Voici l’ennemi

 « Ennemi » : l’actualité fait depuis quelques temps un usage surabondant de ce mot. Il ne fait pas partie du vocabulaire girardien. Non que René Girard ne l’emploie pas, en particulier dans « Achever Clausewitz » ; mais il n’en a pas fait un concept de la théorie mimétique. A la réflexion, c’est un peu étrange, dans la mesure où cette théorie rend compte de la violence entre les êtres humains. Comment se fait-il qu’un terme aussi usuel pour décrire les antagonismes, partant la violence, n’ait pas trouvé sa place dans le corpus girardien ?

Dans les définitions classiques du mot « ennemi », entrent haine et volonté de nuire. Haine et volonté de nuire à l’égard de quelqu’un ou de sa part ? Les définitions ne sont pas claires. Cette personne est-elle mon ennemi parce que je la hais et que je cherche à lui nuire, ou est-elle mon ennemi parce qu’elle me hait et qu’elle cherche à me nuire ? Notre soif de bonne conscience se hâtera de répondre à cette question. Néanmoins, elle demeure, et elle implique une circularité,  une réciprocité, à laquelle le girardien du rang ne saurait faire la sourde oreille : elle l’entraîne sur la piste de l’ennemi comme rival mimétique.

Le mot « ennemi » vient du latin « inamicus ». Il ne désigne donc pas une notion première, il n’est que la négation de la notion d’amitié. La latin propose un autre terme pour désigner un ennemi, c’est le mot « hostis », d’où viennent hostile, hostilités, etc. tous des termes parfaitement dans le sujet. Mais « hostis » partage une même racine avec un autre mot latin de signification très différente : « hostia ». Ce mot désigne la victime lors d’une offrande aux dieux. D’où l’hostie de la religion catholique. Comment reprocher au girardien du rang de se dire : me voici sur la piste de l’ennemi comme victime émissaire.

Alors, l’ennemi est-il le rival mimétique ou le bouc émissaire ?

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Un rival mimétique mérite bien sûr la qualification d’ennemi ; nous le haïssons en tant que modèle-obstacle et nous cherchons à le neutraliser. Mais est-il possible d’avoir des ennemis qui ne soient pas des rivaux mimétiques ? A cette question, la théorie mimétique répond par un postulat, le postulat fondamental selon lequel tout vient du mimétisme. Chacun reste libre d’accepter ou pas un postulat. La question de l’identité entre ennemi et rival mimétique n’est donc pas réglée.

Venons-en à la piste de l’ennemi comme bouc émissaire.

Nous avons vu à quel point l’étymologie accrédite cette thèse. Et non seulement « hostis » (l’ennemi) et « hostia » (la victime sacrificielle) partagent la même racine, mais par surcroît, le mot « hostis » a un autre sens : il signifie « l’étranger », l’étranger qui est accueilli. Il en vient le terme « hospitalia », qui désigne chez Vitruve les appartements réservés aux étrangers. « Hospitalia » n’a pas seulement donné « hospitalité » et « hôpital », mais aussi « hôte » (encore un terme d’une circularité parfaite, puisqu’il désigne aussi bien celui qui est accueilli que celui qui accueille) et même « otage », dont l’étymologie est plus visible dans le mot anglais « hostage ».

Comment ne pas penser au mécanisme, si bien décrypté par Girard, selon lequel un étranger, un captif, doit d’abord être accueilli dans la communauté, intégré en quelque sorte, afin de faire un « bon »  bouc émissaire ?

Par ailleurs, bouc émissaire et ennemi présentent de nombreux points communs.

A l’un comme à l’autre est attribuée l’origine des maux qui accablent la communauté. En conséquence de quoi, l’harmonie et le bien sont censés jaillir spontanément après son sacrifice  (bouc émissaire) ou sa neutralisation (l’ennemi).

D’autre part, l’un comme l’autre font l’objet d’une « désignation ». Comme le disait Carl Schmitt, « L’essence du politique, c’est de désigner l’ennemi » ; l’ennemi, au sens collectif, est donc quelqu’un qui a besoin d’être désigné. Mais le bouc émissaire également. Les commentaires de Girard sur le (prétendu) miracle d’Apollonius de Tyane montrent que la cristallisation d’une communauté sur une victime émissaire a besoin d’un médiateur.

Mais en dépit de l’étymologie et de ces points communs, il est aisé de constater qu’ennemi et bouc émissaire diffèrent profondément.

D’abord, citons Girard : « Avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a ». A contrario, l’existence d’un ennemi nous échappe rarement, que nous le haïssions ou que ce soit lui qui nous haïsse.

Ensuite, nous cherchons toujours à neutraliser un ennemi, peut-être pas le détruire, mais au moins l’empêcher, le contraindre, l’isoler. Tandis qu’un bouc émissaire, nous le conservons, nous en prenons soin, autant que de ces rois africains dont René Girard raconte, dans la « Violence et le sacré », les égards et faveurs que leur accordent les tribus. En tout cas jusqu’à leur mise à mort à la survenue d’une crise.

