Émeutes : d’une violence mimétique à l’autre

par Pierre Azou

Si les émeutes qui ont secoué la France en début de mois appellent une lecture girardienne, ce n’est pas seulement du fait de leur évidente nature mimétique, mais aussi de leur origine. La mort de Nahel est un « scandale » — au sens usuel du terme, certes, mais plus précisément tel que le définit Girard dans Je vois Satan tomber comme l’éclair : 

« Comme le mot hébreu qu’il traduit, « scandale » ne signifie pas l’un de ces obstacles ordinaires que nous évitons aisément après l’avoir rencontré une première fois, mais un obstacle paradoxal qu’il est presque impossible d’éviter : plus cet obstacle, ou scandale, nous révulse, et plus il nous attire (…) Au point d’acmé du scandale, chaque représailles en appelle une autre plus violente que celle qui l’a précédée ».

Scandaleuses, ces violences (la mort de Nahel comme les émeutes) le sont en effet d’autant plus qu’elles se répètent périodiquement — comme si, précisément, il était « impossible de les éviter ». La comparaison par rapport aux émeutes de 2005 suivant la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré s’est ainsi vite imposée comme passage obligé pour les commentateurs. Pour comprendre et tirer des enseignements de cet élément « répétitif », comme Girard nous y invite, il en est cependant une plus pertinente encore : celle d’avec la mort de George Floyd, et les manifestations qui s’en sont suivies aux États-Unis.

Dans les deux cas, nous assistons au phénomène que Girard qualifie de « concurrence des victimes », et non à celui du « bouc-émissaire », auquel on a trop vite fait de se référer. Nahel, et avec les lui les « jeunes de banlieue racisés », sont-ils les boucs émissaires de l’extrême-droite, au sens où celle-ci leur attribue la responsabilité de la violence ? Ou bien est-ce la police qui, pour la même raison, est le bouc émissaire de l’extrême gauche ? La réponse girardienne doit être : ni l’un ni l’autre — parce que les deux à la fois.

En effet, le mécanisme du bouc émissaire, pour opérer — c’est-à-dire pour purger la collectivité de sa violence interne — requiert à la fois l’unanimité et l’ignorance : unanimité de cette collectivité dans la désignation du responsable de cette violence, ignorance du fait que ce responsable est en fait innocent. Or le seul point d’accord aujourd’hui entre les « camps » opposés est pour condamner ce mécanisme, précisément parce que le responsable désigné par chacun est perçu comme innocent par l’autre. C’est là paradoxalement, selon Girard, le « signe que la révélation judéo-chrétienne devient de plus en plus effective » : révélation de ces « choses cachées depuis la fondation du monde », c’est-à-dire de l’innocence de la victime désignée par le mécanisme du bouc émissaire, du mensonge en quoi celui-ci consiste.

Cependant, comme on le constate, « la connaissance que nous avons ainsi acquise de notre violence ne met pas un terme à ce mécanisme, mais l’affaiblit, le rendant de moins en moins « efficace ». Un nouveau cycle de violence mimétique s’ouvre, auquel il ne peut mettre un terme — mais non plus la révélation judéo-chrétienne, parce qu’ils le nourrissent ensemble. Les deux camps s’imitent pour mieux se condamner, chacun clamant son innocence, se posant en bouc émissaire, pour mieux démontrer la culpabilité de l’autre : « Le souci des victimes est devenu une compétition paradoxale de rivalités mimétiques, chaque adversaire s’efforçant continuellement de surenchérir sur l’autre ».

Ainsi, dans nos deux situations, le mécanisme est enclenché par la mise en circulation par un camp d’une vidéo mettant en évidence un abus de pouvoir de la part des policiers, et donc l’innocence de leur victime. Cependant, aussitôt après, le camp opposé répond en révélant (dans son esprit) que cette victime n’était en fait pas innocente : en France, ce sera par exemple Éric Zemmour déclarant que Nahel était « un petit voyou » qui « a pris les risques de son métier » ; aux États-Unis, le chef de la police de Chicago Bob Kroll déclarant : « What is not being told is the violent criminal history of George Floyd ». (« Ce qui est tu des activités criminelles et violentes de George Floyd »). Nouveau coup de barre dans la direction opposée, on répondra alors que, si Nahel et Floyd sont des « voyous », c’est parce qu’ils sont victimes de discrimination ; à quoi l’on rétorquera que c’est en fait la police qui est en permanence attaquée par des bandes organisées, etc.

