la démence égalitaire pour mieux ensemble nier la solution pourtant parfaitement formulée de l’ordre fraternel à même d’équilibrer leur relation et qui finira, comme le soulignait ici un commentateur, en jacquerie 2.0 américaine, crise des gilets jaunes français mais armés jusqu’aux dents.

    Chacun de nous a là l’occasion d’accéder aux devoirs que demande l’exercice de la liberté quand la Réforme fit de chacun des prêtres, la révolution anglaise des pairs du roi, et la française des nobles, condition qui réclame de nous tous de savoir maîtriser individuellement les montures de sa passion.

    Si nous refusons cette exigence à l’exemple des bancs de poissons mimétiques américains ou des cloportes russes qui assassinent le frère ukrainien au nom de l’amour du prochain, nous refusons alors, de nous-même et par nous-même, l’incarnation universelle de ce qui garantira l’avenir des humains, le refus des représailles de la pulsion homicide qui encore fonde nos cultures, garantie encore à construire de notre survie commune, attablés au festin des noces, invités à la maîtrise de nos passions par le vrai Roi, débarrassés à tout jamais des idoles et au service des plus faibles, en pleine conscience du choix raisonnable de notre foi.

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  5. Belle analyse girardienne des relations Trump-Poutine.

    D’autres analyses sont possibles. Si j’exclus l’analyse politique qui ne serait pas bienvenue ici, il me reste non pas une analyse mais une hypothèse, celle de la neuropsychiatrie : la désinhibition que Trump manifeste dans ses déclarations bizarres (mais presque tjrs suivies d’effet) pourrait être un signe précoce d’une démence fronto-temporale. La déclaration hier mercredi 2 du secrétaire d’État au Trésor, Scott Bessent, conseillant “à tous les pays de ne pas riposter” aux droits de douane mis en place par Trump sous peine d’“escalade”, évoque un peu un : « attention, il est fou »…

    Pour finir, j’ajoute que le trumpisme m’intéresse bcp plus que Trump lui-même !

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  6. « Tromper, berner, mystifier, duper, leurrer, truquer, tricher… La part maudite des rapports humains a encore beaucoup d’avenir. On pense à Trump, Poutine, Bolsonaro… Mais on est loin du compte.

    Soucieux de décortiquer les mécanismes de l’emprise, Dany-Robert Dufour reprend le personnage emblématique de Fritz Lang, Mabuse, héros de quatre films magnifiques et terrifiants, et lui laisse libre cours. Fritz Lang révélait les trucs et les tours de Mabuse. Dufour fait parler les Mabuse de l’Histoire qui n’ont cessé d’ourdir leurs machinations au fil de l’aventure humaine. Et il apparaît que Mabuse n’est pas un accident de l’Histoire, mais sa règle. Et qu’il ne renvoie pas tant à un personnage, fût-il fictif, qu’à une fonction sociale disséminée, toujours et partout présente. Dufour présume en somme qu’il existe un art d’abuser l’autre et de l’autre, infestant depuis toujours le coeur même du lien social. Autrement dit, c’est le rapport Maître/esclave que Dufour examine à nouveaux frais. »

    Voilà une partie de la quatrième de couverture du livre étonnant, détonnant et malin de Dany-Robert Dufour, Le Dr. Mabuse et ses doubles.

    Il n’est pas girardien, même s’il frôle, sans le dire, bien souvent la TM, avec cette part maudite des rapports humains qu’elle aussi a mise en lumière et qui infeste en son cœur le lien social depuis qu’il y a lien social.

    Il en propose une description décapante, au sens propre du terme, probablement choquante, faisant de Mabuse la figure anthropologique de cette « fonction sociale disséminée » qui régit le rapport Maître/esclave, toujours à l’œuvre dans nos sociétés contemporaines.

    Il me semble qu’elle ne peut qu’enrichir l’autre rapport fondamental, celui du Maître et de son modèle que Paul Dumouchel évoque.

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  7. Je ne sais que faire de cette citation de Jean-Pierre Dupuis dans l’ouvrage « L’enfer des choses » p. 68. Il rapporte l’opinion de Girard sur le personnage Alceste, soit le Misanthrope. Il traduit sa pensée en ces termes:

    « Être intellectuel aujourd’hui, c’est écrire ou parler en termes léchés, que les autres sont des imbéciles ou des salauds »

    Est-ce ce qu’on appelle en Amérique le  » Trump Derangement Syndrome »?

    René Ducharme

    du pays de la pierre obstacle.