Enfin, Girard nous a fait prendre conscience qu’un bouc émissaire est toujours une victime innocente. Or, il nous est impossible de considérer comme des victimes innocentes un certain nombre d’ennemis, vaincus ou pas, ou pas encore vaincus, tels que l’histoire ou l’actualité nous les présentent ; nul besoin de citer d’exemples, ils viennent à l’esprit spontanément.

Nous voici donc partagés entre acquiescement et rejet quant à faire des synonymes de « bouc émissaire » et « ennemi ». Peut-être cette situation trouve-t-elle son origine dans la vaste polysémie du terme de « bouc émissaire », qui va de la simple « tête de Turc » ou « souffre douleur », du « fusible » ou du « lampiste » jusqu’à l’émergence des divinités, comme l’a décrit Girard pour les religions archaïques. Un précédent billet de ce blogue développe le sujet : « Mal nommer les choses ».

Je crains qu’il ne soit assez vain et plutôt inutile de discuter la question.

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Pourtant peut-être, un intérêt se présente à rapprocher les deux termes d’ennemi et de bouc émissaire. Il s’agit de sortir de la méconnaissance. Les enseignements de Girard nous en ouvrent la voie s’agissant des boucs émissaires. Un travail identique ne serait-il pas fructueux dans le cas de notre (nos) ennemi(s) ? Sommes-nous si sûrs d’être parfaitement innocents et lui (eux) parfaitement coupable(s) ? N’avons-vraiment aucune part à l’hostilité qui règne entre eux et nous ? Comment se fait-il que des ennemis mortels deviennent des amis et réciproquement ? (Ainsi Saddam Hussein, qui d’abord fut un grand ami des Etats-Unis dans sa guerre de huit ans contre l’Iran, ou encore le nouveau président de la Syrie, précédemment un dirigeant d’Al Quaïda et de l’état islamique).

D’autant plus que nos ennemis collectifs nous ont été désignés, et que dans cet exercice, l’hyperbole et le mensonge ont une place privilégiée (pensons à lord Ponsonby et à ses dix principes de la propagande de guerre).

Il ne serait peut-être pas superflu de sortir d’une éventuelle méconnaissance à l’égard de nos ennemis. Bien sûr pour la satisfaction intime de rechercher la vérité, mais surtout pour éviter des massacres inutiles et ne pas tomber dans ce que beaucoup considèrent comme l’erreur stratégique majeure : se tromper d’ennemi…

19 réflexions sur « Voici l’ennemi »

  1. D’une façon générale, les billets de Jean-Louis sont très méthodiques et s’attaquent à des distinctions de concepts, traquant les fausses différences pour faire valoir les vraies. J’aime bien ce style, indice d’une solide formation scientifique chez l’auteur et j’apprécie en particulier la dichotomie : une chose ne pouvant être elle-même et son contraire, alors si elle est comme ci, elle n’est pas comme ça, etc. Platon use de cette méthode dans un de ses dialogues réputé le plus difficile « Le Sophiste » où il s’agit de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de distinguer le philosophe du sophiste, tâche éminemment ardue puisque plus de 2000 ans après cet exercice, la confusion règne encore à ce sujet.

    Ici même, il n’y a pas longtemps, un commentateur mal inspiré, à mon avis, a reproché à Girard ou aux girardiens de confondre « bouc émissaire » et « ennemi ». Ce billet met les choses au point. Un ennemi est désigné comme tel par celui dont il est l’ennemi (objectivement ou/et subjectivement). Un bouc émissaire, jamais. Il est désigné comme tel par une tierce personne qui fait office de juge, qui estime qu’il y a maldonne, que l’accusé est innocent (au moins de ce dont on l’accuse) et donc, comme dit Girard, on ne voit jamais que les « boucs émissaires » des autres ; soi-même on a des rivaux, des adversaires, des ennemis ou ce qu’on voudra mais pas des boucs émissaires.

    Soi-même : les girardiens sont des humains comme les autres et justement, la théorie mimétique les sollicite personnellement. Elle leur demande de quitter des airs supérieurs d’initiés qui pourraient leur venir des quelques révélations renversantes qui s’y trouvent et de se poser des questions. Par exemple : qui imites-tu ? quels sont tes modèles-obstacles ? Tes rivaux ? Tes ennemis ? Ne traites-tu pas certains d’entre eux en « boucs émissaires » ? C’est-à-dire : Ne te décharges-tu pas de toi-même sur d’autres, que tu désignes comme les vrais coupables ? Qui persécutes-tu ? Etc.

