Une bonne nouvelle pour commencer l’année

par Hervé van Baren

Le New York Times publiait récemment un article intitulé « Why 2017 Was the Best Year in Human History »(1)  (Pourquoi 2017 a-t-elle été la meilleure année de l’histoire de l’humanité). L’auteur fait le constat que chaque jour la pauvreté recule, et que le progrès est toujours en marche et bénéficie à une proportion sans cesse plus grande d’habitants de la planète. Pourtant, nous avons le sentiment d’une régression généralisée.

Les statistiques de crime en Europe Occidentale n’ont jamais été aussi basses, en particulier les homicides. Pourtant, nous avons l’image d’une violence en recrudescence.

Nous vivons plus longtemps, nous sommes en meilleure santé, nous sommes plus nantis que nos ancêtres, dans leurs rêves les plus fous, n’osaient l’imaginer. Nous sommes plus libres aussi : liberté de pensée, de parole, de choisir notre vie, d’aller où bon nous semble, de fréquenter qui nous voulons.

Pourtant, jamais le futur ne nous a paru aussi incertain et menaçant. Jamais l’angoisse n’a atteint de tels niveaux, collectivement et individuellement. Tout se passe comme si nous appliquions le négatif parfait de la méthode Coué(2) : tout va mieux qu’avant, mais pensons très fort que tout va mal, et tout ira mal. Nos prophéties (auto-réalisatrices ?) sont des visions d’effondrement et de mort.

Qui peut nous éclairer sur ce phénomène étrange ? Certainement pas le positivisme contemporain, qui il y a quelques années à peine proclamait « la fin de l’histoire » sur un ton triomphant. Le constat d’une humanité crispée sur l’avoir au détriment de l’être est pertinent, mais constitue-t-il une explication suffisante ? Pendant les Trente Glorieuses, le matérialisme se portait bien, le moral aussi.

Il est un phénomène invisible qui rend compte de ce paradoxe. Nous sommes, paraît-il, des êtres conscients. Des penseurs comme René Girard ont relativisé cette conscience : devant bien des comportements humains, et en particulier notre violence, nous sommes parfaitement aveugles. Or la conscience n’est pas un phénomène figé, elle évolue tout au long de la vie d’un individu et elle croît aussi dans l’histoire.

Arrive fatalement un moment où cette conscience atteint le niveau requis pour pouvoir dénoncer les « mensonges romantiques » et révéler la part violente de tout individu, de toute institution et de toute société humaine. Lorsque le réel se dévoile, le spectacle n’est pas toujours des plus agréable à contempler.

C’est là la conséquence imprévue et ignorée du progrès. Celui-ci ne peut pas être cantonné au matériel. La satisfaction des besoins primaires libère le temps et l’énergie pour s’interroger sur des questions plus existentielles. Dans les périodes prospères, la violence et l’injustice nous deviennent insupportables et nous devenons des chercheurs d’amour.

C’est le dévoilement, incroyablement rapide et généralisé, de la face obscure de l’humain qui est la cause première de nos tourments actuels, et la racine de ce phénomène n’est pas une régression de la conscience, mais au contraire une conscience planétaire qui suit le même mouvement que pratiquement tous les domaines de l’humain : la croissance économique, la dette, les technologies, la démographie, la consommation, la pollution, l’interconnexion par les réseaux sociaux, etc. : une croissance exponentielle. Le phénomène est explosif. Dans sa dimension spirituelle, il est ravageur.

