Il était une fois…

Il était une fois le conte de fées ; le conte de fées et ses merveilles, sa magie, ses ogres et ses princes, ses animaux qui parlent et sa fin heureuse.

C’est le plus dédaigné des « ouvrages de l’esprit », pour parler comme La Bruyère. Il n’est toléré que pour les enfants. Les clercs l’ont rejeté pendant des siècles, le christianisme combattant les superstitions. Les lettrés, de la Renaissance aux Lumières, leur ont préféré les mythes grecs et latins, ou exotiques comme les Mille et une Nuits. L’avènement de la rationalité galiléenne l’a ridiculisé. Le progressisme sociétal veut aujourd’hui faire disparaître le conte de fées, accusé qu’il est d’implanter des stéréotypes (en tout cas, pas les bons). « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » : cette phrase rituelle et conclusive exprime un accomplissement fort inapproprié dans des sociétés où l’on ne se marie plus et où l’avortement et la dénatalité prospèrent.

Et pourtant, Cendrillon est toujours là. Le petit Poucet fait de la résistance ; Blanche-Neige se rebiffe. Le public leur reste absolument fidèle, de génération en génération. Walt Disney y adosse un empire. JRR Tolkien, théoricien de la chose (« Faërie »), engendre, par son « Seigneur des anneaux », l’immense mouvement de la « Fantasy » (1), qui n’est rien d’autre qu’un avatar du conte de fées. C’est aussi le cas des super-héros américains, leurs super-pouvoirs étant une sorte de magie.

Alors, et Girard ?

Le girardien du rang est ici mortifié. Son héros a collecté, scruté, analysé, interprété des mythes du monde entier, des Incas aux tribus africaines, des indiens d’Amérique du Nord aux pharaons de l’ancienne Egypte, du Mahabharata à la mythologie scandinave, etc. Mais sur son fonds vernaculaire, René Girard n’écrit pas une ligne.

Ou plutôt si, une seule. Pour dire, quelque part dans « Le Bouc émissaire » que les contes et légendes n’étaient qu’une version « dégénérée » des mythes, sans plus aucune portée religieuse (je cite de mémoire, mais le mot dégénéré est bien dans le texte). Il rejoint ainsi le consensus des « élites » dans leur dédain à l’égard des contes de fées, mais pour des raisons propres à sa vision : les contes de fées n’auraient plus la puissance des mythes pour dissimuler les origines sanglantes de la culture ; ni donc pour les révéler une fois correctement interprétés.

Cependant…

Les spécialistes nous disent que ces récits sont très anciens. De tradition orale, ils ont pris une forme littéraire à partir du XVIIème siècle, avec Charles Perrault puis d’autres auteurs, dont beaucoup de femmes, comme Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, qui a fixé l’histoire de la Belle et la Bête en 1756. Le succès des contes de fées, nous l’avons vu, ne s’est jamais démenti depuis lors. Le point qui peut intéresser l’anthropologue est celui-ci : pourquoi une telle faveur, alors même que les « élites » de toutes les époques réprouvent les contes de fées et leurs avatars modernes, la « fantasy » et les super-héros ? (les « élites », c’est-à-dire les « médiateurs » au sens pleinement girardien du terme). Est-il possible que ces histoires touchent le public de façon si constante sans contenir une part de vérité anthropologique ? Et cette part est-elle dissimulée ou révélée ? Les contes de fées cherchent-ils à masquer nos « sanglantes origines » ou à nous donner des indices afin d’en prendre conscience ? Entretiennent-ils l’illusion du « mensonge romantique » ?

Dans sa « Psychanalyse des contes de fées », Bruno Bettelheim voit en eux une sorte de préparation aux épreuves qui attendent l’enfant pour le passage vers la vie adulte ; ils lui font notamment découvrir l’existence du mal de façon indirecte et non traumatisante.

Si les contes de fées sont dignes d’une psychanalyse, ils peuvent bien l’être d’un examen girardien ; ne serait-ce que pour combler l’angle mort qu’ils représentent au sein de la théorie mimétique dans son état actuel.

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Un simple coup d’œil attise d’ailleurs la curiosité.

Quel est ce prince, à qui toutes les filles du royaume s’offrent comme épouse, et qui, comme par hasard, choisit Cendrillon, la seule qui se dérobe ? Il me semble que René Girard a parfaitement expliqué ce type de comportement. Tout comme ce roi veuf, qui pour se remarier, ne voit pas d’autre choix que le seul impossible : sa propre fille ; elle s’échappe recouverte d’une peau d’âne.