Il est alors intéressant de relever quelques variations, sur fond de cette permanence, d’une situation à l’autre — comme si une rivalité mimétique était aussi en jeu entre elles, et non pas seulement en leur sein.

Variation d’abord s’agissant de celui qui est d’abord désigné comme coupable : si Derek Chauvin, le policier qui a tué George Floyd, avait, selon le chef de la police de Chicago, « a police record litigated with allegations of misconduct and excessive force » (« un dossier de police chargé d’accusations de mauvais comportement et de recours excessif à la force »), Florian M., celui qui a tué Nahel, avait derrière lui une carrière impeccable, semée de décorations. À l’inverse, si George Floyd ne faisait manifestement rien de mal avant de trouver la mort, Nahel s’était rendu coupable d’un refus d’obtempérer. Dans le cas français, les revendications d’innocence et de culpabilité sont moins aisées à justifier, parce qu’elles sont de l’ordre de la proportion, de la mesure : Nahel, le policier, étaient-ils suffisamment innocents ou coupables pour justifier des représailles ? Cette différence explique-t-elle qu’il y ait eu relativement plus de violence du côté français dans la réponse des suites de la violence initiale, la difficulté à séparer innocents et coupables stimulant la rivalité mimétique ? Ou, au contraire, sur un autre plan, doit-on y trouver la raison du relativement moindre retentissement, de la moindre portée, de cette « rivalité mimétique » par rapport au cas américain ?

Liée à cette question de la « mesure », de la « proportion », une deuxième variation intéressante tient au nombre, et au rapport de domination dont il participe. Cette dimension est cruciale parce que, dans le mécanisme du bouc émissaire comme dans celui de révélation judéo-chrétienne, la logique est celle du « seul contre tous » : la victime émissaire est seule coupable, le Christ est seule victime innocente révélant le mensonge.

L’innocence de George Floyd, sa qualité de bouc émissaire, était ainsi plus facile à mettre en avant que celle de Nahel, dans la mesure où, sur la vidéo, il se trouve seul face à deux policiers ; lui est tenu sur le sol, en position d’infériorité, eux sont debout, dont l’un sur lui ; Nahel, lui, se trouvait dans une voiture (force de la machine) avec deux amis, et le policier qui l’abat apparaît seul à leurs côtés, potentiellement vulnérable (c’est ainsi qu’il justifie son geste : il craignait, dit-il, que la voiture n’emporte son collègue). Par là s’expliquerait que, là où George Floyd a pu être érigé en figure christique (« Street artists globally have created murals honoring Floyd, with Floyd as a ghost in Minneapolis, as an angel in Houston and as a saint weeping blood in Naples », lit-on dans un journal), (« Partout dans le monde, des artistes de rue ont rendu hommage à George Floyd, un fantôme à Minneapolis, un ange à Houston et à Naples, un saint pleurant des larmes de sang »),  la fameuse caractérisation en « petit ange » par Kyllian Mbappé, qui va dans ce sens, ne semble être reprise que pour être tournée en dérision par le camp adverse.

