Une lecture mimétique de la crise du COVID

par Jean-Louis Salasc

Selon Girard, les épidémies des récits mythiques ou archaïques sont souvent des métaphores de crises en réalité mimétiques. C’est-à-dire causées par les rivalités internes dues au désir mimétique, et non par un agent pathogène externe. La contagion mimétique, invisible et sournoise, ressemble à la contamination virale ou bactérienne.

De plus, invoquer un agent externe évite de trop examiner les dissensions internes ; c’est une sorte de bouc émissaire. L’analogie entre crise sanitaire et crise mimétique coche donc les deux cases majeures de la théorie girardienne.

Cela suggère une question : la crise du COVID est-elle strictement sanitaire ou porte-elle une part de mimétique ?

Il est aisé de conclure rapidement avec le premier terme : virus identifié, vaccin mis au point, sortie de crise en vue. Fermez le ban.

Menons tout de même une investigation en faveur d’une dimension mimétique. Classons les indices selon les chapitres de la pensée de René Girard : phénomènes de mimétisme, rivalités et conflits, déstructuration des hiérarchies, boucs émissaires.

Phénomènes de mimétisme

Le plus spectaculaire d’entre eux est le recours au confinement. Le 23 janvier 2020, les autorités chinoises isolent l’agglomération de Wuhan et ses 15 millions d’habitants. Le 9 mars, l’Italie suit cet exemple, et la France le 17. Les autres pays européens aussi, à l’exception de la Suède. Boris Johnson, tenté par la stratégie suédoise, tarde une semaine ; sa popularité en pâtit.

En France, les pouvoirs publics avaient adopté en 2009 un plan d’urgence en cas de pandémie grippale ; il comportait le recours à des confinements partiels.  Ce plan fut revu en 2011 et le recours aux confinements en fut délibérément écarté. En 2020, le mimétisme a donc prévalu sur les travaux de préparation aux crises.

Jean-Marc Bourdin avait très tôt décelé ce phénomène de mimétisme ;  cf. son article « Une épidémie de confinements », publié dans notre blogue le 21 mars 2020 : https://emissaire.blog/2020/03/21/covid-19-une-epidemie-de-confinements/

Rivalités et conflits

Un affrontement de doubles se déroule entre la Chine et les Etats-Unis ; chacun accuse l’autre d’avoir créé le virus. L’opinion publique occidentale jetait l’anathème sur l’obstination de Trump à parler de « virus chinois ». Un an plus tard, Biden réactive l’hypothèse en demandant à la CIA un rapport sur le laboratoire P4 de Wuhan. La Chine a répliqué récemment en réclamant à l’OMS un contrôle de Fort Detrick, un site de recherches biomédicales  militaire américain, fermé de juin 2019 à mars 2020 pour failles de sécurité.

Les vaccins offrent un second exemple de rivalité. Entre Russie, Chine, Etats-Unis et Grande Bretagne, c’était une course de vitesse. Certains s’extasient de cette rapidité, d’autres s’en inquiètent. Elle ne signifie rien par elle-même. Les Britanniques ont mis le radar au point en un temps record pour remporter la bataille d’Angleterre ; Boeing s’est déconsidéré avec la conception précipitée et approximative de son 737 Max, interdit de vol après trois crashs.

Déstructuration des hiérarchies

Le phénomène se manifeste à longueur d’antenne. Journalistes devenant médecins ;  statisticiens mués en épidémiologistes ; militants dénonçant les fausses nouvelles ; politiciens soumis aux experts ; médecins libéraux interdits d’exercer ; cabinets de conseil supplantant les hauts fonctionnaires ; militaires intervenant dans le débat public…  

Le même constat s’établit pour les repères sociaux. Par exemple, le licenciement et la suppression des allocations de chômage pour les employés qui ne sont pas vaccinés. La question n’est pas ici le bien-fondé de cette mesure, qui peut inspirer des avis divers. Simplement, elle est aux antipodes de toutes les références entretenues dans notre pays depuis des décennies. Ayant exercé la fonction d’employeur pendant de nombreuses années, je peux témoigner qu’il était impensable de disposer de la moindre information médicale sur un employé. Le médecin du travail n’indiquait que l’aptitude ou non au service, sans le moindre détail ni commentaire. Quant à un licenciement pour des motifs médicaux, le tabou était absolu. Et voilà qu’il disparaît, comme ça, sans grandes réactions.