Ainsi sont déballés, en quelques générations, l’horreur objective de la pédophilie, de l’inceste, du viol, de la guerre, la dimension sacrificielle de la justice, la corruption du pouvoir, la violence intrinsèque du débat politique, le cynisme des élites économiques et financières, le racisme, l’exploitation des plus faibles, le machisme, l’avidité à l’origine de la destruction de la planète…

Les fondations sur lesquelles nous bâtissions nos vies et nos civilisations se lézardent et se brisent, simultanément et partout. Toutes nos institutions nous semblent corrompues. Nos familles éclatent, nos cultures sont attaquées de toute part. Nous nous accrochons désespérément aux idoles qui, croyons-nous, nous font vivre, alors même qu’elles s’écroulent sur nous. Nous gardons de tout cela l’image d’un monde qui sombre alors qu’il n’a jamais été aussi juste, aussi soucieux de l’humain.

Les seuls qui nous apportent une connaissance objective de ce phénomène, et qui le décrivent avec justesse, sont les prophètes des religions monothéistes. En parlant de Babylone, la cité symbole de la corruption morale et de la violence sacrificielle, Isaïe écrit :

Tu disais : « je serai pour toujours, perpétuellement dominatrice ». Tu n’as pas réfléchi dans ton cœur au sens des événements, ni songé à leur suite.

Mais maintenant, écoute ceci, voluptueuse, trônant avec assurance, toi qui dans ton cœur disais : « C’est moi qui compte, et le reste n’est que néant. Non, je ne resterai jamais veuve, j’ignorerai la perte de mes enfants. »

Ces deux choses vont t’arriver, dans l’instant, en un jour : perte de tes enfants, veuvage aussi – le comble ! – arriveront sur toi, bien que s’entassent tes recettes magiques et que foisonnent tes enchantements, avec excès. (Isaïe 47, 7-9)

La montée en conscience déclenche la crise aussi sûrement que l’hiver succède à l’automne. Le phénomène nous est pourtant invisible, parce que sa connaissance implique la conscience, or c’est lui qui nous rend conscient. Nul ne peut connaître le jour ni l’heure.

La chute des astres prédite par l’Apocalypse n’est pas un acte divin, elle fait partie du phénomène. La sécularisation, le désenchantement, le retrait du sacré doivent précéder le dévoilement du réel :

Mais en ces jours-là, […] les étoiles se mettront à tomber du ciel et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. (Marc 13, 25)

Et l’inéluctable crise qui l’accompagne :

Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les nations seront dans l’angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation, tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde […] (Luc 21, 25-26).

Le « plan de Dieu », c’est de nous rendre conscients :

Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, la Vérité. (Coran 41,53)

Mais cela ne peut avoir lieu sans traverser une période d’angoisse, une crise ravageuse :

Ceux qui ont cru disent : « Ah! Si une Sourate descendait! » Puis, quand on fait descendre une Sourate explicite et qu’on y mentionne le combat, tu vois ceux qui ont une maladie au coeur te regarder du regard de celui qui s’évanouit devant la mort. (Coran 47,20)

Tout cela a lieu au moment même où bourgeonnent les signes des temps nouveaux :

[…] quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l’Homme est proche, qu’il est à vos portes. (Marc 13, 29)

Ce phénomène n’a rien de nouveau, c’est un schéma anthropologique universel, mais jamais auparavant il n’avait connu une telle ampleur, ni une telle soudaineté. Jamais la violence dans le monde et dans les cœurs n’avait été exposée de la sorte. Le bien comme le mal perdent leur caractère sacré en même temps qu’est dévoilée leur réalité bien terrestre, si humaine. Il n’y a plus rien de ce qui était caché qui ne soit découvert.

C’est la Révélation qui déclenche la crise spirituelle. La part hideuse du réel est une vision que nous ne pouvons contempler sans succomber(3). C’est un mouvement profondément vertueux, nécessaire et inéluctable qui nous précipite aujourd’hui dans les affres des douleurs de l’enfantement(4). Car c’est bien d’un enfantement qu’il s’agit ! Serions-nous aux derniers jours (ou semaines) de la gestation d’une humanité neuve qui rejettera de toutes ses cellules la corruption, l’injustice et la violence ?