Inversement cependant, s’agissant des émeutes qui suivent le meurtre, les manifestations aux États-Unis ayant été dans leur majeure partie non-violentes, un moins grand nombre de troupes policières ont été déployées qu’en France pour réprimer les émeutes (les « 45 000 policiers » de Gérald Darmanin) : il est ainsi plus facile aux États-Unis d’ériger Derek Chauvin en victime émissaire (seul policier contre la foule), qu’en France où le nombre semble être plutôt du côté de la police. On notera par ailleurs, en France, le débat qui oppose l’extrême-droite et le gouvernement quant à la proportion de populations immigrées ou issues de l’immigration parmi les émeutiers : là où l’extrême-droite tient à la voir au maximum afin de mieux poser la police et l’Etat en minorité face à l’ennemi de l’extérieur, le gouvernement la réduit au minimum (Gérald Darmanin : « Il y aussi beaucoup de Kevin et de Matteo ») dans son effort pour rétablir l’ordre. Quoique cette question se pose tout différemment aux États-Unis, les personnes de couleur comme George Floyd n’entrant pas dans une catégorie comparable aux personnes de couleurs issues de l’immigration en France, quelque chose de similaire s’est joué : on a été prompt à remarquer que, parmi les manifestants, beaucoup, sinon la majorité, n’étaient pas des personnes de couleur — ce qui tendrait à neutraliser la disproportion entre le policier blanc seul face à une foule de couleur.

Pris ensemble, tous ces éléments ouvrent une perspective originale sur la réflexion, menée ici et là, autour de la relation qu’entretiennent France et États-Unis dans leur rapport aux violences policières et au racisme systémique. Le « cas Nahel » aurait-il eu un tel retentissement s’il ne s’était dès l’abord conçu par rapport, c’est-à-dire en imitation du « cas George Floyd » — ressemblances et différences nourrissant la relation mimétique de manière réciproque, comme Girard le décrit ? Cette dynamique se nourrit-elle également des disproportions entre les deux pays sur d’autres plans ?

Cherchant à mettre en lumière une dynamique opposant deux « camps » identiques dans leur opposition, selon la théorie girardienne, il m’a été impossible de prendre parti : j’aurais alors moi-même donné dans l’impasse que je m’efforce d’exposer, je me serais inséré dans la dynamique. Je crois cependant qu’il est nécessaire, si l’on suit Girard jusqu’au bout, d’opérer une distinction, qui conduit à exprimer, sinon une prise de parti, du moins une partialité.

C’est que, même si la « concurrence des victimes » signifie, comme on l’a vu, que la révélation chrétienne contribue désormais à la violence mimétique au lieu de la résoudre, il demeure une qualité propre au Christ : il n’a pas de désir propre, « il ne prétend pas « être lui-même », « son but est de devenir la parfaite image de Dieu ». S’il nous invite bien à l’imiter, c’est uniquement dans la mesure où il imite Dieu : « il nous invite à imiter sa propre imitation ». Je crois que les manifestations en soutien de George Floyd aux États-Unis nous offrent précisément un exemple d’une imitation mutuelle non dans la quête de satisfaction d’un désir propre, mais dans celle d’un idéal d’égalité visant précisément à neutraliser la compétition des désirs. Là où l’imitation mimétique cherche la différence pour ne trouver que la ressemblance, l’imitation trouve ici la communauté dans un but partagé.

Certes, une telle vision des émeutiers est plus difficile en France du fait des violences, et notamment des pillages de magasin — claire expression d’un désir mimétique égoïste, visant à la satisfaction. Mais ces différences dans l’expression ne signifient pas nécessairement, à mon sens, une différence d’inspiration ; elles tiennent bien plutôt à ces variations de la crise mimétique, ou de la « concurrence des victimes », que j’ai signalées. Je prendrai donc le contre-pied de Joël Hillion (cf. https://emissaire.blog/2023/07/04/france-sous-emeutes-crise-du-desir/) : si trouble du désir il y a chez ces « jeunes de banlieue » qui ont rejoint les émeutes, ce n’est pas que leurs désirs soient « faux », c’est qu’ils sont pervertis, détournés. Certes, notre responsabilité, dans cette perversion comme dans la crise qu’elle nourrit, est commune — et ils y participent ; mais c’est avec eux, et non contre eux, qu’on peut espérer la résoudre.