Autre repère victime de cette mesure, l’idéal d’égalité, principe fondamental de notre société. En effet, les salariés sans économie ni patrimoine seront bien obligés d’accepter la vaccination pour continuer à gagner de quoi vivre. D’autres par contre, mieux pourvus, pourront se permettre d’attendre la fin de l’ostracisme à l’égard des non vaccinés.

La justice également perd ses repères. La menace sous condition et le chantage sont des délits. Le passe sanitaire, sans remplir à la lettre leur définition juridique, en incarne l’esprit.

Mais la plus forte dévaluation semble toucher la rationalité. Le mot « masque » est d’une incomparable richesse sémantique. Dans cette crise, il l’élargit encore pour devenir le symbole de l’abandon de la rationalité. Trois temps suffisent :

« Ne mettez pas de masques, cela ne sert à rien »,
« Mettez le masque en attendant le vaccin »,
« Même vacciné, continuez à porter le masque ».

Autre indice, l’argument  des féministes : « Mon corps m’appartient ». Sauf désormais pour y injecter des produits nouveaux, dont les autorités politiques et sanitaires ont sciemment raccourcis les phases de tests, en dégageant la responsabilité juridique des laboratoires.

« Les faits sont têtus ». Mot constamment cité et attribué à Lénine. La version complète serait : « Les faits sont têtus, mais avec les statistiques, on peut s’arranger ». Je ne l’ai pas vérifié, mais la crise du COVID suffit à en confirmer le contenu. Jamais le nombre, dont la culture scientifique fait l’ultime critérium, n’a été autant malmené et perverti.

Les faux positifs des tests PCR, les morts avec le COVID devenus des morts par le COVID, des morts par le vaccin devenus des morts avec le vaccin, des chiffres assénés sans éléments de comparaison, des changements dans les modes de décompte (d’abord les morts, puis les cas, puis à nouveau les morts). Neil Ferguson (statisticien britannique) annonça en février 2020 plusieurs centaines de milliers de décès dans chaque pays européen, incitant par là au confinement ; trois semaines plus tard, il se rétracte et « corrige » ses prévisions en les divisant par dix. Mais ses chiffres initiaux resteront la référence.

Il est impossible de se forger une idée objective de l’ampleur cette épidémie. Des personnalités comme Olivier Rey (1) et Jean-Pierre Dupuy (2) divergent quant à sa dimension. Tenants comme opposants au discours officiel mettent en scène des chiffres partiels ou arrangés pour soutenir leurs positions. Un seul constat : le souci d’objectivité s’estompe. Dans les sociétés occidentales il est vrai, le terrain était préparé par l’idéologie relativiste.

Boucs émissaires

Nous n’avons aucun bouc émissaire au plein sens du terme. Nous en sommes, semble-t-il, à une étape précédente : le bouc émissaire n’est pas encore « choisi », mais les différentes factions antagonistes se livrent à la désignation de ceux qu’elles souhaitent dans ce rôle. La posture d’accusateur jouit en ce moment d’une grande popularité, ce qu’illustre le défilé corrélatif des accusés : Chine, Pentagone, laboratoires pharmaceutiques, système capitaliste, réchauffement climatique, jeunes gens et leurs fêtes, gouvernements, complotistes, milliardaires, philanthropes, régimes politiques autoritaires, décadence occidentale, médias dominants, réseaux sociaux, grands groupes, bureaucraties, médecins contestataires, organismes internationaux, géants de la toile, etc.

Le caractère de bouc émissaire potentiel se précise cependant pour certains d’entre eux, simultanément détestés et sacralisés. Ainsi les laboratoires. Les uns célèbrent la prouesse d’un vaccin mis au point  en moins d’un an, d’autres condamnent les profits qu’ils réalisent à cette occasion. D’autres encore y voient un danger pour la santé publique (divers pays ont interdit certains vaccins).

Même observation pour les personnels médicaux. Salués en héros chaque soir à vingt heures voici dix-huit mois, ils sont désormais menacés de licenciement pour continuer à accomplir exactement la même activité, à savoir soigner les patients du COVID sans être vaccinés.

Au chapitre des pertes de repère, nous avons déjà commenté le cas des personnes qui refusent la vaccination. Nous pouvons à nouveau les citer maintenant. Le vote du passe s’est accompagné d’une logomachie tout à fait conforme à la désignation d’un bouc émissaire. « Cyniques », « mauvais citoyens », « capricieux », « imbéciles », « passagers clandestins », « profiteurs » et autres : le florilège des incriminations employées par le gouvernement et les médias est des plus copieux. Un médecin de télévision en atteignit l’acmé : « Ceux qui refusent de se faire vacciner sont des assassins ». L’art de désigner un bouc émissaire dans toute sa splendeur.