René Girard l’a vu : l’Apocalypse est en marche, et c’est, au fond, une très Bonne Nouvelle. La meilleure nouvelle qui nous soit parvenue depuis le commencement des temps.

Tous mes vœux pour 2018 !

Hervé van Baren

 

(1) https://www.nytimes.com/2018/01/06/opinion/sunday/2017-progress-illiteracy-poverty.html

(2) Wikipedia définit ainsi la méthode Coué : « une méthode fondée sur l’autosuggestion et l’autohypnose, due au psychologue et pharmacien français Émile Coué de la Châtaigneraie (18571926). Elle utilise la répétition de prophéties autoréalisatrices, censée entraîner l’adhésion du sujet aux idées positives qu’il s’impose et ainsi un mieux-être psychologique ou physique. Elle se veut autant préventive que curative ».

(3) Dans la Bible, la vision de Dieu est mortelle, voir par exemple Exode 33,20. Voir Dieu c’est atteindre la pleine conscience, ce qui ne peut advenir sans que soit dévoilée la part obscure de notre être, vision qui nous difficilement supportable.

(4) voir Marc 13, 8

Les citations bibliques sont extraites de la TOB, Société Biblique Française. Les extraits du Coran proviennent de la traduction de D. Masson, Folio Classique.

9 réflexions sur « Une bonne nouvelle pour commencer l’année »

  1. Merci de cet éclairage.
    Je me pose sands cesse la question de ce fameux stress et syndrome depressif qui touche tant de monde (en Europe au moins ) alors que notre qualité de vie n’a jamais été aussi élevée. ..

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    1. Je me pose tout de même des questions sur la pertinence de cette enquête. N’est elle pas faite par les chantres de cette théorie de la fin de l’histoire? Je veux dire aux Etats Unis on ne peut de bonne foi affirmer que l’espérance de vie augmente lorsque nous savons qu’elle commence à baisser légèrement. Je vais émettre le point de vue d’un garçon de la classe moyenne. L’écart de revenu entre riches et pauvres depuis la chute du mur n’à cessé de s’accroître. La méthode Coué des libéraux pratique courante au XIX sème siècle n’est elle pas tout simplement en train d’être dévoilée? (exemple le progrès technologique amènera un mieux être de l’humanité. Voir le sort des paysans et artisans durant ce siècle. Bernadette Soubirou en étant la plus belle incarnation). Depuis la chute de la grande idéologie sociale nous nous retrouvons avec un maître qui ne supporte plus ses défaillances.

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  2. Est ce sérieux?
    Simple comparatif entre la chute du mur et aujourd’hui. Sachant qu’il n’y à pas de bilan fiable pour la Lybie, le Yemen ou même la guerre civile Irako-americains, Irako_sunnites, irako shiites. Et n’oublions pas les atrocités qu’on fait subir les Sri Lankais aux Tamouls. On peut juste remarquer que le nombre des conflits s’intensifie entre La fin des années 80 et les années 2010. On est sur 4 ou 5 conflits jusqu’à la chute du Mur.

    1960
    La guerre du Viêt Nam, débutée en 1954, se poursuit jusqu’en 1975 et aurait fait de 2 à 5 millions de morts4.

    La guerre d’Algérie, débutée en 1954, se termine en 19625. La guerre et les massacres des harkis suivant le cessez-le-feu auraient fait au moins 400 000 morts, bien que les pertes algériennes soient difficiles à chiffrer.

    La guerre des Six Jours fait environ 15 000 à 20 000 morts en 19676.

    1970

    La guerre du Biafra fait un ou deux millions de morts entre 1967 et 1970.