10 réflexions sur « Émeutes : d’une violence mimétique à l’autre »

  1. Je ne vois pas clairement en quel sens Pierre Azou prendrait « le contre-pied de Joël Hillion », puisque leurs conclusions se rejoignent :
    « En accusant le milieu, le monde extérieur, la société, « on » évite d’évoquer le vide sidéral dans lequel tous nous vivons. Car ce monde sans horizon, sans transcendance, morne et plat, triste en un mot, c’est le nôtre ! » (JH)°
    « Certes, notre responsabilité, dans cette perversion comme dans la crise qu’elle nourrit, est commune — et ils y participent ; mais c’est avec eux, et non contre eux, qu’on peut espérer la résoudre. » (PA)
    Dans cette crise, ce qui saute aux yeux est son caractère mimétique : vous en conviendrez tous deux je pense. Mais il s’agit de mimétisme à l’état quasiment pur, où le désir n’intervient qu’en arrière-plan très flouté, quasiment insaisissable, et il en est de même du phénomène de bouc-émissaire, qui n’existe pratiquement plus dans la société mondialisée. Car la formation de l’unanimité y est impossible, et ce définitivement. Et c’est là que réside me semble-il la (petite) différence principale entre vos deux approches:
    « La chasse aux boucs émissaires (la police, le gouvernement, le Président lui-même !) montre qu’il s’agit d’abord d’une crise mimétique. » (JH)
    « …nous assistons au phénomène que Girard qualifie de « concurrence des victimes », et non à celui du « bouc-émissaire », auquel on a trop vite fait de se référer. » (PA)
    Les deux propositions sont également à moitié vraies et fausses, à mon humble avis. Quant au fameux « désir mimétique », s’il ne peut évidemment être mis en question par un girardien, je suis d’avis avec Grivois pour reconnaître que la formule est trop souvent employée à tort et à travers pour décrire des phénomènes qui sont de pur mimétisme, où le désir est absent. Ce qui n’enlève rien à la théorie mimétique, bien au contraire ! Aussi, j’avoue ne pas percevoir la subtilité de la nuance par laquelle Pierre Azou justifie sa position de « contre-pied » (ou rivalité mimétique ? je plaisante…) :
    « …si trouble du désir il y a chez ces « jeunes de banlieue » qui ont rejoint les émeutes, ce n’est pas que leurs désirs soient « faux », c’est qu’ils sont pervertis, détournés. »
    Car pervertir et détourner de la vérité, cela même au mensonge, à la fausseté, me semble-il. Et de son coté, Joël Hillion me semble percevoir in fine toute la difficulté à intégrer le désir dans cette sombre histoire, malgré le titre annoncé :
    « Ils n’ont pas de désirs vrais et se plaignent qu’« on ne fait rien pour eux » : pour des autonomes qui n’écoutent qu’eux-mêmes, la contradiction est poignante ! »
    Mais « on » fait justement beaucoup pour eux, beaucoup trop, car c’est pour les entrainer vers des objets qui sont des leurres. S’il y a crise, ou plus exactement; effondrement, cela concerne l’éducation, l’autorité, l’art (dit : « contemporain ») et la pensée (« déconstructrice »), et ne parlons même pas des religions, qui tels l’effondrement des étoiles, produisent une aveuglante explosion, éblouissantes pour un bref instant seulement…
    Il me semble que nous pourrions nous réunir sur ce constat : c’est l’éloignement de l’amour, et de la possibilité même d’aimer, qui produit cette accumulation mimétique de gestes désespérés (des deux côtés de l’affrontement, puisque la violence est mimétique, elle produit un effet de miroir). Joël Hillion évoquait, tout à fait à propos, West Side Story : film magnifique parce qu’il y avait encore une histoire d’amour. Il n’y a plus l’ombre ni d’un amour, ni même d’un désir un tant soit peu soutenu, positivement affirmé, dans les tristes évènements et polémiques que nous subissons désormais. On assiste de part et d’autre à la répétition mécanique, convenue et quasi académique des mêmes coups et des mêmes arguments visant à les justifier.

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  2. Chère Chritine,

    J’en profite pour saluer comme toi l’excellence de l’analyse de Pierre Azou, doctorant à Princeton dont j’espère quil nous gratifiera d’autres contributions. L’alternative vrai/faux appmiquée au désir est effectivement aussi problématique de mon point de vue. Le concept de désir dévié (en pratique le plus fréquent) est sans doute plus respectueux de la pensée girardienne. Sur le fond, je pense que la distance entre nos deux contributeurs est plus lexicale que conceptuelle.