Devant une telle collection d’indices, il semble que l’hypothèse d’une crise mimétique puisse être prise en considération.

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Si la crise du COVID possède une dimension mimétique, que cela signifie-t-il exactement ?

Que les bouleversements apportés par cette crise ne répondraient pas au problème sanitaire stricto sensu. Ils seraient une réponse masquée aux antagonismes qui fragmentaient notre société avant le virus.

Nous connaissons bien ces antagonismes : consuméristes face aux adeptes de la décroissance, identitaires face aux tenants du multiculturalisme,  souverainistes contre l’Union Européenne, eugénistes contre défenseurs de la vie, gagnants de la mondialisation face aux autres,  rationalistes face aux champions du relativisme, néo-collectivistes versus libéraux, laïcité confrontée à une culture entièrement fondée sur une religion, etc. Ces antagonismes sont mimétiques dans le sens où ils se polarisent autour d’un même objet : la raison d’être de la société dans laquelle nous vivons.

Non seulement ces questions ne sont pas résolues, mais elles ne sont pas même discutées ou débattues. Chaque faction se réfugie dans son intransigeance ; elle ne s’affaire qu’à discréditer, voire neutraliser, son opposant. Etat latent de crise mimétique. Chacun ressent qu’il est impossible de « continuer comme ça », mais rien ne bouge et personne ne voit comment sortir de l’impasse.

Et voilà que surgit un virus. Il donne aux pouvoirs publics l’occasion d’agir vraiment, de faire autre chose que d’habiller le statu quo. Il donne à tous un sujet de préoccupation qui relativise tous les autres. Ainsi se construit un consensus profond pour voir dans cet accident sanitaire un cataclysme majeur. Et malheur à qui ne partage pas ce point de vue : car il refuse le seul consensus qui ait pu réunir le pays depuis des années.

Le virus donne prétexte à oublier les antagonismes préexistants, au moins pour un temps : fin des contraintes sur les dépenses publiques, gifle au droit du travail, limitation des déplacements et voyages, magie pédagogique de l’enseignement à distance, principe de précaution jeté aux oubliettes, gel des manifestations et de l’agitation sociale,  obligation de se faire vacciner, etc. Toutes ruptures inconcevables avant le COVID, et qui recueillent désormais une large adhésion.

Cette lecture mimétique a au moins le mérite de se passer de théorie du complot ; les rivalités mimétiques suffisent, pas besoin de « Grand Reset » ou de projet de dépopulation.

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Si cette lecture mimétique de la crise du COVID contient une part de vrai, quelles conséquences pourrions-nous en tirer ?

Une première chose assez évidente : la fin de l’épidémie ne mettra pas un terme à la crise. La fin de l’épidémie aura lieu. Soit qu’elle cesse d’elle-même, comme les autres. Soit que des traitements médicaux ou des vaccins l’éradiquent. Soit que nous l’acceptions comme telle : la grippe classique fait environ 10 000 morts par an ; son taux de vaccination, considéré comme insuffisant, oscille entre 20 et 25% et tout cela n’émeut personne.

Une fois parvenus là, nous retrouverions les antagonismes que le COVID a cachés sous le tapis. Mais il ne s’agirait pas d’un retour à la situation initiale. Entre temps, le virus nous aura rendu familières des dispositions jugées naguère inacceptables. Les pouvoirs publics  et nous-mêmes nous serons accoutumés aux mesures d’exception, au secret des décisions, à l’absence de débat contradictoire (Conseil de défense prenant le pas sur le Parlement). Les tensions et les problèmes se seront accrus. Deux exemples : les finances publiques, avec une dette passées de 100% à 120% du PIB en dix-huit mois ; l’équilibre entre UE et états-membres, avec la responsabilité des politiques sanitaires en train de passer des uns à l’autre.

L’interprétation mimétique suggère également une seconde perspective.  En faisant du sanitaire l’exutoire de tous nos autres antagonismes, nous nous détournons d’une approche rationnelle.

Il est facile de pointer les incohérences des autorités. L’UE commande pour un milliard d’euros de doses de Remdesivir, quinze jours avant que l’OMS n’en déconseille l’emploi. La stratégie vaccinale les illustre également : « Le vaccin mettra fin à l’épidémie, mais finalement nous n’en savons rien ; il faut d’abord vacciner les personnes à risques, en fait non, plutôt vacciner tout le monde pour retrouver la vie d’avant ; qui en fait ne sera plus comme avant, car il faudra vivre avec le virus ; il faut se faire vacciner pour protéger les autres, enfin plutôt pour s’éviter à soi-même les formes graves ; ou pour atteindre à l’immunité collective, qui est en réalité inaccessible ; le vaccin est obligatoire sans l’être, ne sont pas vaccinés que ceux chargés de contrôler que les autres le sont », etc.