    La guerre du Biafra s’achève en janvier 1970, après avoir fait un ou deux millions de morts en trente mois.
    « Septembre noir » en Jordanie (1970).
    La guerre indo-pakistanaise de 1971 aboutit à l’indépendance du Bangladesh.
    La Guerre israélo-arabe du Kippour (entre Israël, l’Égypte et la Syrie) débouche sur le premier choc pétrolier (octobre 1973).
    Les Turcs occupent la partie septentrionale de l’île de Chypre (juillet-août 1974).
    La prise de Saïgon par les Vietcongs marque la fin de la guerre du Viêt Nam (avril 1975). Les Khmers rouges se livrent à un véritable génocide au Cambodge, avant d’être chassés du pouvoir par les Vietnamiens en janvier 1979.
    La guerre civile angolaise débute en 1975, avec trois mouvements de libération rivaux qui se disputent le pouvoir1.
    La guerre civile éclate au Liban en avril 1975. La Syrie et Israël interviennent dans le conflit.
    Le conflit du Sahara occidental éclate en novembre 1975.
    Les troupes françaises et belges interviennent à Kolwezi (mai 1978).
    Les troupes soviétiques interviennent en Afghanistan (décembre 1979).

    1980
    La guerre des Malouines, qui fit 907 victimes, s’est déroulée d’avril à juin 1982 et a opposé le Royaume-Uni à l’Argentine. La victoire anglaise a précipité la chute de la junte militaire argentine aboutissant à un gouvernement démocratique élu en 19831.
    La guerre Iran-Irak, qui s’est déroulée de 1980 à 1988, a fait plus d’un million de victimes1.
    La guerre du Liban démarrée en 1975 se poursuit jusqu’en 1990 et fera entre 130 000 et 250 000[réf. nécessaire] victimes. Du 16 au 18 septembre 1982, le massacre de Sabra et Chatila par des miliciens chrétiens est le plus grand massacre de civils palestiniens de cette guerre.

    1990

    La Deuxième guerre du Congo démarra en 1998, engendrant maladies, famines et destruction du lien social. Le bilan serait de 4 à 6 millions de morts, le conflit se poursuivant en 2015.
    La Guerre du Koweït (1990-1991), dite aussi guerre du Golfe ou seconde guerre du Golfe si l’on compte la guerre Iran-Irak, fit 25 000 à 100 000 victimes.
    Les Guerres de Yougoslavie furent les plus meurtrières en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. On estime que le bilan humain de ces guerres s’élève à 300 000 morts dont deux tiers de civils, s’accompagnant de 4 millions de personnes déplacées. Beaucoup des principaux personnages clés impliqués furent ou sont poursuivis pour crimes de guerre. Le Siège de Sarajevo, de 1992 à 1996, est le plus long siège de l’histoire de la guerre moderne, après le siège de Homs.
    Le Génocide des Tutsis au Rwanda eu lieu d’avril à juillet 1994. L’ONU estime qu’environ 800 000 Rwandais4, en majorité tutsis, ont perdu la vie durant ces trois mois. L’ampleur du massacre (en trois mois, 1 million de personnes sont tuées selon les autorités rwandaises après recensement, 800 000 selon l’ONU et l’OUA), sa cruauté et le nombre d’exécutants en font un des évènements les plus atroces du XXe siècle.
    Les Guerres en Tchétchénie ont fait plus de 350 000 victimes, en grande majorité des civils.
    La Guerre civile au Liberia (1989-1996) coûta la vie à près de 150 000 personnes, des civils pour la plupart, et a provoqué un effondrement total de l’État du Liberia. La Deuxième guerre civile libérienne démarra en 1999 et fit entre 150 000 et 300 000 victimes
    La Guerre civile en Sierra Leone fit 50 000 tués et 2,5 millions de déplacés.
    La Guerre civile algérienne opposant l’État à l’opposition islamiste, appelée « Décennie noire », fit entre 60 000 et 150 000 victimes selon les sources.
    La Guerre civile somalienne plonge la Somalie dans une famine qui fait près de 220 000 victimes5, dont plus de 100 000 pour la seule période qui va de 1992 à 1994.
    La guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée fait 100 000 morts.