    Après m’être arrêtée sur la méthode (les moyens, l’argumentation), je me suis interrogée sur la conclusion, les fins de ce billet. J’ai cru comprendre que son auteur, en vrai girardien, ne voulait pas seulement renforcer une distinction conceptuelle véritable et indispensable (le bouc émissaire /l’ennemi) mais aussi et peut-être surtout brouiller les pistes, introduire du flou dans nos désignations, et nous amener à poser autrement la question dont la réponse nous est souvent dictée de l’extérieur : « par qui sommes-nous menacés, persécutés ? »

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  2. Il y aurait beaucoup à dire sur ce billet de Jean-Louis, la réponse de Christine, et cette dichotomie entre hostis et inimicus, qui m’intéresse particulièrement. Quelques citations suffiront. De Carl Schmitt d’abord, qui le premier a fait remarquer qu’en nous demandant d’aimer nos ennemis, Jésus désignait l’inimicus (intime), et non pas l’hostis (politique). De Julien Freund, qui précisait que « ce n’est pas nous qui désignons l’ennemi, c’est lui qui nous désigne ». Et enfin de Simone Weil qui semble ici contredire Schmitt : « Mais le triomphe le plus pur de l’amour, la grâce suprême des guerres, c’est l’amitié qui monte au cœur des ennemis mortels. […] Il n’est possible d’aimer et d’être juste que si l’on connaît l’empire de la force et si l’on sait ne pas la respecter. » (L’Iliade ou le poème de la force). Il me semble que pour y parvenir, il faut précisément avoir pleinement compris la différence entre l’hostis et l’inimicus, que nos langues modernes ont écrasé, pour notre malheur, avec l’assentiment de toutes les propagandes qui ont besoin de bouc-émissaires. Mais on peut légitimement défendre sa patrie par la force en s’abstenant de haïr ses adversaires, ce qui pourra nous conduire, comme l’espérait Weil, à cette « amitié qui monte au cœur des ennemis mortels » et qui n’est pas un vœu pieux : les soldats de la Grande guerre l’ont expérimenté, parmi lesquels un de ses héros : Ernst Jünger. Est-ce un hasard si tous les auteurs cités sont chrétiens ?  

    Benoît Hamot

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    1. Je m’intéresse à votre assertion selon laquelle nous aurions écrasé dans les langues parlées d’aujourd’hui la distinction entre l’ennemi intime et l’ennemi extérieur. Je réfléchissais que n’ayant pas deux mots distincts pour désigner l’ennemi personnel et l’ennemi collectif, nous sommes obligés de préciser par un adjectif de qui et de quoi il s’agit. Dans le beau film de François Ozon, Frantz (2016) le personnage principal, un jeune français, vient se recueillir après la grande guerre sur la tombe d’un jeune allemand dont il aurait été l’ami avant guerre. En réalité, c’est plus compliqué : il vient se recueillir sur la tombe d’un garçon de son âge qu’il a tué et dont il cherche à consoler la famille afin de se consoler lui-même.

      C’est une belle méditation sur une relation personnelle, amicale et même amoureuse qui tente de se nouer à partir d’une relation d’hostilité imposée par l’état de guerre. L’ennemi était en réalité un frère. Mais même si la paix retrouvée permet cette rencontre, comment vaincre l’hostilité qui demeure entre les anciens belligérants et le ressentiment énorme des vaincus à l’égard des vainqueurs ?

      Tout ça pour dire qu’à la réflexion, le mot « ennemi » est tellement fort ( la haine, le désir de tuer y sont associés), qu’il convient de lui accoler un adjectif. On hésitera peut-être à se trouver des « ennemis mortels » si ce n’est par métaphore et on affrontera mieux la contradiction inévitable entre les sentiments que nous inspire une personne, quand on fait sa connaissance véritable et la répulsion que nous inspire, sur le papier, l’ennemi de classe ou le « barbare » qui porte la casquette MAGA.

      Est-ce à dire qu’il n’y a d’ennemis qu’imaginaires ? Hélas !! La très pacifiste Simone Weil en est venue à regretter son attitude « munichoise » devant la guerre menée par Hitler. Mais en effet, Jean-Louis, le pire serait de se tromper d’ennemi.

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      1. Christine, je suis surpris de lire que Weil serait « très pacifiste ». Avant de s’engager auprès de de Gaulle, elle s’était engagée dans les Brigades internationales, en Espagne… Étonné de lire aussi que « ennemi mortel » est une métaphore : quand on est engagé dans une guerre, on se trouve toujours devant un ennemi mortel, et c’est très concret. Mais on n’éprouve aucune inimitié réelle envers cet hostis, puisqu’on ne le connait pas, qu’on ne l’a même jamais rencontré. C’est le seul fait de la propagande d’instiller de la haine dans l’esprit d’un peuple en guerre, mais l’objet de cette haine est abstrait (« le Boche », l’Occident, le Juif…). Cette fausse haine a pour objet une idée : c’est typiquement le cas de l’antisémitisme. C’est ce qu’a découvert Bernanos:
        « Antisémite : ce mot me fait de plus en plus horreur. Hitler l’a déshonoré à jamais. Tous les mots, d’ailleurs, qui commencent par « anti » sont malfaisants et stupides ».
        Phrase trés mal interprétée en général: « Hitler l’a déshonoré », en ce sens qu’il a confondu une abstraction, le juif idéal (l’idée du juif, ou le « juif charnel ») et les juifs réels. Et le résultat est monstrueux, dément. Au fond, c’est la même erreur qui consiste à confondre l’hostis et l’inimicus, mais si les conséquences sont, apparemment, moins terribles, cette erreur est tout de même à la source des idéologies mortifères qui nous submergent.

        Benoît Hamot

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  3. Un grand merci à Jean-Louis pour son billet si riche d’informations et d’éclaircissements.  