Mais il serait injuste d’accabler le(s) gouvernement(s) et de nous dédouaner sur lui (eux) de nos propres responsabilités. Nous participons à ce travail d’affaiblissement de la rationalité. D’abord en acceptant de tels discours. Puis en prenant des décisions graves, comme celle de faire vacciner nos enfants, sur la foi de ces discours.

Ce faisant, nous ne nous exerçons pas à régler nos conflits par la rationalité, le recul et la recherche de compromis. Nous nous condamnons nous-mêmes à la seule issue restante quand la raison a disparue : le mécanisme du bouc émissaire.

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Comment échapper à cette perspective ? Quelle que soit notre lecture de la crise du COVID, essayons toujours de ne pas céder à nos peurs et de hausser notre degré d’exigence de cohérence dans les discours et décisions publics…

(1) L’Idolâtrie de la vie, par Olivier Rey, collection Tracts Gallimard, n° 15, juin 2020, 56 pages.
(2) La Catastrophe ou la vie. Pensées par temps de pandémie, par Jean-Pierre Dupuy, Seuil, mars 2021, 240 pages.

14 réflexions sur « Une lecture mimétique de la crise du COVID »

  1. Je me demande où est la rationalité quand on écarte a priori les théories du complot, même dans le contexte d’une réflexion girardienne.

    Lorsqu’une large majorité de gouvernements occidentaux prend les mêmes mesures ineptes en même temps, la meilleure explication, c’est une cause commune (une même cause) qui produit un même effet sur chacun de ces gouvernements. Et nul besoin d’une hypothèse coûteuse au plan ontologique : une coordination internationale de l’élite suffit. Ce qu’en d’autres temps on aurait appelé une conspiration. Mais outre que les choses se passent en plein jour (Klaus Schwab, le patron du WEF, n’at-il pas écrit un livre sur le projet de Grand Reset ?) il semble que plus personne n’ait les moyens de se payer un tel vocable.
    Permettez-moi néanmoins de vivre encore un peu au-dessus de mes moyens et de diaboliquement persévérer dans l’erreur (comme nos gouvernements d’ailleurs ;-)) en demandant quel pourrait-être le but plausible d’une telle conspiration ?

    A l’évidence, c’est ce que nous avons sous les yeux : l’instauration d’une dictature qui [sous couvert d’un prétexte sanitaire très léger mais gonflé artificiellement par des pratiques de fabrication de données (incitations financières à diagnostiquer du covid), comme de fabulations statistiques quant aux risques encourus] instaure une drastique réduction des libertés individuelles et, surtout un contrôle extrême de l’individu placé en situation de tutelle gouvernementale, en particulier au plan économique et financier, puisqu’à l’insu de leur plein gré, les citoyens sont devenus redevables d’une dette souveraine qui a tellement augmenté qu’elle ne pourra jamais être remboursée de sorte que les générations futures sont, d’ores et déjà, abandonnées comme esclave au dieu Mammon, dont l’actuel président peut-être considéré comme l’avatar tant le nom du premier se trouve inclut dans l’anagramme du dernier d’une manière qui peut être jugée intéressante ;-).

    Pour finir, je trouve désarmant qu’une lecture mimétique de la crise ne mentionne pas le rôle fondamental joué par les médias dans la construction mimétique de la réalité covid. Girard avait pointé l’intérêt de la thèse de Gabriel Tarde autour de la notion de « public » qui révèle une dynamique mimétique sous-jacente au crédit que nous accordons à la chose imprimée, mais qui peut, à présent, être « vue à la télé », entendue à la radio ou lue sur internet.

    Bref, la crise covid est mimétique de bout en bout parce que la « réalité » covid est construite mimétiquement, à grand renfort de tambours médiatiques et de discours officiels autoritaristes. C’est pourquoi il est étonnant que la notion de propagande n’ait pas été évoquée. Comme si elle pouvait être autre chose que mimétique.

    PS: pour ceux qui s’intéressent à l’idée d’une construction mimétique de la réalité enracinée dans le sacrificiel, je recommande le chapitre ci-dessous (je précise n’avoir rien à gagner avec l’Harmattan 😉 ).

    https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=article&no=8108

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    1. En 1979, Jacques Attali parlait quant à la médecine d’une évolution vers une « dictature » et une « « société totalitaire » sous couvert de « liberté », et invoquait Ivan Illich : https://www.youtube.com/watch?v=sGos9V_zIjM.