    2000
    Les attentats du 11 septembre 2001 ont profondément marqué l’Histoire. Ils ont déclenché une guerre contre le terrorisme, avec la guerre d’Afghanistan et la guerre d’Irak (2003-2009). Cette dernière a duré plus de 8 ans, et aurait tué plus de 500 000 civils. La guerre a causé la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Quant à la guerre d’Afghanistan, elle entraine un conflit armé au Nord-Ouest du Pakistan qui, après quelques combats qui commencent en 2004, s’intensifie réellement à partir de 2007 et 2009.

    La deuxième guerre du Congo est terminée en 2003.

    En 2008, un conflit armé oppose la Russie et la Géorgie, entrainant la reconnaissance de l’indépendance de Abkhazie et l’Ossétie du Sud par la Russie.

    La guerre du Kivu en République démocratique du Congo oppose depuis 2004 les forces régulières de l’armée à des rebelles (Congrès national pour la défense du peuple).

    À l’ouest du Soudan, la guerre du Darfour liée à des tensions ethniques aurait abouti au génocide de 300 000 personnes, et aurait fait des millions de déplacés et réfugiés depuis 2003. Les victimes ont fui le Darfour vers d’autres régions du Soudan ou le Tchad2.

    Au Népal, la monarchie est abolie en 2008 à l’issue d’une guerre civile de dix ans (1996-2006).

    La guerre civile du Sri Lanka se termine en 2009 par la victoire des forces gouvernementales.

    2010

    À la suite de la crise économique, des manifestations éclatent en Afrique du Nord fin 2010. Les révolutions tunisienne et égyptienne conduisent au départ des présidents Zine el-Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011, et Mohammed Hosni Moubarak le 11 février 2011. Les protestations dans les pays arabes se multiplient : l’Algérie, la Libye, la Jordanie, le Yémen, le Maroc, le Bahreïn et l’Iran se soulèvent de décembre 2010 à février 20114. Les répressions sont parfois meurtrières ; celles menées par Mouammar Kadhafi en Libye font plus de 100 000 réfugiés libyens et 6 000 morts lors de la guerre civile libyenne de 20115.

    Durant la révolution en Libye en 2011, Kadhafi avait eu recours à de nombreux mercenaires, notamment touaregs. Ces derniers, après la chute du régime, gardent les armes qu’on leur avait attribué et se rendent au Mali, où ils font la guerre au pouvoir de Bamako, avec l’aide de groupes islamistes. En quelques semaines, le nord est totalement sous leur contrôle, tandis que le président élu du Mali est renversé par un coup d’état militaire. Les islamistes écartent ensuite de leur chemin les groupes touaregs, et prennent seuls le contrôle du désert nord-malien. Un des groupes islamistes, Ansar Dine, procède au saccage des mausolées de Tombouctou à partir de mai 2012, ce qui est considéré comme un crime de guerre par la cour pénale internationale6. Le 11 janvier 2013, la France répond à l’appel à l’aide et déclenche une opération militaire7.

    Lors de la Guerre civile syrienne, l’armée syrienne avait déjà tué plus de 60 000 personnes en janvier 20138 et le nombre de victimes atteignait plus de 110 000 au 31 août 20139, avec 2 millions de réfugiés et plus de 4 millions de déplacés10. Un nouveau bilan en avril 2014 était de plus de 150 000 morts11. Un accord de cessez-le-feu à partir de 29 décembre 2016 est conclu avec la Russie, la Turquie, l’Iran, le régime syrien et la coalition de l’opposition syrienne12. Au total, le nombre de victimes (civiles et militaires) est estimé à plus de 300 000 à la fin de l’année 2016. Des villes (Alep) et sites historiques (Palmyre) ont été détruits.

    L’État islamique, organisation terroriste aussi appelée Daech, prend de l’ampleur et conquiert des territoires en Irak et en Syrie en 201513, malgré l’intervention d’une coalition de 22 pays. Elle est responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique et de génocide ; mais aussi de destruction de patrimoine.

