
par Jean-Louis Salasc
John Pang est un chercheur malaisien, membre honoraire de l’académie Perak, à Ipoh dans le nord du pays, et ancien conseiller du gouvernement. En avril 2023, il publie un article dans « Beijing Review ». Il y présente l’anthropologie de René Girard et souligne particulièrement le thème de la rivalité mimétique. Pour faire immédiatement l’éloge de la Chine et de son approche des relations internationales ; laquelle, selon John Pang, est dénuée de tout esprit de rivalité mimétique. Et de fustiger l’Occident, en lui attribuant la responsabilité globale de l’agressivité qui se manifeste dans la marche du monde.
Il est évidemment sympathique au girardien du rang de constater que la théorie mimétique est sollicitée jusqu’aux antipodes. Mais il est fâcheux qu’elle le soit en plein contresens. John Pang affirme que les autorités chinoises sont exemptes de rivalité mimétique à l’égard de l’Occident. Il semble oublier un léger détail : la Chine affiche comme objectif explicite de faire triompher son modèle de société. Or, celui-ci est directement issu de la doctrine communiste, dont les meilleurs experts nous rappellent qu’il s’agit d’une conception occidentale. Faire mieux que l’autre à la place de l’autre : c’est la définition même de la rivalité mimétique. Voilà qui s’appelle ne pas voir l’éléphant au milieu du salon.
Erreur d’analyse, incompréhension de la théorie mimétique ? Dans la deuxième partie de l’article, John Pang persévère en attribuant à l’Occident l’origine de tout mal, c’est-à-dire, en girardien dans le texte, en en faisant un bouc émissaire. Dans une interview au principal quotidien chinois, « Global Times », il avait tenu, un mois plus tôt, des propos encore plus sévères. Il se berce donc de la même illusion que le régime chinois, celle de sa propre innocence : nous, nous échappons aux pièges du mimétisme et nos boucs émissaires sont bien les véritables coupables.
Notre regretté ami Emmanuel Dubois de Prisque a solidement établi, dans son dernier ouvrage « La Chine et ses démons », combien la Chine actuelle, au-delà du changement de régime, perpétue la mentalité sacrificielle inhérente à l’Empire du Milieu depuis son apparition. Se prétendre imperméable à la rivalité mimétique et accabler ses boucs émissaires en toute bonne conscience : les propos de John Pang se présentent comme le parfait exemple des illusions que René Girard entendait révéler. C’est à ce titre qu’ils figurent dans notre blogue. Tout en nous gardant de faire de la Chine et de tous les John Pang qui l’encensent notre propre bouc émissaire.
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L’Occident contre le reste du monde ?
par John Pang
Le philosophe français des sciences sociales René Girard (1923-2015) a un jour décrit la tendance des deux parties prises dans une rivalité à se ressembler de plus en plus au fil du temps. Au départ, elles peuvent avoir des valeurs et des idéologies différentes, mais comme chacune s’efforce de surpasser l’autre, ou comme chaque attaque provoque une riposte en nature de la part de l’autre partie – étant donné que chaque acte est reflété par l’autre -, les deux parties s’enferment dans une spirale d’escalade dans laquelle elles deviennent de plus en plus semblables. De nombreux « jeux » de stratégie prennent cette forme. Une guerre entre puissances nucléaires, par exemple, pourrait s’intensifier par le biais de représailles et de violences anticipées afin de réduire les deux parties à l’identité ultime de la destruction mutuelle. Girard a appelé ce processus la rivalité mimétique, ou la compétition et le conflit qui naissent de l’imitation du désir d’autrui.
Les néoconservateurs qui ont pris le contrôle de la politique étrangère occidentale projettent leur propre comportement et leur propre histoire sur la Chine, en supposant que la Chine doit également avoir pratiqué le génocide et le colonialisme pour parvenir à ce qu’elle a fait au cours des 40 dernières années. Cette projection de l’histoire est le résultat du cadrage de la Chine en tant que rival mimétique.
Il n’est pas facile d’échapper à ce piège. Lorsque quelqu’un vous donne un coup de poing, vous avez envie de répliquer immédiatement. Cela vous lance dans un va-et-vient de violence mimétique.
Cependant, au lieu de répondre en nature, la politique de la Chine, telle qu’elle a été formulée par le ministre des affaires étrangères Qin Gang, élude les termes mêmes de la rivalité occidentale. Pour reprendre une expression américaine pittoresque, elle « refuse de se battre avec un cochon » – le cochon y prend plaisir et vous vous salissez tous les deux. Il faut beaucoup d’habileté pour ne pas tomber dans la spirale mimétique, mais malgré les provocations incessantes de l’Occident, la Chine continue de le faire et préserve ainsi sa liberté de se concentrer sur un développement pacifique et de rester ouverte au monde. Ce faisant, elle crée les conditions d’un nouvel ordre multilatéral fondé sur la coopération pacifique.
