
par Joël Hillion
Le malheureux lauréat du Concours Eurovision de la chanson 2024, un certain Nemo, s’est brisé en croyant, prétend-il, casser les codes. Il se « définit » comme non-binaire, ni garçon ni fille, et il revendique cette non-identité comme une transgression. Pour « actualiser » ce triomphe, il a brisé son trophée, en direct, aussitôt qu’il l’a reçu. Victoire sur toute la ligne… En réalité, qu’a-t-il brisé ? Il a brisé un symbole ― pas la discrimination dont il se dit victime, mais le symbole seulement ; le rituel est banal, et pour parvenir à cet « exploit », il a obéi à tous les « codes » imposés, comme autant de clichés médiatiques. Cherchez la contradiction. Il chante en anglais, et certainement pas dans un dialecte de quelque canton de sa Suisse originaire. L’anglais est devenu la langue « indifférenciée » par excellence. Le garçon s’habille avec une jupe, mais cela ne retire rien au fait qu’on voit qu’il est un garçon. Et pour couronner le tout, il rassemble tous les suffrages et se retrouve premier d’une « compétition » complètement fabriquée, formatée, un amoncellement de codes « fake ». « Respecte ma différence ! »
Quand il n’y a plus aucun tabou à briser… il reste à se briser soi-même, et Nemo s’est offert en victime expiatoire, devant des dizaines de millions de spectateurs, en live intégral, avec applaudissements frénétiques à l’appui, bruit et fureur garantis, l’hubris indispensable. Choisie à l’unanimité, elle (la victime) n’est finalement qu’une victime. Il n’y a rien de nouveau sous les sunlights.
Toute transgression est un sacrifice. Les transgresseurs répètent à l’infini le même geste atavique et archaïque des religieux depuis l’aube des civilisations. S’ils voulaient vraiment mettre fin aux sacrifices, c’est le mythe du sacrifice lui-même qu’ils devraient transgresser, en arrêtant définitivement toutes les formes de sacrifices.
Hélas, voilà la seule transgression à laquelle les transgresseurs n’ont pas pensé ! En attendant, ils font beaucoup de bruit, beaucoup d’esbroufe, beaucoup de buzz, littéralement pour rien. Et le pauvre transgenre, non-binaire, à l’identité floutée, se retrouve être ce qu’il revendique être : rien ! Avec cette misère supplémentaire qu’il se prétend heureux d’être enfin reconnu comme rien.
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La prestation victorieuse de Nemo :
https://www.youtube.com/watch?v=CO_qJf-nW0k
Mais non, il n’est pas rien, il a cassé son trophée comme le bon « testosterroné » qu’il est, le garçon en jupe rose qui se pense différent et avoue ce faisant son désir d’innocence, coupable pourtant, comme nous tous.
« Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Loin de là! Au contraire, nous confirmons la loi. »
https://saintebible.com/lsg/romans/3.htm
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Il fut un temps
il y avait des symboles puis des signes et puis n’arrvèrent que des signaux et les tags sont partout,TikTok dieu des mouches qui vont et bougent sans cesse Belzeboom Belzebuth ce dieu des mouches semble réussir à notre dispersion symbolique
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Je ne suis pas d’accord avec le noyau central de la logique sacrificielle mise en avant (toute transgression n’est pas, selon moi, nécessairement un sacrifice, sauf si quelque chose d’important m’échappe) mais j’applaudis au fait de s’avancer sur cette pente savonneuse où il sera bientôt interdit de penser ou de dire quoi que ce soit car il y aura toujours une « victime puissante » pour se plaindre de ce que vous avez dit ou pas dit.
Donc bravo pour la prise de risque !
Pour aller dans ce sens je dirais que l’épisode du joueur de foot monégasque qui masque le petit badge anti-homophobie s’est vu prolongé tout à l’heure sur France Inter, dans l’émission Tout va bien où un praticien de ce noble sport soulignait, avec raison, que beaucoup de ce qui portent ce badge le font sans y adhérer, seulement par conformisme, pour ne pas avoir de problème. La preuve étant, selon lui, qu’ils ne publient rien en ce sens sur leurs réseaux sociaux.
Cette assertion m’a saisi par sa lucidité et par ce qu’elle laisse envisager quant au degré de polarisation de la société en pour et contre, avec ce terrifiant retournement de la parole christique qui s’annonce : ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous.
Nous sommes clairement à un stade avancé de la crise mimétique et les gentils « philes » innocents, bien pensants, toussa, vont aller chercher les méchants « phobes » jusque dans les chiottes comme disait le méchant Poutine.
Ceux qui ne clament pas partout qu’ils sont « pour » vont vite être identifiés comme « contre » et il faudra assumer la diabolisation qui s’ensuivra fatalement tant que le caractère diabolique de la pensée victimaire n’aura pas été identifié comme tel.
Luc-Laurent Salvador
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excellente analyse du vide vendu très cher à des gogos décérébrés
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Laissons les vivre SVP. En ce domaine, qui touche à de complexes problèmes d’identité, tout commentaire qui n’est pas strictement nécessaire a de grandes chances d’être nocif, car inutilement stigmatisant. Leurs transgressions ne sont pas des agressions – ils ne nous font aucun mal à personne, me semble-t-il ? Je renvoie aux livres de James Alison (La foi au-delà du ressentiment) qui m’a ouvert les yeux sur ce qu’ont de douloureux certaines réalités humaines que l’on se croit trop facilement autoriser à juger sans vraiment les comprendre.
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Je serais assez d’accord avec ce commentaire anonyme. Je regrette ces anonymats involontaires ou volontaires, c’était mieux « avant » !
En ce qui concerne l’Eurovision, je n’ai pas d’avis puisque je ne m’y suis jamais intéressée et donc, grâce à ce billet, j’ai pu voir à quel niveau de show spectaculaire pouvait aller un concours de chansons. En ce qui concerne le lauréat, j’ai envie de dire comme Coluche, (c’est la langue de bois vue par un humoriste digne de ce nom) » Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire !« .
J’ai juste pensé en le regardant virevolter, vaciller, danser au bord du vide sur un disque en mouvement qu’il avait un bon sens de l’équilibre, une bonne voix et une bonne humeur communicative. Je ne comprenais pas les paroles, j’ai pensé que ce jeune Nemo, qui se définit donc négativement, ni ceci, ni cela, donnait une image de l’indifférenciation galopante qui caractérise selon Girard notre « modernité ». Il se veut aussi, certainement, à l’avant-garde d’une révolte contre tout ce qui prétend enfermer un individu dans une « identité », quelle qu’elle soit, il se veut « libre, Max, il y en a même qui l’ont vu voler« . J’ai eu l’impression, mais je n’y connais rien, que le public s’est enthousiasmé pour cette représentation de la liberté en temps de crise. Une liberté pour rien, en effet, mais qui donne l’illusion d’être « différent », d’être « soi ». Un avatar du romantisme ?
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