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  3. Je relève à propos des manifestations en soutien de George Floyd cette différence avec les émeutes françaises : « Là où l’imitation mimétique cherche la différence pour ne trouver que la ressemblance, l’imitation trouve ici la communauté dans un but partagé. » Les manifestations américaines, selon l’auteur de ce billet, « nous offrent un exemple d’une imitation mutuelle non dans la quête de satisfaction d’un désir propre mais dans celle d’un idéal d’égalité visant précisément à neutraliser la compétition des désirs. »

    Entre des manifestations et des émeutes, la différence est quand même de taille, autant sur le plan symbolique que dans la réalité. J’aurais tendance, pour ma part, à rattacher la « différence d’expression » de la colère, aux USA et en France, à la « différence d’inspiration » des deux événements : les scènes de destructions et de pillages auxquelles nous venons d’assister (le plus souvent en téléspectateurs) ne disent pas seulement que des gosses mal aimés, mal éduqués, se déplaçant en hordes, ne peuvent résister à l’assouvissement sauvage de « désirs déviés et pervertis » (désirs auxquels succomberaient aussi des acheteurs normaux en cas de panne d’électricité dans un supermarché); ils disent l’énorme ressentiment d’une partie de la jeunesse « défavorisée » : elle s’est « éclatée », cette jeunesse oisive ou délinquante, elle a donné pendant quelques nuits le spectacle de sa haine, de la puissance de sa « haine impuissante » et elle a montré qu’elle pouvait en faire le lieu d’une jouissance à la fois collective et individuelle. Détruire en rigolant, ça fait peur.

    Alors, voilà : quand l’inspiration d’un événement critique est la haine, cet événement n’est pas de même nature que lorsque son inspiration est une révolte contre l’injustice ou un désir de justice. La volonté d’impartialité de Monsieur Azou s’est heurtée à cette difficulté : ce n’est sans doute pas la gravité ni même la réalité d’une injustice qui est sanctionnée par la « justice populaire », c’est sa portée symbolique. Et cette charge symbolique, on l’appréhende toujours trop tard, quand une « crise sacrificielle » permet d’en mesurer l’ampleur.

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    1. Vous n’avez pas du voir les même images que moi des émeutes aux USA.
      Les événements ayant eu lieu d’ailleurs en grande Bretagne en 2011 !!! Sont absolument identique.
      Après tout est plus grand aux USA.
      Et vraiment.
      On peut remarquer qu’au delà de Nahel en France nous avions Chouviat mais également les nombreuses mutilations de citoyens lors des émeutes des gilets jaunes.
      Oui les gilets jaunes étaient également des émeutiers !!!

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  4. Plutôt que les différences entre les deux traitements de la violence raciale, ne serait-il pas plus juste d’en comparer la similitude, qui démontre que dans un cas comme dans l’autre, l’unique réponse, qui est la désignation de bouc émissaire, ne fonctionne pas ?
    Peut-être que l’Amérique, que je ne connais que par ouïe-dire médiatique, serait plus en avance dans la prise de conscience collective de l’inanité du phénomène sacrificiel, fatiguée des meurtres de masse et du nombre d’homicides invraisemblable, que les Français abreuvés de moraline corrompue, qui refuse la statistique ethnique au nom de la non-discrimination, ce qui abreuve tous les fantasmes , même si on s’y entretue moins ?
    Toujours est-il que les deux sociétés sont au bord de l’implosion et ne trouveront leur apaisement qu’en prenant la mesure de la révélation judéo-chrétienne qui, en leur ôtant la capacité de mettre un terme à la crise mimétique, leur offre en sainte rétribution la liberté de choisir le modèle qui en a révélé la réalité et qui, en éclairant le mensonge des illusions d’autonomie du désir, nous donne alors quitus de l’imiter pour témoigner de sa vérité.
    Plus de bouc émissaire, mais une liberté à défendre pour exercer notre humanité, jusqu’à la mort et par les armes s’il le faut.