Aujourd’hui, la politique étrangère de la Chine est délibérément non rivale et non exclusive. Elle rejette par principe la formation de blocs et de camps dirigés contre des tiers. Cette détermination va bien au-delà de la tactique, voire de la stratégie. Il s’agit d’un engagement philosophique ancré dans la culture politique du pays, motivé par une conception ancienne des relations interétatiques, enracinée dans le bien commun de l’humanité. Au lieu de la division, elle recherche la paix, l’unité et la prospérité commune.
Ce ne sont pas que de belles paroles. Les chinois font la différence entre la possibilité de paix et la capitulation à un « ordre fondé sur des règles » qui n’est qu’un autre nom pour l’hégémonie occidentale soutenue par une guerre perpétuelle.
La Chine est en train de forger un ensemble de relations imbriquées et chevauchantes à travers le monde, fondées sur le commerce, les infrastructures et les échanges éducatifs, sur la coopération plutôt que sur l’intimidation militaire et l’exploitation financière. Les élites occidentales rejettent les déclarations de principe telles que celles de Qin comme une feuille de vigne idéologique au même titre que les discours occidentaux sur la démocratie et les droits de l’homme. Elles n’imaginent pas les relations internationales autrement que comme un concours de force coercitive. S’appuyant sur leur propre histoire, elles ne peuvent imaginer qu’une grande puissance puisse s’élever sans guerre ni pillage.
Les élites occidentales n’étaient donc pas préparées au grand succès diplomatique de la Chine du mois de mars, à savoir le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui aura des répercussions au Moyen-Orient et au-delà, en particulier dans les pays du Sud.
Ils ne peuvent accepter qu’il s’agisse simplement d’une diplomatie chinoise qui fait ce qui est écrit dans le programme, en appliquant des principes que les diplomates chinois ne manquent jamais de rappeler.
En évitant le jeu à somme nulle et en contournant la rivalité de la peur et de l’envie qui anime la politique occidentale, la politique étrangère chinoise catalyse un changement profond dans la politique internationale. Elle construit les normes et l’infrastructure mondiale, au sens figuré, en béton et en acier, d’un nouvel ordre multilatéral fondé sur la coopération pacifique et la prospérité partagée.
L’avenir qui s’annonce est immédiatement reconnaissable et convaincant pour les autres pays du Sud. Il semble toutefois terrifier l’Occident.
Comment expliquer autrement la stupidité éhontée qui consiste à essayer d’exporter l’OTAN vers l’Asie en coordonnant l’interaction entre l’OTAN et ses alliés de l’Indo-Pacifique, alors même que son expansion a conduit à une guerre échappant à tout contrôle en Europe. Comment expliquer autrement l’imposition d’AUKUS, un pacte de sécurité trilatéral entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, sur la mer de Chine méridionale, sans tenir compte de l’ordre pacifique que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) a soigneusement construit dans la région pendant 50 ans en appliquant exactement les principes de non-ingérence, de non-rivalité et d’ouverture que la politique étrangère chinoise est en train de mondialiser.
La politique étrangère occidentale signale aujourd’hui aux Asiatiques, mais aussi aux Africains et aux Latino-Américains, l’effondrement moral et intellectuel du leadership occidental. Face à l’aube nouvelle de la coopération mondiale, l’Occident mène un combat d’arrière-garde qui n’offre que division, stagnation et guerre. Et il semblerait que l’Occident devienne de plus en plus différent des autres.
Savoir déceler les usages déviés de la TM comme se méfier des biais de confirmation, telles sont certaines des conditions d’une adhésion sérieuse à la pensée de René Girard. Merci Jean-Louis.
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La question ici n’est pas celle de la théorie mais du model mimétique.
Hors il se trouve que le model mimétique des occidentaux…
A savoir les USA, n’en est plus pour de nombreux pays du tiers-monde et d’Asie …
Pourquoi ???
1 la Russie Poutine avait de meilleurs raisons de faire la guerre à l’Ukraine que l’Amérique de Bush à l’Irak.
(Raisons historiques linguistiques et défensives) pour l’Irak seul à primé l’esprit de prédation des ressources pétrolières.
2 la question financière. Les pays d’Asie ont souffert d’une crise avant 2008 celle de 1997. Et le FMI ainsi que les occidentaux n’y ont pas répondu de manière adéquate.
3 la question sociale. Les USA n’ont pas réglé leurs problèmes sociaux pire ils l’ont accentué.
Le soft power américain n’a qu’un seul charme… Celui de la Démocratie et cette démocratie est de plus en plus disfonctionnelle.
Voilà.
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Comme secrétaire de l’ARM, je vois défiler dans le courrier les messages délirants des assoiffés de boucs émissaires plus souvent que des confirmations que le message girardien a été bien reçu.