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  8. « Ce qui compte n’est pas l’addition des crises, mais leur superposition. Et cette superposition, intervient elle-même dans un contexte d’aggravation des conséquences de la crise climatique globale. Il est donc prévisible, à moins d’un changement d’orientation majeur, que cela conduise d’une façon générale à une crise de la civilisation humaine comparable à celles qui ont été le résultat des deux premières guerres mondiales. Et par conséquent, toutes les sociétés seront mises au défi de savoir où elles veulent aller et quels moyens elles se donnent de le faire. Il faudra s’aligner sans rechigner et sans discuter sur les desiderata des Nord-Américains et payer le tribut qu’ils ont fixé à tous leurs alliés. C’est-à-dire 5 % de leur PIB consacré à des dépenses militaires pour acheter du matériel américain. Ou bien s’inscrire dans une logique alternative c’est-à-dire de non-alignement aux côtés de tous ceux qui refusent de céder, qui refusent d’entrer dans une logique de confrontations violentes et guerrières avec l’une ou l’autre des puissances. C’est à la fois un moment très dangereux et un moment plein d’opportunités. »

    Qui dit cela ?

    https://melenchon.fr/2025/04/05/trump-engage-une-crise-globale-du-capitalisme-lanalyse-de-jean-luc-melenchon/

    On évitera de citer la conclusion de la Méluche qui, à l’exemple universel, voudrait d’un juste constat soumettre à l’insoumission de sa boutique électorale son manque de foi en l’Europe et rejoindre les simplismes délétères du refus de la conciliation, ravalant tout à la fausse alternative de devoir choisir entre le Hamas et Netanyahou, entre Le Pen et lui-même, alors qu’il est possible d’imaginer désormais l’équilibre invincible de la paix :

    « Quel secret pourriez-vous nous transmettre pour sortir du grand fracas du monde contemporain ?

    Au milieu des fracas du monde, les Européens détiennent un trésor unique. Ce trésor, c’est l’Europe. Ils ne doivent jamais oublier que, pour la première fois depuis que l’humanité existe, a eu lieu sur un continent entier une révolution miraculeuse : les pays qui composent l’Europe, pourtant nombreux et variés, ne s’entre-tuent plus. Au contraire, ils forment une communauté désormais pacifiée et ouverte.

    Pour cela, l’Europe est en avance par rapport à toutes les sociétés humaines. Elle est qualifiée pour leur servir d’exemple, d’espoir. Si, face aux puissances réactionnaires qui cherchent à l’asservir ou à l’abattre, elle se montre faible, peureuse, sans volonté, elle sera indigne de sa mission et jugée par l’Histoire. En revanche, si, retrouvant sa confiance, son énergie, sa dignité, elle demeure résolument unie, elle est, en réalité, invincible. Un secret ? Non, une immense évidence ! Ouvrons les yeux. »

    https://www.lepoint.fr/postillon/francois-cheng-il-depend-des-vivants-que-nos-morts-ne-soient-pas-morts-06-04-2025-2586626_3961.php#xtmc=cheng&xtnp=1&xtcr=1

    La démission des réfractaires à toute conciliation trouve en France plus que jamais depuis la dissolution l’éclatant chemin qu’ils éclairent par leur refus sectaire minoritaire, il n’y a qu’un seul ordre libre et égal à même de définir la seule frontière réelle, celle qui sépare l’amour du ressentiment, une seule transcendance envisageable qui permet aux morts d’être vivants en la mémoire des vivants, drapeau du sens de nos vies induit verticalement aux horizontales fraternelles de notre capacité à savoir majoritairement les choisir librement, minorités réconciliées à l’expression simple et véritable du chant de l’âme humaine en résonance avec le Verbe divin.

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  9. Sur ce blogue, et c’est normal, Trump a fait l’objet de nombreux articles, différents et argumentés. J’ai voulu compléter ces différents points de vue, en analysant la politique d’action de Trump, à l’aide des textes de Peter THIEL (et donc forcement inspiré de René Girard), mais aussi de Simone Weil, dont la pensée élaborée sur le terrain d’une guerre, me semblait particulièrement pertinente pour analyser la politique de Trump.

    Je cite ou mentionne tous ces articles: Celui-ci de Paul Dumouchel, business as usual et l’éternel retour de Jean-Louis Salasc, plus identique que les autres de Christine Orsini et les deux de Hervé Van Baren.

    « WordPress » a demandé aux modérateurs de cet article, d’accrocher le lien de mon article à « Mais qui sont ces gens ». Je remercie, Paul Dumouchel de l’avoir autorisé.

    Je serai heureux d’avoir, de la part d’experts de la théorie mimétique, un retour critique. Aussi je mets le lien dans ce commentaire Comprendre la politique d’action de Trump avec la théorie mimétique de René Girard et la pensée de Simone Weil – l’Association d’aides des victimes de souffrance au travail organisationnelle

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  10. https://www.youtube.com/watch?v=dvzwp2Upjiw

    Peterson saura-t-il aller jusqu’à l’Évangile ?

    Il comprendrait alors que le sacrifice de soi, quand on a intégré la genèse du sacré qu’il contient, est encore un désir de devenir dieu, est donc voué à l’échec de tout orgueil.

    https://www.youtube.com/watch?v=erIgelUhqoc

    16Si tu eusses voulu des sacrifices, je t’en aurais offert; Mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes.

    17Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé: O Dieu! tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.

    https://saintebible.com/lsg/psalms/51.htm

    Sont invités au banquet des noces ceux qui ont pardonné à l’ennemi.

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