       Que dit Jésus de nos ennemis ? Il dit qu’il faut les aimer. C’est la seule chose à laquelle ils ne doivent pas s’attendre ! Justement, c’est pour cela qu’il faut les aimer. Mais aussi, comment les aimer « comme nous-mêmes » ? Faut-il devenir l’ennemi de soi-même ? Françoise Dolto, avec ses mots de psychanalyste (L’Évangile au risque de la psychanalyse, II), nous éclaire et commente : « Aimer son ennemi, c’est aimer celui qui est support de ce que je refoule le plus en moi et que je ne veux pas reconnaître en moi. » En somme, mon ennemi est celui que je hais comme moi-même.

       On comprend que pour passer ainsi de la haine à l’amour, il y faut une véritable conversion. Ceci nous renvoie au billet précédent. Tout se tient.

    Joël Hillion

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    1. Le billet de Joël Hillion confirme à mon avis la position de Schmitt sur la sentence évangélique: l’ennemi dont il s’agit est l’inimicus, celui que je hais, et non pas l’hostis, celui qui menace ma patrie. Et si je le hais, c’est que je l’imite (il est mon modèle-obstacle), il fait donc partie de cette part de moi-même que je refoule, parce que nous ne voulons pas reconnaître que nous imitons.

      Benoît Hamot

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  4. « En amour, notre rival heureux, autant dire notre ennemi, est notre bienfaiteur. À un être qui n’excitait en nous qu’un insignifiant désir physique il ajoute aussitôt une valeur immense, étrangère, mais que nous confondons avec lui. Si nous n’avions pas de rivaux le plaisir ne se transformerait pas en amour. Si nous n’en avions pas, ou si nous ne croyions pas en avoir. Car il n’est pas nécessaire qu’ils existent réellement. Suffisante pour notre bien est cette vie illusoire que donnent à des rivaux inexistants notre soupçon, notre jalousie. Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c’est le chagrin qui développe les forces de l’esprit. D’ailleurs, ne nous découvrît-il pas à chaque fois une loi, qu’il n’en serait pas moins indispensable pour nous remettre chaque fois dans la vérité, nous forcer à prendre les choses au sérieux, arrachant chaque fois les mauvaises herbes de l’habitude, du scepticisme, de la légèreté, de l’indifférence. Il est vrai que cette vérité, qui n’est pas compatible avec le bonheur, avec la santé, ne l’est pas toujours avec la vie. Le chagrin finit par tuer. À chaque nouvelle peine trop forte, nous sentons une veine de plus qui saille et développe sa sinuosité mortelle au long de notre tempe, sous nos yeux. Et c’est ainsi que peu à peu se font ces terribles figures ravagées, du vieux Rembrandt, du vieux Beethoven de qui tout le monde se moquait. Et ce ne serait rien que les poches des yeux et les rides du front s’il n’y avait la souffrance du cœur. Mais puisque les forces peuvent se changer en d’autres forces, puisque l’ardeur qui dure devient lumière et que l’électricité de la foudre peut photographier, puisque notre sourde douleur au cœur peut élever au-dessus d’elle, comme un pavillon, la permanence visible d’une image à chaque nouveau chagrin, acceptons le mal physique qu’il nous donne pour la connaissance spirituelle qu’il nous apporte ; laissons se désagréger notre corps, puisque chaque nouvelle parcelle qui s’en détache vient, cette fois lumineuse et lisible, pour la compléter au prix de souffrances dont d’autres plus doués n’ont pas besoin, pour la rendre plus solide au fur et à mesure que les émotions effritent notre vie, s’ajouter à notre œuvre. Les idées sont des succédanés des chagrins ; au moment où ceux-ci se changent en idées, ils perdent une partie de leur action nocive sur notre cœur, et même, au premier instant, la transformation elle-même dégage subitement de la joie. »

    https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Proust_-_Le_Temps_retrouv%C3%A9,_1927,_tome_2.djvu/58

    À lire jusqu’ici, évitons de copier-coller toute la « Recherche… » :

    https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Proust_-_Le_Temps_retrouv%C3%A9,_1927,_tome_2.djvu/63

    « Heureux ceux qui ont rencontré la première avant la seconde, et pour qui, si proches qu’elles doivent être l’une de l’autre, l’heure de la vérité a sonné avant l’heure de la mort. »