Le billet informé de Jean-Louis est d’une grande nécessité. En temps de paix et pour que la paix puisse régner le plus longtemps possible.
Mais quand il faut choisir son camp, c’est inévitable en cas de guerre, il doit devenir bien difficile de résister à l’esprit partisan, à la désignation de l’ennemi comme porteur de tous les maux qui nous accablent, au désir d’exterminer le mal en l’exterminant, bref, comment échapper au mécanisme du bouc émissaire ?
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L’article de John Pang et l’introduction de Jean-Louis Salasc sont terrifiants. Comment fonder un ordre mondial un tant soit peu pacifique si les nations « se bercent de l’illusion de leur propre innocence » ? Comment éviter que les crises internes dégénèrent en résolution sacrificielle au dépens d’une nation bouc émissaire ? On en voit l’illustration parfaite en ce moment en Ukraine. Je suis sans illusions quant à la symétrie de cette diabolisation. L’Occident fait la même chose, peut-être avec moins de zèle partisan, mais cela tient surtout au régime politique et à la culture : nous n’avons pas besoin, en démocratie, de prouver constamment notre adhésion sans faille au parti.
L’association non-violente dont je fais partie aborde ce problème avec un outil visuel : la « Roue du Changement de Regard ». La résolution non-violente d’un conflit passe par une approche qui ne nous est pas naturelle : commencer par écouter l’Autre, aussi hostile soit-il. Reconnaître sa part de vérité et notre part de violence. Cette étape dans le dialogue a pour surprenante conséquence de sortir la partie adverse de sa paranoïa, de la rendre capable d’entrer à son tour dans l’écoute de notre point de vue à nous. Ce dialogue non-violent est-il transposable à la diplomatie ? On a envie de répondre oui : l’indépendance de l’Inde s’est faite sans le redouté bain de sang entre les colonisateurs et les colonisés, en grande partie grâce au dialogue établi entre Gandhi et Louis Mountbatten. De part et d’autres, on s’est écouté. Voilà l’exception.
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Je « like » le commentaire positif d’Hervé. Mais si j’entends dire tout le temps qu’une négociation avec le régime de Poutine est impossible tant qu’une victoire militaire du camp occidental, c’est-à-dire de l’armée ukrainienne n’aura pas été obtenue, je n’arrive pas à me persuader que nous sommes victimes d’une propagande guerrière : s’il était vraiment possible de terminer cette guerre d’agression sans sacrifier l’indépendance de l’Ukraine, ce serait vraiment l’intérêt de tout le monde. Enfin de tous ceux qui pensent que l’Ukraine a le droit d’être indépendante.
C’est pourquoi il me semble que « choisir son camp », c’est-à-dire son bouc émissaire, en effet, est inévitable en temps de guerre. Comparaison n’est pas raison, on se réfère trop souvent à la seconde guerre mondiale, à la lutte contre le nazisme ; mais les crimes de guerre, les attaques contre les civils, les déportations etc. sont avérés sur le seul territoire ukrainien et la qualification de « nazi », pratiquée de part et d’autre à l’endroit de l’ennemi, cette « diabolisation symétrique » n’induit pas qu’il faille faire de l’agresseur et de l’agressé des « jumeaux de la violence ».
La résolution non violente d’un conflit, c’est d’écouter l’autre, c’est évident. En temps de paix . Maintenant, c’est trop tard, il faut gagner la guerre.
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Il me semble que le différend entre Hervé et Christine à propos de la non-violence a été résolu par Carl Schmitt (désolé de devoir y revenir encore…) et par la distinction qu’il opère entre hostis et inimicus. La non-violence évangélique concerne l’inimicus, et elle peut effectivement s’exercer entre deux rivaux, par l’écoute mutuelle. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit de l’hostis. Christine se place sur le plan de l’hostis, Hervé sur celui de l’inimicus : la discussion s’avère forcément impossible car les objets sur lesquels ils se basent se dérobent sous leurs pieds. Bien entendu, s’agissant de la guerre d’agression engagée unilatéralement par la Russie, je donne raison à Christine. Avec cette nuance toutefois: il ne nous est pas demandé de choisir « son bouc émissaire », et ceci pour deux raisons. Parce que « avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a » (Girard), c’est une raison purement logique. Et parce qu’un bouc-émissaire est, par définition, un sujet innocent chargé de nos fautes. La solution, comme je l’ai exprimé dans ma réponse à l’intervention de Dupuy (que j’ai trouvé choquante), c’est de faire appel à la justice, qui n’est pas, comme le pense Hervé, un système sacrificiel, mais un processus destiné à mener à la vérité des faits, en vue de clore le cycle de la vengeance, de la réciprocité.