      Quant à la dette, c’est l’augmentation du PIB qui permettait de faire les remboursements avec intérêts et de nouveaux crédits créateurs monétaires. Si le PIB n’augmente pas assez par rapport au taux d’intérêt, c’est un jeu de chaises musicales où les perdants se cassent la gueule, mais on peut diminuer le taux d’intérêt ou créer une partie de monnaie pleine.

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      1. Merci pour cette référence à une parole ô combien prémonitoire de notre conseiller des princes préféré.
        C’est très bien vu et c’est d’autant plus intéressant dans un contexte girardien que tout ça est terriblement mimétique avec, d’une part, une norme comportementale (ou attitudinale) préfabriquée et érigée en modèle via la propagande et, d’autre part, des foules mimétiquement disposées à se conformer aux comportements ou attitudes qu’on leur dit être déjà ceux des autres et que chacun n’a donc plus qu’à suivre pour se sentir confortable et rassuré. Tout prétention à la rationalité de l’acte de soumission n’est qu’une rationalisation.

        Pour l’aspect financier, j’avoue ne pas accorder la moindre valeur à la notion de PIB. Le prêt à intérêt est une calamité en soi que toutes les grandes religions ont interdit et si tant est qu’une forte croissance (du PIB) puisse en masquer les effets dévastateurs un temps, ça ne peut pas durer. Vient le moment où la mise en situation d’esclave de la dette devient manifeste.

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  2. Il est clair qu’une fois la pandémie atténuée, faute de disparaître complètement, la crise globale (universelle) continuera. Sous quelle forme ? Nous verrons bien.
    Le problème, c’est que nous avons déjà consommé BEAUCOUP de boucs émissaires, et ils nous paraissent tous « mauvais ». Leur prolifération même révèle l’essoufflement de la « recette ». La méconnaissance s’émousse. René Girard nous avait prévenus. Que se passera-t-il quand nous serons totalement en manque de boucs émissaires, c’est-à-dire en panne de solution sacrificielle ?
    En attendant, il y a au moins une leçon à tirer : c’est l’urgence pour chacun de prendre ses responsabilités. Chacun est mis en face de lui-même. Si je suis vacciné, suis-je libéré de toute obligation ? Si je ne suis pas vacciné, quelle conséquence la satisfaction de MON droit a-t-elle sur LES AUTRES ? Si la culture du MOI-JE pouvait avoir perdu un peu de sa superbe, nous aurions avancé d’un pas vers l’essentiel, en substituant nos JE à des NOUS.
    Quelque chose comme la culpabilité et la nécessité de l’examen de conscience devrait s’imposer. Culpabiliser, c’est reconnaître les limites de MA liberté. Comme le souligne Jean-Claude Guillebaud : « La souffrance de l’autre est ma véritable limite. » De fait, ma liberté « s’arrête » très vite.

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    1. « Car si nous péchons délibérément après avoir reçu la pleine connaissance de la vérité, il ne reste plus pour les péchés aucun sacrifice, mais seulement une attente terrible du jugement et l’ardeur d’un feu qui doit dévorer les rebelles. » (Hébreux 10, 26-27)
      Merci de traduire aussi bien mes pensées. Je me demande si, en termes d’informations objectives, on ne devrait pas revenir à la Bible.

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  3. Visiteur de ce blog sans en être contributeur ne m’autorise peut-être pas à y déposer un avis critique. Cependant, je ne puis résister à pointer du doigt certaines approximations, sinon contre-vérités dans cet article qui me semble à la limite du complotisme.

    « Les faux positifs des tests PCR, les morts avec le COVID devenus des morts par le COVID, des morts par le vaccin devenus des morts avec le vaccin, des chiffres assénés sans éléments de comparaison, des changements dans les modes de décompte (d’abord les morts, puis les cas, puis à nouveau les morts). »
    « Des morts par le vaccin, devenus des morts avec le vaccin » ! Quels chiffres ? Quelles preuves ? Qui seraient ces patients décédés « du fait du vaccin » qu’on nous aurait cachés alors que jamais la pharmacovigilance n’a été si vigilante ? Des assertions ne sont pas des faits. L’auteur emploie étrangement dans cet article des procédés qu’il réprouve. Un peu de rigueur !