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  5. J’aime bien cet article, car il attire notre attention sur ce qui m’apparaît comme un point faible de la TM : celui de l’innocence du bouc émissaire. Il est borgne ou boiteux, soit, mais n’a commis aucun crime. Je préfère le bouc émissaire de Brassens qui « estourbis en un tournemain, en un coup de bûche excessif, un noctambule en or massif » (cf. mon billet https://emissaire.blog/2021/12/12/chansons-christiques/). George Floyd, pas plus que Nahel M. n’étaient des saints. Pourquoi la mort de Floyd n’a-t-telle provoqué que des manifs alors que celle de Nahel a provoqué des émeutes (avec leur cortège de pillages opportunistes qui pourraient être le fait de nbre d’entre nous, comme le rappelle C. Orsini). J’ai lu qq part que le meurtrier de Floyd, Derek Chauvin, était devenu l’homme le plus haï d’Amérique. Là, nous tenons un beau bouc émissaire qui réunit toute la société contre lui. Ce qui ne fut pas le cas de Nahel, ni de son meurtrier…
    Bon été à tous les girardiens.

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    1. Si Œdipe avait pu être filmé en train de tuer le roi Laios avec la même précision que ce flic brutal, Derek Cauvin, l’a été en train d’étouffer sous sa botte George Floyd, il aurait été sans doute exagéré, voire inconséquent d’en faire un « bouc émissaire ». Un bouc émissaire, aussi bien pour Girard que pour tout le monde, ce n’est ni un ange ni le diable, c’est juste quelqu’un qui « prend pour les autres » et qui n’est pas plus coupable que d’autres, souvent moins, des actions dont on l’accuse. Ce n’est évidemment pas plus le cas de « l’homme le plus détesté d’Amérique », meurtrier avéré, que celui des grands criminels de l’histoire, sur lesquels pèsent des charges qui ne relèvent pas du fantasme.

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  6. À qui irait notre préférence sacrificielle, au coupable victime de la force légitime ou au représentant de l’ordre qui l’élimina, victime de l’ordre illégitime ?
    L’un comme l’autre, comme les deux systèmes français ou américain, sont pris dans la confusion vibratoire qui ne sait toujours pas se passer de bouc émissaire, et préfèrent l’aveuglement délibéré du grand inquisiteur dostoïevskien, plutôt que la vision du doux regard lucide et silencieux sur notre condition de persécuteur.
    La foi est là, en notre capacité à choisir, jusqu’à la mort lente et par les armes s’il le faut, de se passer du sacrifice et défendre ce qui n’est pas une idée, mais notre réalité désormais parfaitement formulée qu’il nous est loisible d’incarner en connaissance de cause :

    « La religion c’est ce qui relie et rien n’est plus religieux que la haine: elle rassemble les hommes en foule sous la puissance d’une idée ou d’un nom quand l’amour les délivre un à un par la faiblesse d’un visage ou d’une voix. »

    Christian Bobin
    Le Très-Bas

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    1. Pour l’instant en France j’ai beaucoup de mal à voir en France les forces de l’ordre victimes.
      C’est un métier d’engagement qui est en danger et mets en danger son prochain si il n’est pas encadré.
      En France tout comme aux USA d’ailleurs relayé par nombre de médias il y a surtout une forme d’idolâtrie très perniciceuse des forces de l’ordre.
      Je suis frappé lorsque j’en écoute à la retraite à quel point ils préconisent un retour aux solutions de police de proximité et quand ils sont en fonction à quel point ils se placent du côté des propositions les plus droitières types celles de Sarkozy et du RN.

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  7. Enfin !!!
    Un article mesuré.
    Après mon tropisme m’entraînera toujours plus du côté des émeutiers que de la violence institutionelle.
    Il ne me semble pas honnête de tuer son prochain pour un refus d’obtempérer.
    Déjà je ne trouve pas honnête de tuer son prochain bien plus que de piller quand on à faim car certain des émeutiers on pillés de l’huile de tournesol pas que de la marque.

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