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Quand René Girard écrit (je ne sais plus où exactement) qu’avoir l’esprit partisan, c’est « choisir son bouc émissaire » (les bourgeois pour les prolétaires et les prolétaires pour les bourgeois ( excusez ce langage un peu daté mais la lutte des classes est une référence obligée au XXème siècle), il ne veut certainement pas dire que ce choix est celui d’un faux coupable (l’ennemi de classe, par définition, est coupable, nécessairement coupable des injustices et des désordres qui déchirent une société) ni que le bourgeois et le prolétaire sont « innocents », c’est-à-dire victimes d’une violence qui ne les concerne en rien !
La différence entre ceux qui ont lu Girard et les autres, ici, me semble être que les girardiens sont obligés de savoir que le mécanisme victimaire est pétri de méconnaissance, repérable seulement si l’on est tout à fait extérieur au conflit. Or, dans cette guerre localisée chez nous, en Europe, mais qui a la dimension planétaire d’une guerre de « l’Occident contre le reste du monde » ou si l’on préfère (c’est notre préférence, n’est-ce pas ?) d’une guerre anti-occidentale, il y a bien deux interprétations incompatibles de qui est le loup et qui est l’agneau et du bien-fondé de chaque parti à se dire la victime récalcitrante de l’autre. Je pense à la fable de La Fontaine parce qu’il y a bien 2 manières de la lire : la plus girardienne fait du loup et non de l’agneau le « bouc émissaire » de la fable, justement parce qu’il passe inaperçu comme tel !
Tout ça pour dire que le « girardien du rang » comme dit JL Salasc, ne peut oublier que le choix inévitable qu’il a à faire, dans une situation de guerre, est le choix d’un bouc émissaire. Personnellement, je « diabolise » Poutine, je prie pour qu’il meure etc. mais je sais que je suis non seulement influencée par les médias « occidentaux » mais aussi, plus souterrainement, actionnée par un mécanisme victimaire qui vient du fond des âges et a contribué à forger mon intellect. Et le vôtre !
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Chère Christine, je trouve votre réponse d’une grande subtilité, toute girardienne, puisque vous relevez, en citant son auteur, la confusion qui naît forcément lorsqu’on approche du paradoxe humain. Girard a su le révéler mieux que quiconque : c’est le lieu du sacrifice, qui recouvre la méconnaissance qui est la nôtre du phénomène de bouc-émissaire.
Mon intervention visait, très immodestement, je vous l’accorde d’avance, à « corriger » encore une fois, non pas une « erreur », mais une imprécision terminologique apparue sous la plume du maître. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. J’avoue ma préférence pour la formulation alternative suivante : « Avoir l’esprit partisan, c’est choisir un adversaire », et non un « bouc-émissaire », parce que si « avoir un bouc-émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a », il nous est impossible de le choisir. Désigner n’est pas choisir. La polarité mimétique qui nous mène à la désignation d’un tiers exclu est incapable de tout discernement, et donc de comparaison et de choix.
Mais je note aussi votre référence implicite au puissant article de Michel Serres : « L’homme est un loup pour l’homme », in « René Girard et le problème du mal ». Sans doute sa plus précieuse contribution à la théorie mimétique. Nous sommes bien d’accord : ce qui importe n’est pas de distinguer les bons et les méchants que les fables de La Fontaine nous désignent perfidement (ce qui en fait de véritables paraboles) : « Tout le discours du loup est justifié, la plaidoirie humble de l’exclu qu’on n’écoute jamais puisqu’il est mauvais, c’est la complainte de celui qu’on charge des péchés du monde. (…) Pour comprendre enfin nous devons dire A est B, le loup est le bouc, le bouc émissaire. La raison du plus fort est celle de l’agneau, qui a, derrière lui, les chiens et les bergers, la force, et qui, avec lui, a le droit : la robe laineuse, virginale et blanche, de l’innocent faible et bêlant. Qui a la force et le pouvoir, l’argent et la parole, a, généralement de plus, l’innocence et le droit avec lui. » (p.303)
C’est pour cette raison que je m’intéresse particulièrement au Carl Schmitt de « Ex Captivae Salus », car ce grand juriste se trouve, une fois n’est pas coutume, dans le box des accusés, et il comprend alors ce que Serres nous explique avec son éloquence habituelle. Ce « loup » prend alors la parole pour protester contre l’alliance du droit et de la force, contre l’accaparement du droit par les vainqueurs d’un conflit. Et son coup de génie, c’est d’en appeler alors encore au droit, à la justice comme pardon et « amnésie » (dans le sens de « passer l’éponge » : je me suis déjà expliqué là-dessus). La justice pardonnante contre le droit du vainqueur. Et pour tenter de comprendre au mieux cet auteur si difficile, on peut lire Ernst Nolte et Ernst Jünger (je regrette que la longue correspondance entre Schmitt et Jünger ne soit plus disponible en français). Jünger me semble en effet contester certaines thèses de Schmitt avec le plus de pertinence, et chez lui aussi, c’est à travers l’expérience traversée du mal que sa vérité lui apparait avec la force de l’évidence :
« Mon Anglais était étendu devant – un jeune garçon à qui ma balle avait traversé le crâne de part en part. Il gisait là, le visage détendu. Je me contraignis à le regarder dans les yeux. Je suis souvent revenu en pensée à ce mort, et plus fréquemment d’année en année. Il existe une responsabilité dont l’État ne peut nous décharger ; c’est un compte à régler avec nous-mêmes. Elle pénètre jusque dans les profondeurs de nos rêves. » (Orages d’acier, p.318 éd. poche)
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En revenant de sa rencontre avec le sultan, St François d’Assises est « transformé ». La rencontre a lieu en pleine croisade, l’exemple par excellence d’une rivalité irréconciliable, une guerre « sainte ». Aucune discussion n’est possible. St François se rendait-il à Damiette pour convertir le Sultan ? On n’en sait rien. Que s’est-il dit entre les deux hommes ? Mystère.