    « Ayant exercé la fonction d’employeur pendant de nombreuses années, je peux témoigner qu’il était impensable de disposer de la moindre information médicale sur un employé. Le médecin du travail n’indiquait que l’aptitude ou non au service, sans le moindre détail ni commentaire. Quant à un licenciement pour des motifs médicaux, le tabou était absolu. Et voilà qu’il disparaît, comme ça, sans grandes réactions. »
    Pour avoir été moi-même employeur de personnels soumis à obligation vaccinale comme les personnels des établissements de soin, je puis certifier que le licenciement – ou la cessation du contrat de travail par mise fin à la période d’essai – est inscrit depuis des dizaines d’années dans la pratique du droit social français, cela se pratique en étroite coordination avec la médecine du travail.

    « Autre indice, l’argument des féministes : « Mon corps m’appartient ». Sauf désormais pour y injecter des produits nouveaux, dont les autorités politiques et sanitaires ont sciemment raccourcis les phases de tests, en dégageant la responsabilité juridique des laboratoires. »
    La vaccination obligatoire n’est pas une nouveauté et ne s’étend pas qu’à des catégories précises de population à risque, elle concerne par exemple tous les enfants scolarisés, mais aussi les voyageurs pour certaines destinations. L’injection quelque peu forcée de produits n’est donc pas surgie de nulle part. Quant au raccourcissement des phases de tests lorsqu’un bénéfice sérieux apparaît dans les essais de phase I et II, c’est une procédure classique qui est utilisée dès qu’il apparaît que poursuivre les essais au rythme initialement prévu serait une « perte de chance » pour les malades.

    « Les faits sont têtus ». Mot constamment cité et attribué à Lénine. La version complète serait : « Les faits sont têtus, mais avec les statistiques, on peut s’arranger ». Je ne l’ai pas vérifié, mais la crise du COVID suffit à en confirmer le contenu. Jamais le nombre, dont la culture scientifique fait l’ultime critérium, n’a été autant malmené et perverti »
    Sans doute les statistiques ont-elles été malmenées. Mais essentiellement par les médias, pas par les scientifiques. C’est le système médiatique qui a projeté dans la lumière certains hurluberlu ou scientifiques vieillissants attirés par la lumière médiatique afin de produire du scandale, donc de l’audience et de la recette financière. Dans le monde scientifique en général, pendant toute cette crise les chiffres ont été constamment discutés, comparés, vérifiés, validés. Et s’il y a eu disputatio, qui n’aurait jamais dû être en première ligne médiatique, c’est bien la preuve que la très grande majorité des chercheurs – chercheurs, avec ce que suppose ce terme de modestie, de progressivité et de méthode – se sont bien soumis à la critique de leurs pairs pour aboutir in fine à de remarquables succès scientifiques. Mentionnons notamment la production dans un temps extraordinairement court de vaccins et la découverte des mécanismes de transmission qui ont permis de définir les gestes barrières propres à limiter l’épidémie (gestes barrière qui, au passage, ont permis d’éradiquer, au moins une année durant, la grippe qui fait en France, plus de 10 000 morts par an).

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  4. Tout le monde connaît la première phrase du Discours de la Méthode : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » mais on a tendance à négliger la suite, qui en est l’explication : »car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. » Le bon sens, c’est la raison commune et elle est pour Descartes la faculté de se mettre d’accord mais il suggère aussi qu’en cas de désaccord, il ne viendra à l’esprit de personne de s’estimer moins sensé que son adversaire : c’est toujours l’autre qui est fou, jamais moi. La rationalité, toujours invoquée en matière de vérité mais aussi en matière d’opinions personnelles serait sujette à dispute. L’accord des esprits n’est même pas le bon critère : un seul homme peut avoir raison contre toute une ville, nous dit Descartes, qui pense à Galilée.

    Il y a tout de même un critère de rationalité que je voudrais rappeler ici. C’est le tout premier, pour reprendre l’esprit de la genèse girardienne anti-sacrificielle de la rationalité, celui par lequel l’exploration de la nature a pu connaître le succès : la séparation radicale entre deux sortes de cause, la cause efficiente et la cause finale. La pensée magique les confond : les melons ont des tranches « pour être mangés en famille » (Bernardin de Saint-Pierre), tel fléau de la nature (la peste thébaine, par exemple) exprimerait la colère des dieux. Dans la mesure où l’on cherche des intentions (bonnes ou mauvaises) à l’origine des phénomènes ou des événements, en cas de désordre, on cherche le coupable, on le trouve même sans le chercher grâce au « mécanisme victimaire ». La médecine tâtonnante du temps de Molière, instruite par l’expérience (à ne pas confondre avec l’expérimentation!) vidait de leur sang les malades, dans l’espoir d’expulser de leur corps l’agent perturbateur et cela reste la pratique des régimes totalitaires, la déportation en masse.