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  5. J’ai eu grand plaisir à lire cet article ainsi que tout le fil de commentaires qu’il a suscité. Comme c’est plutôt rare, je m’explique cela par son effort d’« originalité » au sens que Girard affectionnait, à savoir, le fait de faire résolument retour aux origines, à la source de toutes les significations fondamentales qui, seules, peuvent aider à dépasser les fallacieuses dichotomies. Et penser l’ennemi sous le rapport du bouc émissaire, c’est précisément cela, poursuivre l’effort de Girard pour aller aux origines, sans même parler du fait que c’est aussi, me semble-t-il, ce que l’époque attend des girardiens, non ?
    Deux difficultés ont toutefois retenu mon attention : comment, dans le contexte de cet article, l’auteur peut-il conclure « qu’ennemi et bouc émissaire diffèrent profondément » au motif qu’« avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a » alors que l’ennemi serait une évidence ? Comment ne voit-il pas que l’évidence de l’ennemi est justement ce qui masque sa fonction de bouc-émissaire ? De sorte que, loin de différer profondément, ils sont comme les deux faces d’une même pièce ! La différence n’est pas dans l’objet mais dans la perspective adoptée par l’observateur. C’est précisément cela que voient les observateurs d’un conflit auxquels ils sont étrangers.
    Idem pour l’idée qu’il faudrait a priori distinguer l’intime et le politique. Il faudrait pour cela avoir préalablement établi qu’il existe une différence radicale entre les dynamiques individuelles et collectives. Or, il y a toutes raisons de penser que cette différence n’existe pas et que ces dynamiques sont invariantes. Cet amour pur qui peut émerger miraculeusement dans l’enfer d’un conflit guerrier — lorsqu’enfin l’ennemi est reconnu comme frère, donc quelqu’un qu’on se gardera d’accabler parce qu’on se sait semblable à lui — n’est-il pas celui qui doit nous habiter au quotidien et, en particulier, au moment où on nous désigne l’ennemi ? N’est-ce pas celui qui nous aidera à voir les logiques de bouc émissaire à l’œuvre, c’est-à-dire, très précisément ce à quoi nous éduquent les Evangiles et, surtout, la Passion ?
    Où est le distinguo hostis/inimicus dans la Passion ? Il m’apparaît alors sans pertinence et arbitraire, exactement comme le geste sacrificiel consistant à couper en deux un être végétal ou animal pour distinguer une moitié bonne et une mauvaise.
    Pour finir, je dois dire que me tenant délibérément du côté des boucs émissaires de la bienpensance, j’ai autant apprécié les efforts de l’auteur pour interroger les processus de diabolisation qui, en Occident, nous servent à désigner l’ennemi, que la savoureuse référence à Bernanos. Celle-ci m’a permis de comprendre que, dans l’esprit de ce dernier à tout le moins, il pouvait exister quelque chose comme un « antisémitisme honorable », celui-là même qu’Hitler aurait déshonoré. D’un point de vue rhétorique, je trouve ça prodigieusement efficace. Mais hautement périlleux aussi, puisque tout tient à la différence qu’on voudra faire, ou non, entre idéal et pratique. Je me demande si l’actualité ne serait pas en train de la malmener ?

    Luc-Laurent Salvador

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    1. Mr Salvador, je ne suis évidemment pas d’accord avec la confusion que vous entretenez savamment entre les termes, et l’objet de l’article de J-L Salasc consistait précisément à la dépasser: ce qui me semble essentiel, surtout en ce moment. A partir du moment où vous croyez que nous désignons un ennemi (alors que c’est lui qui nous désigne), il est bien normal que vous confondiez bouc-émissaire et ennemi (hostis). Cela dit, je suis bien d’accord avec vous sur les prétendues « différence radicale entre les dynamiques individuelles et collectives » car il n’y a pas de dynamique individuelle. Le problème est donc résolu par reductio ad absurdum. Ce qui n’élimine pas pour autant toutes les différences : voilà un thème bien girardien je pense! C’est l’écrasement des différences, entre les êtres et entre les mots, qui constitue la plus grande menace. C’est l’ère de la post-vérité, c’est à dire l’inverse de l’apocalypse.

      Benoit Hamot

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      1. Vous m’en voyez désolé mais, à force d’empressement à livrer des conclusions qui se voulaient définitives, votre message est quelque peu confus et je dois donc vous demander : qu’entendez-vous exactement par l’idée qu’il n’existe pas de dynamique individuelle sous le rapport de la dualité intime/politique ?

        Luc-Laurent Salvador

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  6. La grande confusion qui règne dans les avis exprimés me rassure quant au fait que je n’étais peut-être pas si mal inspiré que ça en pointant cette même confusion dans un précédent commentaire !

    M. Salasc nous rappelle que Girard n’a pas fait de l’ennemi un concept de la théorie mimétique. Comment s’étonner alors que les girardiens confondent l’ennemi et le bouc émissaire ?

    Dans les sociétés pré-chrétiennes, la distinction est parfaitement claire. Le bouc émissaire, cad la victime dont le sacrifice est ritualisé, est pris à l’intérieur du groupe. Ce peut être un ennemi capturé, mais il doit alors être gardé suffisamment longtemps pour devenir comme un membre de la communauté ; il peut alors être sacrifié (démonstration faite par Girard).

    Dans nos sociétés chrétiennes, cad postérieures à la révélation christique, de même que dans les sociétés post-chrétiennes laïques, le seul moyen d’avoir un bouc émissaire (donc ne pas savoir qu’on l’a, cad en ignorer l’innocence), est de le désigner comme un ennemi. Dans la propagande nazie, depuis la publication en 1925 de « Mein Kampf » jusqu’à la fin de la guerre, les juifs ont été présentés comme des ennemis de l’intérieur qu’il fallait exclure de la société allemande.