Sur le plan de l’histoire, cette rencontre n’a rien changé. Il fallait toujours, des deux côtés, gagner la guerre. De ce point de vue, vous avez parfaitement raison, Christine et Benoît.
Mais il y a une autre dimension. Je fais l’hypothèse que St François abordait la rencontre encore rempli de l’assurance de détenir la vérité, et qu’il fallait en con-vaincre l’ennemi. Ce qui se produit alors est de l’ordre de la conversion religieuse ; non pas gagner ou perdre, imposer ou céder, mais renoncer, faire, au contact de l’Autre, le deuil de la forteresse dogmatique qui nous protège, un Autre on ne peut plus différent puisque nous l’avons assimilé au mal, à la perdition. Il fallait à St François un « ennemi » pour s’élever à la sainteté, au-dessus du conflit. C’est au cœur de la crise que tout a lieu.
Je ne vois pas de raison formelle qui interdirait l’extension de cette conversion individuelle au grand nombre. Quant aux conditions pour que cela devienne réalité, c’est une autre affaire.
Des exemples de paix impossible, nous en avons pléthore. Mais comme il est écrit :
« vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas » (Jean 6, 36)
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Hervé écrit : « Je ne vois pas de raison formelle qui interdirait l’extension de cette conversion individuelle au grand nombre. Quant aux conditions pour que cela devienne réalité, c’est une autre affaire. » Je suis tout à fait d’accord. Mais c’est précisément «cette « autre affaire » qui nous intéresse…La raison formelle avancée par Schmitt est la confusion hostis-inimicus, mais il se contredira lui-même durant sa captivité, où il dépasse son point de vue étroit de juriste, et son attachement à Thomas Hobbes, me semble-il. Wolfgang Palaver a tenté de contester Schmitt en s’attaquant à son œuvre pendant dix ans, après l’avoir désigné comme son ennemi. Il en fait le compte-rendu dans un article paru dans « La spirale mimétique, 18 leçons sur René Girard » avec une grande honnêteté. Il affirme que Schmitt se contredit dans « Ex Captivae Salus », mais à mon avis, c’est plutôt dans « Sagesse de la cellule ». Sans avoir la connaissance acquise par Palaver au sujet de son « obstacle », contre lequel il bute avec obstination, je pense qu’il ne voit pas l’essentiel. C’est la foi profonde de Schmitt qui déclarait : « Je crois au katechon, il est pour moi la seule possibilité en tant que chrétien, de comprendre l’histoire et de la trouver sensée. » (cité par Doremus, Ex captavae salus, expériences des années 1945-1947). Je ne développerai pas plus loin… Je précise que j’ai relu l’article de Palaver afin de tenter de mieux te comprendre. Cet article est excellent, bien que critique et assez injuste à mon avis, et je veux simplement préciser ce que je considère comme un oubli majeur de sa part au sujet de son ennemi et sujet d’études. L’adversité laisse subsister une tâche aveugle, qui comme on le sait, occupe toujours une place centrale. Car il se pourrait bien que Schmitt soit un des meilleurs interprètes de Saint Paul, en le réactualisant. Mais cela reste une intuition que l’aridité de l’œuvre de Schmitt et la difficulté à se procurer ses œuvres m’empêchent de formaliser plus avant, pour l’instant.
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Effectivement il y a un glissement progressif de l’analyse mimétique que nous connaissons à un réthorique anti-occidental qui le contredit.
Mais au fond, est-il réellement possible d’écrire en Chine que leur politique mène directement à la guerre ouverte ?
Je me trompe peut-être mais je crois qu’il s’agit d’une mise en garde soigneusement camouflée par une réthorique anti-occidentale en utilisant le principe que les premiers paragraphes sont plus lus que les derniers.