    La pensée rationnelle, méthodiquement, sépare donc les causes et les conséquences d’un phénomène ou d’un événement. Les conséquences du tremblement de terre de Lisbonne(1755) peuvent bien avoir été morales et spirituelles , ses causes sont naturelles. Expliquer un phénomène c’est montrer « comment » et renoncer à dire « pourquoi », ou à quelle fin, il se produit. On voit où je veux en venir : prétendre que les effets d’une crise sanitaire sont en réalité ses causes, au sens où la cause finale d’un événement se révèlerait dans ses effets, c’est tourner le dos à la rationalité et régresser à une forme de pensée « magique ». Ce n’est évidemment pas ce que fait ce billet girardien, qui nous rappelle au contraire à notre devoir de vigilance face aux symptômes d’abandon de la rationalité qui sévissent toujours en temps de « crise ». Ayons à l’esprit que la rationalité, comme la bonté, peut être dévoyée, et asservir au lieu de libérer : le raisonnement trop rigoureux du paranoïaque peut avoir, comme la bonté trop parfaite du prince Myshkine, l’Idiot de Dostoïevski, des conséquences catastrophiques. La vraie rationalité doit admettre que réel n’est pas tout entier sous sa juridiction.

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  5. Ce billet m’a personnellement un peu mis mal à l’aise, et je remercie François Michaud-Nérard et Christine Orsini d’avoir pris la peine de mettre des mots et des concepts sur les ambigüités qu’il contient, à mon avis aussi, à côté de ses remarques très stimulantes. Il me semble surtout que Luc Laurent Salvador fait tomber ces ambigüités en faisant glisser le texte directement vers le conspirationnisme (ce que Jean Louis Salasc refusait, mais peut-être un peu mollement): je me demande si ce geste ne met pas en valeur le risque de toute lecture mimétique sur les phénomènes contemporains qui, en se réclamant un peu rapidement de sa rationalité, évacue la vieille question de la valeur de la vision d’un observateur qui fait partie intégrante du tableau qu’il observe (ce qui n’est pas trop le cas pour la peste thébaine, par exemple…). Ainsi le choix fait de mettre l’accent sur le conspirationnisme indiquerait assez clairement à quelle place le commentateur voir l’auteur au sein du tableau proposé: en surplomb lucide, alors que les autres, bien aveugles eux, sont dans la mêlée. On a même l’impression que le commentateur se prétend peut-être encore un peu plus en surplomb que l’auteur. Et du coup la crainte de Jean-Louis Salasc – « Nous participons à ce travail d’affaiblissement de la rationalité  » – est-elle peut-être encore plus justifiée qu’il ne le pensait dans ses conclusions.

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  6. Alain, votre remarque pertinente: « …..évacue la vieille question de la valeur de la vision d’un observateur qui fait partie intégrante du tableau qu’il observe ….. » est effectivement la question centrale de la recherche dans toutes les sciences humaines.
    Je l’ai personnellement résolu, après un long travail épistémologique, en étant clairement dans la mêlée. Etant autiste, je n’entends et ne lis que le premier degré et dès, lors des disputatio, je n’interviens que par des questions, lorsque je sens que les bases (le premier degré) semblent évidentes’ pour certains ou tous les participants mais pas par moi.

    J’ai plus de 65 ans, était prioritaire pour le vaccin. Je n’étais pas opposé à être vacciné et lorsque mon docteur me le proposa, je pris RV pour les deux doses. Deux jours avant le 1ier RV, elle me téléphone pour l’annuler, la politique vaccinale ayant changé, et elle n’était plus livrée. Un mois plus tard, elle m’avoua sa lassitude et l’ abandon de la vaccination. Je pris RV mais obtins le deuxième le 9 août, après l’instauration du PASS sanitaire. Ce qui signifiait que tous ceux qui n’étaient pas prioritaires (les jeunes, par exemple) et qui n’ont pu commencer leurs prises de RV une semaine après moi. En plein été, et si j’en juge par la réaction de l’un de mes fils, qui a participé aux manifestations anti pass, ces gens là étaient très mécontents.