Quelle est cet étrange phénomène par lequel la Belle voit soudain dans la Bête un jeune homme charmant ? Serait-ce une conversion ? Serait-ce la révélation que la Bête, ce bouc émissaire qui fait la cohésion du village voisin, est dépourvue de la monstruosité que les villageois lui attribuent ?

A quoi fait penser la mélodie du joueur de flûte de Hamelin (Hameln pour les germanophiles), qui entraîne irrésistiblement dans la Weser tous les rats de la ville, puis tous les enfants ?

Et cette méchante Reine, déguisée en veille femme, incitant Blanche-Neige, qui d’abord refuse, à croquer la pomme ? Et comment lui en donne-t-elle envie ? En croquant elle-même, devant Blanche-Neige, une partie (non empoisonnée) de la pomme.

Et ce Petit Poucet, méprisé et raillé au sein de sa propre famille pour sa petite taille, et qui sera le sauveur, non seulement, de ses six frères mais aussi de ses parents, qui voulaient se débarrasser d’eux en les abandonnant dans la forêt ?

A quoi peut bien faire penser ce miroir, qui excite la jalousie de la Reine à l’égard de Blanche-Neige, qui lui révèle sa survie et l’endroit où elle se trouve quand la Reine la croit morte ?

Pourquoi le loup emploie-t-il un stratagème aussi complexe pour dévorer le petit Chaperon rouge ? Se substituer à la grand-mère ; contrefaire sa voix ; refermer la porte, obligeant ainsi la fillette à tirer la bobinette afin que chût la chevillette.  Grand et fort comme est le loup, il lui suffisait de l’attendre au coin du bois. Et en quoi est-il vraiment capable d’inventer une ruse aussi sophistiquée, lui que le Roman de Renard et toute la tradition populaire présente comme un imbécile ? Notre ami Charles (Perrault) tire la leçon : méfions-nous des apparences ; il aurait tout autant pu conclure : méfions-nous des imitations.

Et la fée Carabosse, qui se venge d’une horrible façon du Roi et de la Reine qui ne l’ont pas invitée ? Mais d’habitude, ce sont les ogres et ogresses qui incarnent le mal dans les contes de fées. Les fées peuvent donc commettre le mal et user de violence ? Où est passé notre bon vieux manichéisme ? Et pourquoi Carabosse n’a-t-elle pas été invitée, alors que douze autres fées l’ont été ? C’est qu’il manquait un couvert. Belle excuse ! Le Roi et la Reine ne savaient-il pas plutôt par avance qu’elle leur serait hostile ? Mais comment le savaient-ils ? D’où vient alors le contentieux entre eux ? Le Roi et la Reine en sont-ils vraiment exempts de toute responsabilité ?

Ou encore, que signifie l’insaisissable dialectique de la ressemblance et de la différence dans Riquet à la houppe ? Riquet, laid et plein d’esprit comme sa future belle-sœur, alors que la princesse qu’il épousera est belle et sotte. Riquet et sa princesse se doteront mutuellement, par magie, de la qualité dont chacun est dépourvu, beauté pour Riquet, intelligence pour la princesse, tandis que la sœur s’enfermera dans le ressentiment. Est-ce là un triangle mimétique ? Qui serait le médiateur ?

*****

Se trouvera-t-il dans la salle un girardien intéressé à répondre à ces questions, à évaluer la « teneur mimétique » des contes de fées et leur récents avatars ? A mesurer la pertinence de laisser nos petits s’enchanter de ces histoires ? A peser qui se fourvoie, le public ou les élites ?

(1) Nous n’avons pas de mot en langue française pour désigner ce genre.

10 réflexions sur « Il était une fois… »

  1. Je ne peux malheureusement pas répondre à la question. En troisième, le prof de latin a passé un cours entier sur l’interprétation psychanalytique du Petit Chaperon Rouge. Une jeune fille habillée de pied en cape en rouge s’aventure seule dans une forêt sombre. Elle rencontre le loup, qui lui fait son numéro de charme. Premières règles, découverte de la sexualité et du corps masculin (« comme vous avez de grands bras ! », etc). On s’étonne que je sois aussi nul en latin. Ce jour-là, j’ai perdu mon âme d’enfant et depuis j’en veux aux contes, ces horribles histoires déguisées en charmants récits, et à ceux qui les déflorent. Avec ou sans Girard.