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Lorsque je lis sous la plume de Jean-Louis Salasc : « la Chine affiche comme objectif explicite de faire triompher son modèle de société. Or, celui-ci est directement issu de la doctrine communiste… », je fais un bond. Je ne vois absolument pas ce que le système chinois actuel a quoi que ce soit à voir avec la « doctrine communiste ». Je pourrais faire exactement la même rque à propos de la Russie du tsar Vladimir. Ces deux pays sont des dictatures criminelles qui encouragent le capitalisme le plus débridé, à condition bien sûr que celui-ci se soumette à l’oligarchie politique et militaire au pouvoir (cf. la remise au pas de Khodorkovski qui a passé 10 ans en Sibérie ; l’avertissement sans frais – 3 mois de silence, je crois – fait à Jack Ma par l’empereur Xi).
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Si vous le permettez, je corrige les coquilles et modifie légèrement le précédent commentaire, qu’il n’est alors plus nécessaire de publier :
On se rappellera ce que disait le dernier gouverneur anglais de Hong-Kong, le désir démocratique est réel dans le peuple chinois, mais il sera long de s’émanciper du parti communiste et de ses 90 millions de membres.
Qu’ils continuent de se mirer au miroir mimétique des ouïghours ou des tibétains, ils s’apercevront fatalement que le visage qu’ils décrivent est le leur, semblable au nôtre avant les désastres impériaux qui n’ont pas su, déjà et les chinois devraient l’entendre, assurer une quelconque domination en désignant bouc émissaire.
Libres à eux de singer contre nous notre échec, il nous reste encore un peu de temps pour inventer réellement les nouvelles institutions européennes fondées sur la réconciliation, reconnaissance de l’obsolescence sacrificielle qui exige du citoyen un choix libre et souverain, quand toute idéologie ne peut plus masquer l’hypocrisie qui ne sert qu’à être le faux-nez d’un désir d’oppression.
Il n’y a là aucune leçon de morale, mais simple pragmatisme qui tiendrait enfin compte de notre structure sacrificielle.
Nous reste à incarner, après le Covid et au pied du mur ukrainien, le refus de je ne sais trop quel retour barbare aux croisades nationalistes des européens qui n’ont jamais su reconnaître qu’ils ont déjà perdu, préfèrent retourner aux obscurités superstitieuses d’une autorité mensongère et à ce titre définitivement abattue, plutôt que de dessiner la seule qui vaille d’être défendue et reste encore à construire, l’autorité fraternelle des défenseurs de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie, celle qui s’aperçoit enfin qu’il est temps de renoncer au corps double de la royauté du sacrifice, car désormais le souverain est le peuple éclairé qui, enfin, ouvre la voie aux chemins de la sainteté du royaume.
Est-on prêt à donner notre vie sans rétribution sacrée pour défendre cette idée seule à même d’envisager un avenir viable, au simple nom de cette vérité que nous partageons avec les chinois, le texte de John Pang en témoigne, nous n’en sommes plus à la domination et à vouloir l’obtenir ?
Si les européens n’arrivent pas à incarner ce nouveau modèle, les empires, qu’ils soient américains ou chinois, ne sauront que s’entre-détruire dans une montée aux extrêmes qui ne sait qu’imiter la vieille baderne sacrificielle, celle-là qui pourtant a déjà démontré son obsolescence lors des deux conflits mondiaux précédents, s’ôtant toute possibilité d’entendre les textes qu’ils utilisent pour nous dominer au nom de la vérité mimétique qui pourtant nous déjà abattu, et qui, fatalement, les abattra.
Reste alors la conscience commune de ces textes, dans la mesure où l’Europe dominerait ses propres divisions, qui permettrait universellement d’entendre quel est le langage, individuel comme diplomatique, seul à même de permettre à chaque individu sur cette terre de faire l’apprentissage de l’empire sur soi-même, seule morale qui invite personnellement chaque citoyen à cet exercice sans en faire un instrument de coercition, qui est l’exercice de la liberté individuelle par la connaissance de sa propre condition.
Il est en ce sens heureux que l’empire du levant en appelle à la théorie mimétique, elle l’amènera fatalement à partager avec nous ce réel qui n’est pas rationnel mais relationnel, et répondre à cette invitation qui nous est faite par notre réalité mimétique commune d’ensemble inventer ce nouveau langage indispensable à notre
survie :
« La distinction entre le sacré et le saint qui a commencé à émerger lorsque Girard lui-même a accepté l’impossibilité d’un autre mot pour un sens positif du sacrifice, marquerait-elle l’indice d’une nouvelle source d’intelligibilité de la crise[6] ? Une nouvelle capacité à discerner comment nous nous impliquons dans toute péripétie de la crise sacrificielle où nous nous trouvons. La sacramentalité n’est pas le domaine des signes muets. Il y a toujours des mots interprétatifs qui forgent un nouveau sens. Comment pourrions-nous, relativement indépendamment de l’appartenance religieuse formelle, découvrir avec les outils linguistiques que Girard nous a donnés, une participation créatrice aux signes faibles que le pardon continue à rendre vivants alors même que la violence de la crise qu’est l’être humain tente sans cesse de nous faire revenir à l’ancien et au plus simple, aux vieilles outres du sacré. »
https://jamesalison.com/fr/repenser-la-sacramentalite-apres-rene-girard/
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Un grand merci à Aliocha pour ce texte de James Alison, un peu difficile pour qui manque d’habitude en matière de nourriture spirituelle, mais toujours aussi encourageant, vivifiant : la joie de cette lecture vaut la peine…
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Merci à vous, chère madame, de partager cette joie du Réel qui nous invite à l’espérance.