    En Égypte et en Tunisie, les premières élections libres font la part belle aux partis islamistes, les Frères musulmans en Égypte Ennahdha en Tunisie. Dans ce dernier pays, le nouveau président Moncef Marzouki est pourtant laïc. En Égypte, le pouvoir des Frères Musulmans est contrebalancé par celui de l’armée, qui décide de la dissolution du Parlement juste avant les présidentielles. Dans les deux pays, les salafistes exercent une grande pression dans la rue et dans les débats.

    La guerre civile yéménite qui débute en 2014 fait suite à la Révolution yéménite. Le conflit au Yemen s’est internationalisé en mars 2015 avec l’intervention de nombreux pays musulmans menés par l’Arabie saoudite14,15. Plus de 8 000 personnes sont mortes (à la date du 16 juin 2017) et des millions d’autres ont dû quitter leur foyer depuis l’intervention, le 15 mars 2015, de cette coalition militaire16.
    Crise en Ukraine
    Manifestations place de l’Indépendance à Kiev protestant contre l’intervention russe en Crimée, le 2 mars 2014.

    En Ukraine, après des manifestations pro-européennes fin 2013 (Euromaïdan), un soulèvement pro-russe se produit qui aboutit à une crise diplomatique internationale concernant la Crimée. La crise se transforme en Guerre du Donbass, avec plus de 6 000 morts, en majorité civils, comptabilisés depuis le début de la crise en avril 201517. Le Protocole de Minsk signé le 5 septembre 2014 a échoué à faire cesser les combats. Un an après la conclusion des accords de Minsk 2, le 11 février 2015, le cessez-le-feu reste très fragile, avec des affrontements encore nombreux18.
    Guerre d’Afghanistan
    La Guerre d’Afghanistan, déclenchée par les États-Unis en 2001, se poursuit. Depuis 2015, l’OTAN a mis fin à son engagement. En 2016, les effectifs militaires au sol sont maintenus à 10 000 hommes.

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  3. Je m’excuse mais cette question du progrès est assez passionnante. Si je crois à une certaine forme de progrès je ne croirais jamais à une vision linéaire du temps et de la temporalité. C’est une absurdité. La boucle du temps est bien plus sinueuse. Lui donner une forme linéaire est en fait assez barbare et inhumain. Des hommes meurent innocents cela devrait amplement suffire à nous questionner.