    Merci quand même pour ce très plaisant billet.

    Hervé van Baren

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  2. Bonjour, Je pense, qu’au-delà des Contes de fée formalisées par quelques auteurs tels Perrault ou Madame d’ Aulnoy pour la France, il conviendrait d’analyser les contes et légendes de nos régions qui se racontaient à la veillée et qui étaient plus que de simples récits pour les auditeurs. Il y a là une matière traditionnelle d’ordre ethnologique relativement délaissée ( voir cependant A. Van Gennep, J. Favret-Saada pour l’aspect sorcellerie) dont l’étude pourrait ouvrir de nouvelles perspectives et peut-être aussi illustrer dans ce champ l’hypothèse girardienne. Cordialement Christian Lavialle

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  3. Allez, je me lance, histoire de susciter des commentaires dubitatifs, voire franchement hostiles. Les contre-exemples seront sans doute légion.
    A première vue et pour tenter de répondre à ta question fort intéressante, la « dégénérescence du mythe » dans les contes se manifeste peut-être dans le triomphe final de la victime avant même sa mise à mort ou son expulsion définitive, empêchant la métamorphose canonique du bouc émissaire en bienfaiteur. Le souci victimaire chrétien est déjà passé par là et fait, contre le réalisme le plus trivial, de la victime initiale le futur vainqueur bienfaiteur et du prédateur, le vaincu : contre toute attente le chaperon rouge l’emporte sur le loup, le petit poucet sur l’ogre, Cendrillon sur ses demi-soeurs, etc. Bref le bien représenté par un faible l’emporte sur les entreprises des forces du mal. En cela, ils dérivent sans doute de légendes chrétiennes dont l’archétype est Saint-Georges terrassant le dragon (dont la structure a été analysée par Lucien Scubla dans Lire Lévi-Strauss si mes souvenirs sont corrects).
    Par ailleurs, c’est rarement une foule unanime qui persécute mais plutôt un être unique malfaisant ou un groupe minoritaire.
    Mais bon, il y a sans doute beaucoup mieux à dire sur le sujet. Il serait intéressant comme suggéré par un précédent commentateur, d’élargir le panel, les contes les plus connus ayant été sélectionnés et adaptés par un nombre limité d’auteurs renommés selon leurs propres filtres. Les frères Grimm et Andersen ont probablement des visées différentes. Il serait aussi instructif de regarder tout cela avec les lunettes du folkloriste Vladimir Propp, son approche morphologique des contes et les contreverses qu’il a suscitées. Un joli sujet de mémoire pour un étudiant en master 2.
    Merci de ce beau défi pour nos lecteurs de l’été.
    JMB

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    1. Je me suis beaucoup intéressé au conte, par le biais de Tolkien (notamment l’ouvrage dont vous parlez) et Chesterton qui en fait l’apologie. Ces questions sont très stimulantes…

      J’avais par ailleurs commencé un article sur une interprétation girardienne du Seigneur des Anneaux, notamment le rôle de l’anneau qui, en plusieurs endroits, est décrit en des termes presque exactement girardiens comme une définition du désir mimétique, notamment dans la relation étrange de fusion et de quasi identité qu’il entretient avec le Seigneur des Ténèbres qui l’a créé. Je crois que Girard dit dans un de ses ouvrage que le sujet désirant devient son propre désir.

      Ce serait à creuser, mais il m’a semblé alors faire face à un cas un peu extrême d’un mythe quasi explicite, tout en restant mythe et donc voilé.

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  4. Pour la petite-fille que je me souviens avoir été, ce sont les contes de Blanche-Neige d’abord et de Cendrillon ensuite qui m’ont le plus marquée (instruite, charmée, etc.). Blanche-Neige que je rapprocherai de La Belle au bois dormant, qui illustre ce billet : elles meurent toutes les deux mais bien que le sommeil de la Belle au Bois dormant (quel nom formidable !) dure cent ans, ce n’est pas l’éternité et donc, elles ressuscitent toutes les deux et de la même façon, grâce à l’amour, le baiser d’un Prince Charmant. Dans les contes, tout le monde ne ressuscite pas, les vieux meurent de mort naturelle, ça passe inaperçu, les méchants n’ont que ce qu’ils méritent, mais les jeunes et jolies princesses, elles, meurent tragiquement, accidentellement, toujours à cause de la jalousie que leur beauté soulève et donc, elles ressuscitent, leur fausse mort est juste une épreuve à traverser (pour la lectrice, surtout) avant de rencontrer l’homme idéal, le Prince Charmant.