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Merci à Jean-Louis pour nous avoir soumis cet article de Pang, de si belle apparence… Il reste à trouver le ver dans le fruit. Son commentaire est suffisamment éloquent à ce sujet, et je l’approuve entièrement. La question subsidiaire du communisme me semble avoir été résolue avant même la réponse chinoise, et cette réponse est assez évidente : le communisme n’est rien d’autre qu’un capitalisme étatique. Mais un aspect particulièrement pernicieux me semble devoir être mis en lumière.
Il me semble que le « ver » n’est pas à chercher dans le fruit, mais à sa surface elle-même, de si belle apparence, et qui est présentée ainsi par John Pang : « Au lieu de la division, [la Chine] recherche la paix, l’unité et la prospérité commune. » On peut en effet le croire sur parole. Et qui n’aspire pas à la paix, à l’unité et à la prospérité de tous ? Or c’est précisément cette promesse que le christianisme déchire : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée… » Et les yeux des chrétiens ne sont pas orientés vers la prospérité de tous, mais vers la pauvreté de l’un : de celui qui a failli, qui a buté sur un obstacle, qui s’est perdu… Cette brebis égarée, le fils prodigue de la parabole… Je développe cela dans un article « Pour une économie franciscaine », qui rappelle les fondements de notre économie libérale un peu trop oublieuse, précisément, de ces fondamentaux. J’espère qu’il sera publié.
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Je crains que l’on ne dévoie le terme de bouc émissaire en l’utilisant à tout propos, voire sans discernement. C’est ce qui se produit en réduisant l’esprit partisan au partage d’un même bouc émissaire. Je peux certainement appliquer cette lecture pour tenter de comprendre pourquoi les classes populaires votent majoritairement contre leurs propres intérêts socio-économiques (je fais référence ici à leur vote pour le RN au premier tour de l’élection présidentielle française de 2022 – http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2022/04/Rapport-HarrisxToluna-Sociologie-du-vote-au-1er-tour-de-lelection-presidentielle-2022.pdf). En revanche, quand il s’agit de la guerre contre le nazisme par exemple (désolé, Mme Orsini), je ne suis plus du tout d’accord. Les nazis n’étaient pas nos boucs émissaires !!! Ils étaient nos ennemis mortels (rivaux mimétiques si vous voulez). Il fallait choisir son camp en effet. Ce qui se passe en Ukraine actuellement ne me pose aucun pb moral. J’ai choisi mon camp dès le premier jour et je n’ai pas fait du peuple russe mon bouc émissaire, mais de la dictature criminelle de Poutine et son gang, oui, certes.
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Monsieur Julien, c’est moi qui suis désolée de ne pas être comprise. Laissons les vrais nazis là où ils sont, dans les cimetières. J’ai fait en effet référence, après Hervé van Baren, à la diabolisation réciproque des armées et des peuples en guerre, Russes et Ukrainiens qui se traitent mutuellement de « nazis ». Mais sans parler de « bouc émissaire » et sans insinuer que les nazis aient pu tenir ce rôle dans l’histoire !
Votre indignation me semble dépourvue de sens et malveillante à mon égard.
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Je n’ai vu pour ma part aucune malveillance dans le billet de Mr Julien, sinon, je n’aurais pas « liké ». Il y a sans doute un malentendu quelque part…
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Mme Orsini, vous vous défendez tant bien que mal d’une tendance qui consiste à psychologiser les commentaires des uns et des autres (vous l’aviez déjà fait avec Proscenium si je me souviens bien). Mais :
1. Je maintiens ce que j’ai écrit au sujet du dévoiement occasionnel du concept de bouc émissaire, tel que défini par Girard ;
2. Sur la malveillance, no comment, voir plus haut…
PS J’ai acheté, lu et apprécié votre « que sais-je » sur Girard. J’en ai même offert un exemplaire à ma fille dans l’espoir (vain pour l’instant), qu’elle le lise un jour.