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    1. Cher Monsieur Julien, laissez-moi vous remercier de justifier pleinement ma désapprobation, même plus que cela, mon refus tout net de confondre le bouc émissaire avec un ennemi. C’est ce que fait Hitler, en effet, à propos des Juifs, et il me paraît donc raisonnable de ne pas suivre son exemple.

      Le malentendu entre nous est simple à dissiper : je parle souvent au nom de la TM, j’essaie de comprendre le point de vue de l’anthropologue et en ce qui concerne la théorie girardienne, je l’ai suggèré dans un commentaire précédent, comprendre son point de vue, ce n’est pas confondre un bouc émissaire avec un ennemi, c’est tout le contraire, c’est se demander non de qui je suis persécuté mais de qui je suis le persécuteur. La théorie girardienne à des implications morales, existentielles, elle répond à un désir de vérité mais aussi à une exigence de justice. C’est pourquoi je suis choquée qu’on puisse accuser Girard ou ses disciples de confondre un bouc émissaire et un ennemi. Soyons clair(e) : on peut faire cette confusion à titre privé, en pratique, en obéissant à ses passions, mais on ne peut le faire en se réclamant de la théorie mimétique, c’est-à-dire dans le plein exercice de sa raison.

      Vous qui êtes biologiste, vous reconnaissez qu’il existe des pratiques et même des théories racistes mais comment pourriez vous accepter l’idée que la biologie leur donne raison ??

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  7. Chère Madame, J’ai beau lire et relire votre réponse, je me demande à qui vous répondez ! Depuis le mois de juin (le 12 et le 16 pour être précis), je dénonce la confusion entre ennemi et bouc émissaire « qui est à mon avis un contre-sens de la TM ». Que faites-vous d’autre en « refusant tout net de confondre le bouc émissaire avec un ennemi » ? Ou bien nous sommes entièrement d’accord, ou bien il y a un gros malentendu.

    Je reprends donc avec d’autres mots ce que j’ai écrit dans mon commentaire ci-dessus (4 juillet) : depuis la révélation christique, il n’est plus possible d’avoir un bouc émissaire (cad une victime innocente), il faut se convaincre soi-même et surtout convaincre les autres que le désigné à la vindicte est coupable, qu’il nous fait ou va nous faire du mal, donc qu’il est un ennemi (cas emblématique de l’affaire Dreyfus).

    Quant à la dernière phrase, j’ai peur de mal comprendre ce que vous dites. Je m’abstiens donc de répondre et vous renvoie au billet que le comité de rédaction du blog a bien voulu publier là-dessus : https://emissaire.blog/2024/03/26/ethnocentrisme-et-relativisme-culturel/#comments

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    1. Monsieur Julien, excusez-moi de mal me faire comprendre, de créer un malentendu pour en dissiper un autre. Bien sûr que nous sommes d’accord, vous et moi, pour faire la différence entre un bouc émissaire, qui est innocent des crimes dont on l’accuse et un ennemi, qui, lui, nous menace effectivement mais cette différence, essentielle, est théorique. Dans la pratique, le bouc émissaire est traité comme un ennemi, un être malfaisant qu’il faut neutraliser. C’est pourquoi la théorie mimétique ne confond pas non plus le rite sacrificiel des sociétés religieuses et le mécanisme victimaire, sous la forme de la chasse au bouc émissaire tel qu’il fonctionne encore dans nos sociétés athées. Il fonctionne mais pas très bien : il n’y a plus d’unanimité, nous ne savons plus nous purger de notre violence, nous la redoublons au contraire. Voir l’affaire Dreyfus. Et aux Nazis, il n’a pas suffi d’un bûcher, ils en ont allumé des millions.

      Ce que je ne comprends vraiment pas, c’est pourquoi vous vous obstinez à accuser les girardiens et Girard lui-même de faire une confusion que vous contestez en tant que girardien ? Les biologistes parlent au nom de la science (donc d’un certain niveau de vérité ) quand ils démontrent que le recours à des arguments biologiques pour justifier le « racisme » (notion née avec la science et à prétention scientifique) est erroné, fallacieux, menteur. L’anthropologie girardienne fait de même : elle explique scientifiquement (c’est une hypothèse vérifiable) que la confusion entre un « bouc émissaire » et un ennemi est une grossière erreur et en plus, avec l’hypothèse du mécanisme victimaire, elle expose les causes anthropologiques de cette erreur. C’est l’avantage des sciences humaines sur les sciences naturelles : on peut expliquer anthropologiquement les erreurs anthropologiques ou les mensonges sociaux, alors qu’il n’y a pas d’explication biologique aux erreurs commises (au 19ème siècle) par des soi-disant biologistes.

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      1. Madame Orsini,

        J’apprécie votre distinguo qui me paraît périlleux au possible mais néanmoins intéressant puisqu’il vous permet d’affirmer « Dans la pratique, le bouc émissaire est traité comme un ennemi, un être malfaisant qu’il faut neutraliser. » Ce qui veut dire que, dans la pratique, concrètement et, donc, en réalité, ennemi et bouc émissaire sont complètement confondus. Et il y a à cela trois bonnes raisons :

        1) nous n’avons que des ennemis puisque, par définition girardienne, nous « n’avons » pas de boucs émissaires étant donné que ne savons pas que nous en « avons ».