    Ce qui est girardien, c’est-à-dire réaliste dans ces contes, c’est la jalousie comme moteur de l’action : sans envie, jalousie et haine puissante, il n’y a tout simplement pas d’histoire. La rivalité est centrale dans l’histoire de Blanche Neige et de Cendrillon. La belle-mère ou les sœurs (demi-sœurs ?) sont malades de jalousie et on n’imagine pas, si on n’est pas passé par là, à quel point il est délicieux de s’identifier à l’objet de cette jalousie ou à quel point il est délicieux d’imaginer qu’on suscite de la jalousie à un âge où l’on cherche un sens à l’existence moins dans le miroir (c’est pour plus tard) que dans les regards (d’admiration, c’est-à-dire d’envie) des autres filles. En lisant Freud, plus tard, on pourra se décharger de tout ça sur son inconscient mais en lisant Girard, on va comprendre que l’incroyable séduction de Blanche Neige et de Cendrillon tient au « mensonge romantique » du conte ! Ces héroïnes persécutées et finalement victorieuses nous ont fait croire à toutes autant que nous sommes que ce sont les autres, sinon les mères, du moins les belles-mères, les sœurs, les soi-disant copines, qui trouvent qu’on est de trop sur la terre, qui voudraient prendre notre place et qui du coup, nous en ont donné une, de place, la plus chouette, la place de la victime-qui-sera-récompensée.

    Si Hervé avait eu un prof de latin girardien ou un prof de grec biblique, qui lui aurait cassé son rêve (je ne veux pas savoir lequel) où en serait-il, où en serions-nous aujourd’hui ?

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  5. Certainement les contes appellent une interprétation girardienne qui pourrait nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Mais il est indispensable pour cela, je pense, de cerner leur évolution. Car tous sont le fruit d’une évolution, ou d’une élaboration si vous préférez. C’est là une différence essentielle avec le roman d’auteur. Les contes ne sont pas fixés, si on essaie de les interpréter, quelle que soit la grille d’interprétation que l’on utilise, girardienne, psychanalytiques, ou autre, en se basant sur une version plutôt qu’un autre, alors je crois que les « dés sont pipés » dès le départ. Parler d’un conte sans chercher à cerner son évolution, donc en considérant une seule version, et non les autres, risque toujours d’être une tentative de récupération pour faire passer les thèses que l’on chérit – et je crois qu’on peut trouver beaucoup d’exemples de cela.

    Pour parler du cas que j’ai un peu étudié, Blanche-Neige, la version donnée par les frères Grimm est déjà, certainement, basée sur une remise en forme de ce qu’ils ont pu collecter dans la mémoire populaire. Et cette version est très différente de celle donnée par Disney. Qui elle même diffère substantiellement des versions modernes ou post-modernes …

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    1. Comme quoi les contes de fées sont faits pour les enfants, pour réconforter, amuser, instruire les petits. Les grands, comme l’auteur de cet envoi anonyme, ça ne leur donne que du tracas.

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      1. Excusez moi d’avoir laissé un commentaire anonyme. Je suis Jean-Louis Verrier, abonné à ce blog. Mais je ne suis pas totalement à l’aise avec les subtilités informatiques ….

        C’est très intéressant d’interpréter, ou peut-être plutôt, de réfléchir, sur les contes, en considérant leur évolution. Cela ne me donne pas de tracas. Leur évolution est très révélatrice des différentes époques qui les ont reçus, et remaniés. Mais pour cerner la sagesse populaire qu’éventuellement ils véhiculent, cette connaissance intuitive de la mimésis, dont Girard trouve la trace par exemple dans la peur suscitée par les jumeaux dans les sociétés « premières », c’est une autre paire de manche … Il faudrait retrouver les versions originelles… Ce n’est peut-être pas impossible, mais c’est un gros travail. Je comprends que Girard se soit inspiré d’autres outils, le roman, les comptes-rendus d’anthropologues, pour échafauder la théorie mimétique. Cela dit, maintenant qu’elle existe, elle me paraît être un excellent outil pour mieux comprendre nos contes, avec les précautions dont j’ai parlé.