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A l’appui de cette discussion sur la nature du bouc-émissaire, terme qu’il convient effectivement d’employer à bon escient, citons (de mémoire) Julien Freund dans son introduction à « L’essence du politique », répondant à Jean Hippolyte : « Ce n’est pas nous qui désignons l’ennemi, c’est lui qui nous désigne ». Cela va donc encore au-delà de la distinction fondamentale hostis-inimicus, que Freund poursuit après Schmitt, puisque l’entrée dans le conflit n’exige même pas que nous ayons un ennemi (hostis). C’est tout à fait la situation ukrainienne. Un pays qui n’avait rien contre son voisin (mais qui éprouvait une crainte fort légitime) est désigné comme ennemi par ce voisin. C’est la fable du loup et de l’agneau : l’agresseur trouve toujours de bonnes raisons pour se justifier.
À propos de ces jeux de miroir que nous devrions avoir tous dépassé, en tant que girardiens, je voudrais préciser à l’attention d’Aliocha, qui me propose un miroir, que mon incise (sur « France sous émeutes; crise du désir? ») était sans doute fort maladroite, puisqu’elle a donné lieu à malentendu. Elle ne visait pas ceux qui utilisent un pseudo, comme je le précisais au début.
Mon opinion sur le militantisme agissant sur les forums s’est forgée il y a quelques années sur un autre forum girardien, qui n’a pas survécu aux coups de boutoir répétés d’un de ses membres, que j’ai eu la bêtise de défendre au nom de la liberté d’expression (ou de l’anti-politiquement-correct, si l’on veut…). J’ai pu établir par la suite qu’il s’agissait d’un militant FN : ce genre de partis entretient une brigade de trolls, et ce depuis le tout début des forums, il y a plus de 20 ans, afin de détruire ce qui ne lui convient pas (il me l’a lui-même expliqué : je suis tombé des nues). Pour eux, nous étions des « gauchistes », ce qui était aussi ridicule que l’accusation inverse, péniblement répétée actuellement ici. Ayant bien malgré moi contribué à nuire à ce site remarquable, et à la personne qui le modérait, qui a toute mon amitié, j’ai voulu faire amende honorable, et prévenir… C’était maladroit, je le confesse, et surtout, ce n’est pas mon rôle ici. Je pense que Jean-Louis Salasc a tout à fait conscience de la situation sur le net ; ces « fermes à trolls » financées par la Russie, la Chine, et quelques organisations islamistes. La violence sur internet est une réalité qui peut avoir les conséquences que l’on sait. Je pense à Samuel Patty. De ce fait, l’anonymat est aussi un moyen de s’en protéger. Mais je considère que ce forum est voué à la recherche mimétique et non au militantisme : si je ne suis pas à ma place, si ce n’est pas le cas, qu’on me le dise simplement, et je m’en irai, sans faire de vagues bien sûr…
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Ce n’est sûrement pas moi qui voudrait exclure vos remarquables analyses.
La problématique du débat démocratique est qu’elle ouvre la porte aux invectiveurs qui appâtent par l’injure et excitent le scandale des divisions, et que la véritable difficulté est d’apprendre à ne pas répondre à l’insulte par l’insulte, qui souille la bouche de celui qui la profère et finit par indifférencier le discours équilibré avec sa critique injurieuse, le but étant d’en vider la substantifique moelle
C’est exactement ce qu’opère John Pang, Poutine et cie qui , au nom du message évangélique, justifie et dissimule leur désir par le désir de l’autre et tous nous risquons de tomber dans ce jugement du coup illégitimé puisqu’alors nous faisons la même chose, plutôt que de reconnaitre nos similitudes persécutrices dans l’affirmation de nos différences.
C’est aussi la problématique des barons des GAFAM où la compétition féroce qu’exacerbe l’outil numérique sert leurs intérêts économiques, et doit alors accueillir ceux qui, au nom de la liberté, utilise l’outil pour décider de s’en passer, alors que c’est justement la liberté qui permit, comme le pardon permit le développement européen, d’en développer la redoutable efficacité.
Comme le propose Alison, il n’y a que la prise de conscience du phénomène religieux, pris dans sa signification relationnelle, qui nous permettra de doter l’État de droit d’institutions ayant pris conscience, à l’image de leurs citoyens éclairés, de cette réalité commune à tous.
C’est peu de dire que nous n’y sommes pas encore, et je vous rejoins dans la maladresse qui tous nous guette à nous penser du côté du bien, plutôt qu’à toujours reconnaitre la poutre de notre propre insuffisance mutuelle, celle-là qui fonde notre capacité à la solidarité fraternelle, laissant la paille des insultes s’exclure d’elle-même du débat démocratique.
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Cher Jean-Louis,
Avec quelques mois de recul et la quasi-marque déposée de « Sud global », la question-titre ne prendrait-elle pas plus de sens si elle était inversée : le reste du monde contre l’Occident ?
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