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    1. Le progrès ne croit qu’au matériel, et ignore le spirituel. Ce que je cherche à montrer, c’est que cet escamotage du spirituel nous interdit d’expliquer certains phénomènes, tels que le pessimisme ambiant et le repli frileux sur sa nation, sa religion, sa culture. Les périodes de progrès s’accompagnent souvent d’un dévoilement du réel, notamment de la violence sacrificielle à l’origine de toutes cultures, et ce que le prophétisme biblique nous apprend, c’est que ce phénomène est responsable de crises qui ne trouvent pas d’explication avec le point de vue positiviste, matérialiste. C’est la thèse girardienne, comme quoi le christianisme, en dévoilant la réalité de la résolution sacrificielle des crises, rend inopérante la résolution de ces crises par cet expédient. Résultat : les guerres et les génocides du XXème siècle, dont vous faites une liste exhaustive (merci !). Pour autant, la période de paix et d’entente en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale est inédite et assez extraordinaire.
      Plus généralement, je pense, le dévoilement du réel – que j’assimile à une montée de la conscience – dévoile aussi nécessairement la part laide du réel – la réalité de notre condition humaine, et notamment sa violence. Cette idée n’a rien d’ésotérique, c’est ce que nous vivons en ce moment, par exemple, avec l’affaire Weinstein et ses innombrables séismes secondaires. C’est bien la réalité de la violence faite aux femmes qui est exposée ; et ce n’est certes pas un phénomène nouveau. Regardez le résultat ! Nous devrions tous nous réjouir, nous engager joyeusement dans le chantier de l’égalité des sexes, que rien, objectivement, n’empêche d’être une réconciliation. Au lieu de quoi nous assistons à une polarisation fratricide (soeuricide ?), des débats d’une rare violence (verbale), chacun prêtant à l’autre des pensées scandaleuses.
      Je me sens à 100% disciple de Girard lorsque je constate que l’ordre patriarcal qui est dénoncé aujourd’hui partout sur la planète est certes violent et injuste, mais que c’est aussi un ordre, c’est-à-dire qu’il structure, qu’il cimente la société. Le détruire est à la fois nécessaire et vertueux, et suicidaire, tout comme la dénonciation du mécanisme victimaire. Il n’y a pas d’avancées, sur le plan spirituel, sans profondes crises. C’est cela, je pense, le sens de l’Apocalypse, qui alterne sans cesse les visions d’un monde plus juste, débarrassé de sa violence, et les prophéties de grandes catastrophes (qui n’ont rien de naturelles).
      Vous avez raison de dire que l’histoire n’est pas linéaire, et c’est bien ce qui est décrit. Relisez l’Exode par exemple : sur le chemin de la Terre Promise, le peuple hébreux oscille constamment entre les épisodes de crise collective, parfois d’une violence telle qu’elle met en danger la survie du peuple, et les moments de joie, de communion, de foi en l’avenir. L’histoire est cyclique en ce sens que ce phénomène se répète constamment, à l’échelle de l’individu comme à celle des civilisations. Par contre, il me semble difficile de nier qu’à l’échelle de l’histoire, ces soubresauts tendent tout de même vers un accroissement lent mais inéluctable de la conscience. Je dis lent, mais force est de constater que, comme tout le reste, ce phénomène subit actuellement une accélération exponentielle.

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      1. Il me semble que cette vision optimiste de la révélation judéochretienne est très très rare dans la sphère intellectuelle .A part Michel Serres ou Guy Sorman, le discour officiel ce veut pessimiste à tous les niveaux . J’ai participé à une série de conférences sur René Girard au collège supérieur à Lyon . Et bien j’ai constaté qu’on peut tout à fait discourir sur les thèses Girardienne pour ne voir aucune solution à la perte des rites sacrificiels ,dernier et plus grand de tous les boucs émissaires : notre société .C’est le syndrome des témoins de Jéhovah ,la fin du monde tous les jours au journal du 20 heures.
        Michel Serres nous sauve par sa verve juvénile et donne une solution à ce mystère : la perte d’autorité des professeurs,des maîtres ,des prêtres . La pyramide du savoir devient plus égalitaire grâce aux nouvelles technologies.

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  4. Grande lucidité anthropologique, très belle synthèse philosophique, élévation (et même révélation) spirituelle : je me suis passionné pour ce texte, auquel j’adhère sur le fond. « Plus le bien progresse, plus le mieux est requis », cette est peut-être en effet une des lois non écrites les plus efficientes de et dans l’histoire. Outre qu’il remet en lumière une tournure « chardinienne », et en fournit surtout la clef de compréhension (on insiste peut-être pas assez sur l’influence de Teilhard sur la pensée girardienne de l’hominisation, ni assez non plus sur la matrice hégélienne de ces deux pensées), il périme la chanson triste des déclinistes et autres oiseaux de malheur, non pas en prétendant réfuter que certains aspects de la modernité sont en effet régressifs (Finkielkraut n’est pas du tout un sot), mais en affirmant que ces aspects négatifs doivent faire l’objet d’un niveau de compréhension plus élevé et plus large… et qu’alors la compréhension que nous en avons change. Ce qui me donne à conclure qu’il s’agit finalement d’un texte dont la matrice conceptuelle est plus encore leibnizienne qu’hégélienne.

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