        Il y a, dans le conte de Blanche-Neige, que j’ai un peu étudié, un invariant : Blanche-Neige est amie avec la Nature – ou l’inverse – la Nature est amie avec Blanche-Neige. C’est peut-être le seul, quand on compare les versions de Grimm et de Disney. Mais c’est intéressant à considérer.

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      2. Un élément de plus pour répondre à C. Orsini : dans la version de Grimm du conte de Blanche-Neige, bien antérieure à celle de Disney, la princesse Blanche-Neige n’est pas réveillée par un baiser du prince … mais simplement par la maladresse des serviteurs du Prince, qui, transportant le cercueil de verre, trébuchent sur une racine (tiens, tiens…) – les secousses font régurgiter Blanche-Neige qui rejette ainsi le morceau pomme empoisonnée coincé dans sa gorge. Tout le mérite de la « résurrection » de Blanche-Neige revient donc aux Nains car ce sont eux qui finissent par accepter de donner Blanche-Neige au Prince, qui demande alors à ses serviteurs de transporter le cercueil (les Nains jouent le rôle du père, tel qu’il était conçu dans ce qu’il est convenu maintenant d’appeler une société patriarcale …).

        Je ne connais pas les versions les plus anciennes de la Belle au Bois dormant – mais dans ce cas il me semble plus cohérent que le baiser du Prince puisse réveiller la Princesse. Car, pour atteindre le Château, celui-ci a dû passer avec succès par de nombreuses épreuves. C’est alors l’esprit de la chevalerie (patriarcal ? si vous voulez…) que l’on retrouve.

        Dans la version moderne (Disney) de Blanche-Neige, par contre, le Prince ne passe aucune épreuve et l’amour naît tout seul, on ne sait pourquoi … (d’où, sans doute, la rencontre préalable près du puits – qui n’existe pas chez les Grimm et que donc Disney a rajoutée) – illusion romantique ?

        JL Verrier

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  6. Flatterie de notre méconnaissance

    Souvent les contes de fées ne « révèlent » rien. Ils n’ont pas d’issue cathartique, comme les tragédies. Ils ne présentent aucune « conversion » finale du héros principal, comme dans les « bons » romans. Ils nous confortent, le plus souvent, dans notre méconnaissance, avec sa dichotomie un peu basique : les méchants sont toujours punis, les gentils sont récompensés (à condition de ne pas en faire trop). Bref, les contes de fées ne changent rien à notre morale plate et atavique. Ils remontent effectivement du fond de l’histoire, comme immuables.

       Depuis l’époque classique, il n’en est pas apparu beaucoup (malgré l’imagination de Studios Disney, Marvel ou DreamWorks).

       L’époque moderne a recyclé les héros moyenâgeux, de Dark Vador aux Schtroumpfs, en passant par toutes les variantes de Superman (c’est toujours saint Georges qui vainc le Dragon). Le seul personnage un peu original est sans doute Tarzan. Inventé en 1912 par Edgar Rice Burroughs, à l’époque où est apparue la notion de self-made-man, le mythe a connu une prospérité étonnante. Mais Tarzan est un personnage ridicule et le mythe ne tient pas ! Tout nu, tout seul dans la jungle, qui survivrait un seul jour ? Perdu dans un environnement hostile et vainqueur de toutes les épreuves auxquelles il est exposé, il représente le vieux fantasme d’Européens qui ne rêvent que de puissance et d’autonomie. Ne comptant que sur ses forces propres, il se « suffit à lui-même » dans les pires conditions. Quel homme !

       Le seul conte de fées moderne qui me vient à l’esprit, c’est E.T., avec son merveilleux, son nain sublime (et victime désignée), et Elliott, l’enfant « adopté » par l’Étranger. Mais cette belle histoire, comme tous les contes de fées, nous conforte dans notre vision d’une morale facile, et d’une justice qui ne dépend que du bon vouloir des étoiles… Le conte de fées « fabrique » de la méconnaissance ; et il offre un terrain idéal aux psychanalystes qui peuvent plaquer, sans trop de difficulté, leurs grilles de lecture.

       Comment classer Le Petit Prince de Saint Exupéry ? Le petit garçon aux cheveux d’or meurt et se change en étoile qui rit… En attendant, il a dérangé, sur son passage, pas mal de vanités humaines (le roi, le vaniteux, le businessman) et a un peu décalé notre idée de la conscience : « On ne voit bien qu’avec le cœur ». Peut-être notre méconnaissance en a-t-elle été écornée ?

    Joël Hillion

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