        2) en tant qu’il est prétention à l’innocence, le statut de « bouc émissaire » est, au mieux un voeu pieu, au pire un mensonge qui, par voie de conséquence, fait de l’ennemi un bouc émissaire lui aussi. Au bout du compte, la notion de bouc émissaire ne sert plus aux ennemis qu’à se « bombarder » mutuellement avec des victimes, dans une complète confusion de leurs statuts :-).

        3) Par conséquent, la prétention à l’innocence des victimes est tout sauf innocente. Elle serait plutôt diabolique et absolument pas chrétienne tant il est clair (cf. la parabole de la femme adultère) que nul n’est innocent, puisque nous sommes tous coupables. Si l’Occident parangon de vertu parvenait à cette conscience de lui-même comme source de troubles permanents, inouïs et abominables dans l’Histoire du monde depuis cinq cents ans, alors il n’y aurait plus de boucs émissaires, parce qu’il n’y aurait plus d’ennemis. Je le dis comme je le pense.

        Luc-Laurent Salvador

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  8. Dans l’un de ses ouvrages, Girard insiste sur cet extrait de Luc, pendant la Passion :
    Ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent amis, eux qui auparavant étaient ennemis.
    Le bouc-émissaire est le tiers sur lequel tous les ennemis se réconcilient. C’est aussi pour cette raison que les antagonistes ne le voient pas, il faudrait reconnaître que le différend n’était pas irréductible. Une autre caractéristique est son aspect inoffensif. Lui et ses partisans sont faibles, personne ne les vengera, l’ordre établi ne sera pas troublé par une vendetta.
    L’évangile entendu selon la théorie de Girard nous donne les étapes de cette transformation d’un trublion en ennemi commun et l’effacement de l’inimitié et de l’hostilité qui en découle. La défense de l’ordre établi est première : lorsque les ennemis s’aperçoivent que le trublion menace l’ordre au-delà de leurs apparentes différences, les divisions s’effacent et ils font bloc.
    Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. »

    Mais peut-être ce processus est-il brouillé en partie par les témoignages des évangélistes qui partent de la Résurrection et donc de la mise à mort de Jésus comme aboutissement des nombreuses tentatives des chefs des prêtres, scribes, pharisiens etc pour le condamner. On pourrait voir les choses autrement : ces « élites » prennent prétexte d’un nouveau-venu pour aviver ou réactiver ou entretenir leurs vieilles et incessantes querelles. Elles ne craignent pas le Galiléen, elles l’utilisent pour le piéger avec leurs sujets de dissension favoris : la Loi, l’obéissance aux Romains, la résurrection des morts etc. Autant de tribunes publiques pour faire valoir leur point de vue. Mais l’homme ne se laisse pas enfermer dans leurs querelles, non plus ne prend parti. Pire, il les place tous devant leurs contradictions. Il attire les foules (qui fluctuent entre une hostilité mortelle et la fascination selon ce qui dérange ou plaît dans les paroles entendues) jusqu’à faire craindre une émeute et la réaction des Romains. C’est alors que les élites cherchent à le faire périr, quand le danger devient tangible et les menace tous (d’où l’alliance entre Hérode et Pilate).

    Quand on regarde les événements par la fin, ce basculement ne se voit pas et les élites semblent avoir toujours désiré la mort du Christ, empêchées en leur sein par des hommes justes, divisées à cause de cette résistance jusqu’au point d’effacement des oppositions. Mais on pourrait entendre ces oppositions comme les moyens de s’attaquer entre clans ennemis en utilisant les revers subis par l’un ou l’autre. Sous prétexte de défendre Jésus, on défend son camp. L’ennemi est toujours l’ennemi familier. Ce qui n’exclut pas des hommes réellement touchés par l’enseignement du Christ mais aucun d’eux n’est allé contre les autres quand l’ennemi commun a été désigné, quand le trublion est devenu bouc-émissaire.

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  9. Peter Thiel aurait-il lu Bernard Perret ?

    https://legrandcontinent.eu/fr/2025/07/03/le-transhumanisme-selon-peter-thiel-lia-mars-et-la-geopolitique/

    Il semblerait que sa pensée évolue, la fin de l’entretien le donne à penser.

    Il lui reste à accéder à la conversion réellement chrétienne qui s’aperçoit que ce qui est nommé ici dans les commentaires post-chrétien est encore pré-chrétien, que la réciproque argamedonienne à l’antéchrist est antéchristique au sens du double dostoïevskien, qu’il est donc possible et recommandé de se défendre de l’ennemi sans en faire un bouc émissaire, accédant au pardon des offenses qui est la vraie liberté, la réelle émancipation de la stagnation sacrificielle que le soutien de Trump et Vance dénonce sans forcément encore la repérer, nous permettant de corriger l’erreur qui fait divinité de la victime émissaire.