    Comment réagissez vous face à un tel fait? Comment qualifier la politique sanitaire et la logistique pour l’appliquer? Les manifestants de cet été avaient ils des raisons de manifester?…

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    1. Fxnic, je dois vous avouer que vous me posez là une colle. Vous me demandez une réaction, mais je dois dire que je n’ai pas réellement tout compris à ce qui vous est arrivé, et même si tel était le cas je n’ai ni les compétences ni les informations pour qualifier la politique sanitaire du gouvernement et la logistique. Par exemple, que dans ma région les choses se soient convenablement passées ne me permet pas davantage de juger l’ensemble; je ne peux avoir que des réactions, mais, à mon niveau, ce ne peuvent être des analyses. Il y faut, pour dépasser l’accumulation des cas particulier, des chiffres et des structures d’ensemble que je n’ai pas.
      C’est la définition même du mot « crise » que de multiplier les problèmes individuels et de donner le sentiment de l’incohérence. Et de nous tournebouler et nous pousser à rechercher des responsables, réels ou imaginaires, à sacrifier. Cette situation exige de chacun, c’est au moins ainsi que je le vois, de ne pas céder à ce vertige, qui a bien des aspects d’un vertige mimétique, comme cela a été montré.
      Etes-vous sûr que les manifestants protestaient contre les difficultés d’accès à la vaccination?

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      1. Alain, je ne m’adressai pas qu’à vous.
        J’ai cité mon cas, parce que c’est un fait national. Le gouvernement a demandé aux médecins de ville d’être en première ligne, puis a changé de stratégie, en mettant en place les « vaccinodromes ». Et ces médecins n’ont pas été livrés et ont du décommander leurs patients.
        Et si je cite mon cas, c’est que bien qu’ayant pris plus tard mes RV, je l’ai fait, une semaine avant que la vaccination ne soit ouverte à tous. Et je n’ai pu avoir mon 2ième RV que le 9 août, soit trois semaines après l’instauration du PASS. Tous ceux qui n’étaient pas prioritaires ne pouvaient donc pas être vaccinés totalement, au moment de la mise en oeuvre de ce pass.
        Les manifestants ne protestaient pas contre les difficultés d’accès à la vaccination, mais étaient exaspérés par cette situation, au moment de leurs vacances.

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  7. Jean-Louis SALASC, permettez-moi de reprendre la conclusion de votre article remarquable:
    « Ce faisant, nous ne nous exerçons pas à régler nos conflits par la rationalité, le recul et la recherche de compromis. Nous nous condamnons nous-mêmes à la seule issue restante quand la raison a disparue : le mécanisme du bouc émissaire. »
    Si je pense, personnellement, que ce mécanisme est « anthropologique », donc lié à l’homme et toujours présent, même s’il était moins visible, je vous rejoins totalement, en faisant le lien avec votre dernier article (sur une autre lecture du dernier livre de René GIRARD) : Le mécanisme du bouc émissaire va s’étendre et se généraliser, de manière plus visible.

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  8. « La vraie rationalité doit admettre que réel n’est pas tout entier sous sa juridiction. » C’est la conclusion, Christine ORSINI, de votre commentaire toujours érudit et remarquable de philosophe. Je ne discuterais pas de sa pertinence, mais je voudrais aller ailleurs, en partant, non pas du discours de la Méthode, mais d’une autre méthode, qui m’est propre (j’attends toujours pour livrer ce genre de commentaires, surtout sur un blogue de recherche mimétique….)
    Nous avons à faire dans cette controverse à une rivalité mimétique, c’est ce que montre excellement, Jean-Louis SALASC. C’est-à-dire un conflit qui cache les enjeux réels qui sont les mêmes pour chaque groupe rival (ici, ceux qui se revendiquent (ou non) complotistes et ceux qui prétendent les combattre (tout en souhaitant leur présence). Pour prendre une image mathématique, ces enjeux sont les axiomes sur lesquels se sont bâties deux théories concurrentes….
    Il suffit alors de changer les axiomes pour soit rendre visibles ces enjeux et avoir une vraie différence non mimétique, soit avoir un accord.
    J’interviens, après l’allocution de Macron, qui a distribué les munitions pour les deux camps: Une fois encore, il change d’avis (sur la troisième dose) etc…..
    Aussi, changeons l’axiome: La mondialisation est un fait. Les vaccins proposés maintenant sont chers et ont été accaparés par les pays qui ont les moyens. Les autres attendent et ont une couverture vaccinale très faible. Ils réclament la fin des brevets sur des produits. Si la couverture vaccinale est un concept scientifique, elle sera véritablement efficace à l’échelle mondiale.
    Pourquoi donc, ne pas envoyer ces doses de vaccins réservées pour une troisième dose à ces pays qui les réclament. …. Et abandonner les sujets de conflits …?

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