    Voilà qui donnerait au petit rire de Peter Robinson, quand Girard lui répond que ce qui manque à l’humanité est d’être réellement chrétienne, l’occasion de mesurer l’exactitude de cette réponse, pour inspirer aux magnats de la tech un autre comportement que celui des oligarchies mondialisés qui menacent de nous aligner sur les normes sociales chinoises, pour entendre le texte que Thiel cite mais jusqu’au bout, au risque sinon de se faire surprendre, non par l’antéchrist qu’il craint au point de l’imiter, mais par le voleur dans la nuit qu’est le jour de notre Seigneur :

    « 12Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent. 13Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre. Soyez en paix entre vous. 14Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous. 15Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous. 16Soyez toujours joyeux. 17Priez sans cesse. 18Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ. 19N’éteignez pas l’Esprit. 20Ne méprisez pas les prophéties. 21Mais examinez toutes choses; retenez ce qui est bon; 22abstenez-vous de toute espèce de mal.

    23Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ! 24Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

    25Frères, priez pour nous.

    26Saluez tous les frères par un saint baiser. 27Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

    28Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous! »

    https://saintebible.com/lsg/1_thessalonians/5.htm

    Alors, les libertariens eux-mêmes comprendraient que nous sommes au temps de la liberté, ce temps des victoires mais aussi des échecs de l’amour et de la vérité, temps qu’il s’agit de traverser en imitation de la patience divine jusqu’à ce que le mal s’épuise, pour entendre ce que L’Écriture nous dit à tous :

    « Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous règnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même » (2 Timothée 2, 12-13).

    La vraie défense est la vérité, parfaitement dévoilée, faiblesse toute puissante de notre réalité.

    Il nous suffit d’y croire pour la réaliser, renonçant aux armures orgueilleuses de notre mensonge pour accéder à la grâce qui ne protège pas de la souffrance mais de la corruption, offrant à notre imitation le modèle et sa rédemption, invitation suprême d’en être l’incarnation :

     » L’homme qui n’est pas protégé par l’armure d’un mensonge ne peut souffrir la force sans en être atteint jusqu’à l’âme. La grâce peut empêcher que cette atteinte le corrompe, mais elle ne peut pas empêcher la blessure. Pour l’avoir trop oublié, la tradition chrétienne n’a su retrouver que très rarement la simplicité qui rend poignante chaque phrase des récits de la Passion. D’autre part, la coutume de convertir par contrainte a voilé les effets de la force sur l’âme de ceux qui la manient.

    Malgré la brève ivresse causée lors de la Renaissance par la découverte des lettres grecques, le génie de la Grèce n’a pas ressuscité au cours de vingt siècles. Il en apparaît quelque chose dans Villon, Shakespeare, Cervantès, Molière, et une fois dans Racine. La misère humaine est mise à nu, à propos de l’amour, dans l’École des Femmes, dans Phèdre ; étrange siècle d’ailleurs, où, au contraire de l’âge épique, il n’était permis d’apercevoir la misère de l’homme que dans l’amour, au lieu que les effets de la force dans la guerre et dans la politique devaient toujours être enveloppés de gloire. On pourrait peut-être citer encore d’autres noms. Mais rien de ce qu’ont produit les peuples d’Europe ne vaut le premier poème connu qui soit apparu chez l’un d’eux. Ils retrouveront peut-être le génie épique quand ils sauront ne rien croire à l’abri du sort, ne jamais admirer la force, ne pas haïr les ennemis et ne pas mépriser les malheureux. Il est douteux que ce soit pour bientôt. »

    https://blogs.mediapart.fr/calaotok/blog/030420/liliade-ou-le-poeme-de-la-force-simone-weil

    Mr Thiel, c’est pour maintenant !

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  10. Réponse au commentaire de Benoît Hamot du 3 juillet.

    Benoît, vous vous étonnez que Simone Weil ait pu avoir été pacifiste avant de devenir ou plutôt de souhaiter devenir une résistante active. On ne naît pas Simone Weil, on le devient !! Disciple d’Alain, comme vous savez, elle a partagé l’humanisme et l’extrême pacifiste de son maître avant de devenir une grande mystique et de comprendre que seule la force armée pourrait venir à bout d’Hitler. Son aventure espagnole, qui fait suite à son année de travail en usine relève plus de son obsession d’être aux côtés des « victimes » comme on dit aujourd’hui, que d’un désir de combattre, et le fait est que la barbarie de cette guerre civile ne pouvait que renforcer son pacifisme.

    En ce qui concerne l’expression d' » ennemi mortel « , il me semble qu’elle a plus cours dans les salons que sur les champs de bataille. Il ne me serait pas venu à l’esprit de dire que les soldats russes sont des ennemis mortels des soldats ukrainiens, je les vois les uns et les autres comme des victimes de l’impérialisme de Poutine. Alors, est-ce que Poutine et son entourage sont pour moi des  » boucs émissaires »?? Je compare des fois Poutine non seulement à tous les autocrates qui l’ont précédé ( il faut bien expliquer pourquoi le peuple russe est si conditionné à obéir) mais encore à Hitler. C’est une ‘ »diabolisation », ça, non ? On peut être girardienne et avoir ses « têtes », comme on dit. Et je pense la même chose que S.Weil à propos d’Hitler : c’est un ennemi et seule une force armée supérieure pourrait en venir à bout.

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